De notre correspondant
L 'ARGENT est aussi le nerf de la recherche. Encore plus quand il s'agit d'un travail d'épidémiologie au long cours sur les relations nutrition-cancer, qui implique quelque 130 cancérologues du monde entier et dont les résultats pourraient induire à l'échelle mondiale une réduction significative du nombre de tumeurs grâce à des changements dans les modes d'alimentation.
L'étude EPIC, qui doit durer jusqu'en 2009, coûte environ 6 millions d'euros par an. Son financement est exclusivement public - les chercheurs y tiennent farouchement. Deux millions seulement sont fournis par la Commission européenne ; le reste est assuré par le milieu associatif et caritatif, notamment la Ligue nationale contre le cancer. « Le financement d'EPIC pour 2002 doit être bouclé le 31 août prochain. Or nous ne savons toujours pas, à l'heure actuelle, de quels budgets publics exactement nous allons pouvoir disposer ; chaque année, à la même période, c'est la même incertitude, lassante, usante, et surtout totalement anormale », s'insurge le Pr Elio Riboli (CIRC, Lyon), qui a coordonné l'ensemble des travaux de la conférence européenne Nutrition et Cancer qui vient de se tenir durant quatre jours à Lyon pour examiner les résultats d'étape de l'étude EPIC.
Bientôt des certitudes
« Nous arrivons pourtant à un stade de l'étude où nous commençons à acquérir des résultats probants, c'est-à-dire des corrélations évidentes, et où, surtout, il est absolument capital de pouvoir continuer les recherches pour obtenir enfin des certitudes, poursuit le Pr Riboli. C'est maintenant, à la lumière des quelque 96 000 tumeurs apparues dans nos cohortes depuis 1992, et surtout de notre "stock"d'ADN de plus de 400 000 sujets engrangé depuis neuf ans, que nous allons pouvoir décortiquer l'extrême complexité de la problématique nutrition. Elle ne se limite pas aux nutriments ; elle concerne aussi la cuisson des aliments, le patrimoine génétique, la taille, le poids, le rapport taille/muscle/masse graisseuse, et les interactions hormonales, ces dernières étant beaucoup plus complexes qu'on ne le pensait il y a encore quelques années. »
Les prochains résultats de l'étude seront d'autant plus révélateurs que le nombre et la distribution de nouvelles tumeurs augmente naturellement avec le vieillissement des cohortes de volontaires et que la richesse des données en sera augmentée.
Certains des résultats préliminaires de l'étude EPIC rendus publics à Lyon la semaine dernière confirment ceux de 1998. Au chapitre des « certitudes », résume le directeur d'EPIC, c'est-à-dire celles qui déterminent des recommandations à diffuser auprès de la population générale, il faut d'abord ranger l'alcool et le tabac, dont l'implication directe dans les tumeurs des voies aériennes et digestives est bien établie. Il faut y ajouter l'obésité, insiste le Pr Riboli. Ces trois thèmes devraient devenir les priorités des politiques de santé.
Enfin, conclut en substance le coordinateur d'EPIC, la seule recommandation issue des études alimentaires concerne les fruits et les légumes, dont la consommation quotidienne doit être encouragée, puisqu'elle pourrait induire une diminution du risque des cancers de la bouche, du larynx, de l'oesophage et de l'estomac, et qu'une alimentation riche en réduirait le risque de cancer colo-rectal.
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