A douze jours des législatives

Nul n'est parfait

Publié le 28/05/2007
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EVA JOLY, la célèbre juge de l'affaire Elf, publie un livre qu'elle commente abondamment à la radio. Dans son ouvrage, elle se livre à une condamnation de la corruption politique en France et, pressée de parler de l'actualité sur les ondes, elle reproche déjà à M. Sarkozy d'avoir fait nommer un de ses amis à TF1. A quoi on peut ajouter, sans craindre qu'elle nous contredise, qu'il a aussi nommé des proches à la police nationale. Pour parfaire la critique, on poursuivra en faisant remarquer qu'après avoir fait licencier naguère le directeur de la rédaction de « Paris Match », coupable d'avoir publié des photos de son épouse en compagnie d'un autre homme, il se fait photographier en couverture du même magazine, lui et sa famille recomposée. D'autres lui reprochent de manquer de discrétion pendant ses joggings filmés (aux Etats-Unis, on avait blâmé Clinton parce qu'il courait en short et montrait ses grosses cuisses).

Dans les récriminations, notamment celles de l'opposition, il y a de tout, du justifié et du moins pertinent. Et, quoi qu'il en soit, nous sommes tout prêts à reconnaître ici avec le plus grand calme que oui, assurément, M. Sarkozy est imparfait. Dans ce qu'il dit et dans ce qu'il fait.

Valable pour tous.

Cependant, un tel jugement peut être appliqué à n'importe quel président passé et présent et, bien entendu, à toute candidate qui eût été élue avec ses qualités et ses défauts, avec ses bonnes mesures et ses mauvaises.

La dialectique action politique-critique de l'opposition est extrêmement saine de quelque point de vue que l'on se place. Mais, comme on répète à l'envi que tout ce qui est excessif est insignifiant, nous nous servirons ici de cette excellente formule comme argument à décharge du président.

On remarque, en outre, un décalage béant entre la vivacité des jugements censés accabler M. Sarkozy et l'énorme majorité d'opinions favorables qu'ils recueillent, lui et son gouvernement. Et, selon vous, qu'est-ce qui explique cet enthousiasme pour un homme qui, en somme, a été élu avec un écart de six points seulement par rapport à son adversaire et avait suscité une forte hostilité ? Au fait que les Français ont compris que l'essentiel, ce n'est pas le jogging télévisé du président, mais les mesures qu'il fait rapidement adopter et ses quelques coups de maître : l'ouverture à gauche et au centre de son gouvernement qui, certes, prépare les législatives, mais est pratiquée avec le concours de très fortes personnalités qui ne lui seront pas soumises en toute circonstance ; la mise en place de sa réforme fiscale, qui déplaît parce qu'elle est bonne pour les riches ; mais c'est toujours ce qu'on dit chaque fois qu'il s'agit d'investir pour créer des emplois et donc de sortir certains de nos concitoyens de l'oisiveté, du marasme ou même de la misère.

IL FAUT FAIRE LE TRI ENTRE DES DECISIONS IMPORTANTES ET BONNES ET DES MESURES MAUVAISES, MAIS MINEURES

Le coup européen de Sarkozy.

Et aussi ce voyage à Bruxelles jeudi dernier qui nous a donné le vertige : Nicolas Sarkozy a conquis la Commission européenne et notamment Jose Manuel Barroso, son président, qui s'est rallié sans coup férir au plan de relance de l'Union du président français. Quand on sait que, depuis deux ans, l'UE est paralysée, comment ne pas féliciter M. Sarkozy d'avoir proposé un traité européen plus simple et plus court qui sera plus facilement adopté par les pays membres ?

Un projet.

Un député socialiste, Benoît Hamon, désormais spécialisé dans la critique systématique de l'action gouvernementale, note, et il a raison, que M. Sarkozy est toujours hostile à l'entrée de la Turquie dans l'UE, mais qu'il n'a pas osé lui fermer la porte définitivement, comme il s'y était engagé pendant la campagne. Donc, il ne tient pas ses promesses, ajoute M. Hamon.

Eh bien, nous répéterons que M. Sarkozy n'est pas parfait. Il n'a pas la rigueur d'un Mendès-France ni la dignité inaccessible d'un De Gaulle. Mais nous ne sommes ni en 1954 ni en 1959, et l'histoire s'écrit autrement ; peut-être s'écrit-elle avec un peu de simplicité, de désinvolture et d'une réduction de la pompe et des ors de l'Elysée. Comment ne pas voir que toutes les décisions de M. Sarkozy, même les mauvaises, s'inscrivent dans un projet qui, lui, est fidèlement appliqué ? Son projet est plus que réformiste : il change notre culture, faite d'horreur de l'argent et d'une charité chrétienne qui, dénuée de moyens, devient voeu pieux ; il change le style de la gouvernance ; il change le rythme de travail, à la fois dans la préparation et dans l'exécution ; il change les rapports avec l'opposition ; il change la relation entre gouvernants et gouvernés.

Et en même temps, comment douter de son efficacité ? Que restera-t-il du rêve de François Bayrou au lendemain des élections législatives, alors même que c'est Nicolas Sarkozy qui commence à le réaliser ? Que restera-t-il des dogmes du PS, alors même que les scrutins de 2007 auront largement démontré que les Français, enfin, commencent à comprendre la nécessité d'une libéralisation de l'économie ?

Chacun d'entre nous aura lu de nombreuses et puissantes analyses sur les raisons de la victoire de M. Sarkozy et son corollaire, la défaite de Mme Royal. Tous les arguments ont été utilisés, depuis le débat télévisé que la candidate socialiste aurait perdu jusqu'à son caractère autoritaire, en passant par son flirt idéologique avec François Bayrou. En réalité, M. Sarkozy était fortement handicapé par l'intolérance qu'il soulevait chez de nombreux électeurs ; des millions de personnes ont voté plus contre lui que pour Mme Royal.

La raison essentielle de sa victoire, en dehors de quelques autres beaucoup plus mineures, c'est qu'il avait un projet solide et qu'elle n'en avait pas.

Un projet solide ne peut convenir à chacun des 60 millions de Français ; il peut convenir au plus grand nombre. Et alors, divine surprise : élu président, M. Sarkozy ne fait plus peur ; il travaille avec aisance, efficacité, rapidité, comme s'il ne connaissait que ce métier. Il étonne, détonne, passionne. Pour le moment, on ne va pas lui chercher des poux.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8173