Où SONT LES ADOS les soirs de week-end à Saint-Brieuc ? Réponse : pour une bonne partie d’entre eux, dans la rue. Une fois la nuit tombée, éclats de rire, bousculades et cadavres de bouteilles jonchant le sol font partie du cadre habituel de ces jeunes âgés de 15 à 18 ans. «On se retrouve ensemble pour faire la fête. Pour être ailleurs, pour se désinhiber. Ce qu’on veut, c’est être en total éveil et avoir un vrai dialogue. Mais pas être totalement ivres!», explique l’une des ados présentes à cette petite « fête »,au cours d’un film projeté dans le cadre du 2e forum Adolescences. Ce comportement, dit à risque, n’est pourtant pas limité à la ville bretonne, plus communément célèbre pour son kroggen (pâtisserie à base de pommes et de noisettes) et ses maisons à colombages. Car, si en France, en tête des pays européens avec 2 millions d’alcoolodépendants, la consommation d’alcool diminue par habitant, celle des jeunes augmente. Et touche près de 15 % des ados, tout comme la consommation de cannabis et la violence dirigée contre soi ou les autres.
Ce mal-être, propre à certains adolescents (71 % se sentent satisfaits de ce qui leur arrive personnellement, d’après un sondage réalisé en 2005 par Ipsos pour la fondation Wyeth), serait le reflet d’un malaise ambiant teinté d’incertitudes dans un contexte de crise socio-économique. Un malaise en rapport direct avec l’effacement de la limite sous toutes ses formes : celle du monde, de la société, ou de l’adolescent en prise avec sa propre mutation physique et psychologique. «Les ados pratiquent les écarts dans tous les domaines», affirme Xavier Pommereau, pédopsychiatre et chef de service au pôle aquitain de l’adolescent du CHU de Bordeaux.
Le changement, pourtant, les ados s’en moquent. Et il est loin d’être la préoccupation numéro un chez ces ados qui souhaitent avant tout mieux comprendre les règles du jeu d’une société dans laquelle ils doivent trouver leur place. Pour cela, ils créent un monde qui les intéresse, avec de nouvelles pistes d’expression. Les nouveaux langages comme le verlan, l’utilisation des textos, des comportements face à la vie, influencés par des systèmes de représentations omniprésents, font qu’il devient difficile pour beaucoup d’adultes de s’adapter à ces modes de comportements et de réussir à instaurer le dialogue (5 % des adolescents seraient isolés, en recherche de repères et sans projets).
Les questions qu’on n’ose pas poser.
Qu’en est-il des relations entre médecins et ados ? C’est ce que révèle l’enquête menée par Ipsos Santé auprès de 300 médecins recevant des patients âgés de 13 à 18 ans (203 généralistes et 97 pédiatres). Et le bilan dans l’ensemble est plutôt bon. Avec 76 % d’entre eux qui pensent que les ados sont mieux informés aujourd’hui et parfois plus ouverts aux conseils, il semblerait que les médecins voient la santé de leurs jeunes patients évoluer positivement.
Cependant, la pratique médicale destinée aux adolescents est complexe à plusieurs niveaux. A commencer par le manque d’assiduité des ados au cabinet médical. Un ado consulte son médecin une fois par an (contre cinq fois par an pour 16 % de la patientèle d’un généraliste). Le manque de rencontres régulières pousse le professionnel de santé à être encore plus minutieux. Car les principaux motifs de consultation des ados ne sont pas les problèmes que les praticiens leur attribuent en général (72 % des généralistes et 48 % des pédiatres évoquent des motifs infectieux ou allergiques comme principaux motifs de consultation des adolescents).
D’autre part, le fait que l’adolescent s’inscrive le plus souvent dans un suivi familial (76 % des généralistes disent qu’ils suivent les autres membres de la famille) est à double tranchant. S’il permet au médecin de mieux connaître les antécédents et les contextes familiaux de l’adolescent, il est difficile, lorsque le consultant est accompagné de ses parents (51 % d’entre eux), d’aborder certains sujets d’ordre intime, comme la sexualité, le mal-être, les problèmes familiaux, etc.
Pourtant, les médecins interrogés considèrent dans l’ensemble les adolescents comme des patients qui ont des risques spécifiques pour la santé. Et 68 % déclarent adopter une approche différente lorsqu’ils reçoivent des adolescents. Même si aucun questionnaire de consultation partagée n’existe chez les praticiens, il semblerait que les questions les plus couramment abordées relèvent du bien-être, du moral ou des loisirs. Tandis que les questions en rapport avec la consommation de drogues ou de psychotropes, la sexualité et l’alcool sont moins souvent soulevées et plus difficiles à poser en présence d’un parent. Ce qui est tout à fait regrettable, pour Marie Choquet, épidémiologiste et directeur de recherche à l’Inserm, car, selon elle, «les ados aiment qu’on leur pose des questions directes et répondre à des questionnaires. Ce sont les adultes qui sont souvent mal à l’aise pour aborder ce genre de questions».
Enfin, au-delà de la gêne à aborder certains sujets au cours des consultations, les médecins jugent primordiale l’amélioration de la connaissance des structures de prise en charge (79 % estiment qu’il est difficile de trouver une structure de prise en charge disponible et 53 % qu’il est difficile d’orienter des adolescents vers des structures ou des solutions adaptées). Un travail de prévention qui devrait être au coeur des préoccupations de nombreux acteurs et institutions de santé publique dans les années à venir.
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