«NOUS SAVONS depuis longtemps que les protéines checkpoint peuvent influencer la progression du cancer. Nous savons maintenant qu’elles peuvent également influencer la longévité», observe dans un communiqué le Dr Gordon Lithgow, du Buck Institute de Californie (Novato) qui a dirigé cette recherche. «Cette découverte est prometteuse, car elle ouvre un champ d’investigation sur un possible lien cellulaire entre le vieillissement et le cancer. Nous nous efforçons d’identifier des gènes tumeurs suppresseurs supplémentaires qui affectent le vieillissement chez les vers et dans les cellules humaines. Nous pensons qu’il existe beaucoup d’autres protéines checkpoint; certaines pourraient aider à mettre au point des traitements pour le cancer et les maladies liées à l’âge. »
Lithgow et son équipe sont renommés pour leurs travaux sur les mécanismes moléculaires du vieillissement. Sachant que de nombreux processus moléculaires sont les mêmes, depuis le simple animal jusqu’aux organismes plus complexes, ils étudient le ver microscopique C.elegans, qui ne possède que 18 000 gènes et ne subit plus de division cellulaire une fois qu’il parvient à la maturité.
Les chercheurs ont découvert le double rôle des protéines checkpoint alors qu’ils cherchaient des gènes qui déterminent la résistance au stress et la longévité chez le ver nématode.
Bonne pioche dans une base de données.
Anders Olsen, premier signataire de l’étude, a trouvé durant son travail un gène inconnu. «J’ai inscrit la séquence d’ADN dans une base de données Internet, et ce gène est apparu; nous n’en avions jamais entendu parler ni n’avons imaginé qu’il serait impliqué dans la détermination de la longévité», écrit le Dr Olsen.
La protéine prédite par cette séquence d’ADN était homologue de la protéine checkpoint cid-1 d’une levure. Les chercheurs ont ensuite découvert que deux autres protéines checkpoint (chk-1, cdc-25), au minimum, affectent la survie du ver.
L’élimination d’une de ces protéines (par inactivation du gène via ARNi) allonge de 15 à 30 % la durée de vie du ver.
«Les checkpoints agissent comme des voies tumeurs suppressives chez les mammifères, en favorisant partiellement la sénescence cellulaire», notent les chercheurs.
«Notre étude indique que la survie des cellules postmitotiques est aussi régulée par des protéines checkpoint.»
Cela soulève une question : des allèles spécifiques des protéines checkpoint chez les hommes pourraient-ils augmenter le risque de certains cancers mais protéger contre d’autres maladies associées à l’âge ? Inversement, des allèles spécifiques pourraient déterminer une vie plus courte mais qui serait exempte de cancer.
Les protéines checkpoint, pensent les chercheurs, pourraient jouer un rôle dans le maintien des neurones dans un état postmitotique (non-division) et pourraient influencer la résistance intrinsèque au stress.
«Notre travail va être de cataloguer les gènes et de découvrir ceux qui ont cette double propriété. Il y a beaucoup à faire dans de nombreux laboratoires et pour de nombreux chercheurs», estime Olsen.
Il s’efforce d’identifier d’autres gènes tumeurs suppresseurs qui affectent le vieillissement, tant chez le ver que chez l’homme, et de dépister des composés qui simulent l’inactivation génétique des protéines checkpoint effectuée dans l’étude.
Une nouvelle richesse.
«Ce travail nous apporte des connaissances sur les moyens d’intervenir sur la longévité», observe le Dr Dale Bredesen, directeur du Buck Institute. Il admet que ce domaine de recherche en est à ses balbutiements. «Si nous sommes astucieux, nous pourrons peut-être développer des stratégies où nous pourrions garder les protéines checkpoint actives dans les cellules en division, et les inactiver dans les cellules qui ne se divisent plus, comme les neurones. Accroître la survie des neurones pourrait offrir une nouvelle voie de traitement des maladies neurodégénératives. »
« Science », 2 juin 2006, Olsen et coll., p. 1381.
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