Carcinome hépatocellulaire

Nouvelles modalités de prise en charge

Publié le 05/11/2008
Article réservé aux abonnés
1276111634F_Img346106.jpg

1276111634F_Img346106.jpg

IL EST DIFFICILE d'évaluer précisément l'incidence du carcinome hépatocellulaire (CHC) car les données disponibles portent sur l'ensemble des cancers primitifs du foie et des voies biliaires et non spécifiquement sur le CHC. Par ailleurs, la classification internationale des maladies (CIM) a changé en 2000, ce qui a compliqué l'analyse des évolutions temporelles. Enfin, les données relatives aux années 2004-2005 ne sont que des extrapolations. Il semble toutefois que le mouvement croissant d'incidence du CHC constaté depuis quinze ans s'infléchisse si l'on prend en compte le vieillissement de la population qui participe à l'augmentation des cas enregistrés en valeur absolue (1).

Les indications de la chimioembolisation doivent être discutées avec soin.
La conférence de Barcelone a introduit la notion de critères diagnostiques probabilistes. Ils sont très simples, mais doivent être utilisés avec prudence. En effet, ils ont été conçus pour privilégier la spécificité et leur sensibilité est faible (33 %). C'est pourquoi ils doivent être utilisés uniquement en cas de cirrhose avérée. Ils ne s'appliquent, par ailleurs, qu'aux tumeurs de 2 à 3 cm au moins, et pas aux nodules plus petits, pour lesquels la biopsie reste nécessaire.
L'échographie de contraste permet de bien mettre en évidence l'hypervascularisation du CHC (rehaussement au temps artériel, vaisseaux irréguliers périphériques encorbellant la lésion à la phase très précoce, wash-out).
La transplantation hépatique est considérée comme le meilleur traitement du CHC sur la cirrhose dans le cadre des critères de Milan. Mais la pénurie de greffons a entraîné un allongement des délais d'intervention. C'est pourquoi la pratique d'un traitement néoadjuvant s'est répandue, malgré l'absence de preuve d'efficacité concernant la stratégie à adopter et le type de traitement.
Les résultats des essais cliniques ayant évalué la chimioembolisation artérielle sont discordants. Des métaanalyses récentes ont confirmé l'intérêt de ce traitement palliatif en l'absence de métastase et de thrombose portale et en cas d'étiologie virale du carcinome. En revanche, en cas de tumeur sur cirrhose alcoolique, l'intérêt de la chimioembolisation n'est pas démontré, ce que confirme un essai français très récent (2). Il est ainsi indispensable de peser soigneusement les indications de cette technique.
De nouvelles méthodes de chimioembolisation par injection de microsphères, radioactives ou chargées de médicament, ont donné des résultats prometteurs. L'évaluation de ces techniques doit être poursuivie.

Le sorafénib doit être utilisé conformément aux conclusions de l'étude SHARP.
Jusqu'en 2007, il n'existait aucun traitement systémique efficace en termes de survie dans la prise en charge palliative du CHC avancé. L'apparition du sorafénib, un inhibiteur multicible des protéines kinases, change ce contexte. Il induit à la fois une inhibition de la prolifération cellulaire et de l'angiogenèse. Il a été l'objet d'un grand essai randomisé, l'étude SHARP (Sorafenib HCC Assessment Randomized Protocol). Ses résultats, présentés lors de la session scientifique 2007 du congrès de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO), ont été récemment publiés (3). L'étude SHARP a été réalisée dans 110 centres dans le monde. Elle avait pour objectif de comparer le sorafénib au placebo chez des malades atteints de carcinome hépatocellulaire évolué. Au total, 602 patients ont été inclus.
Les objectifs principaux de l'étude ont été la survie globale et la survie sans progression symptomatique. Son objectif secondaire a été la survie sans progression. L'étude a été interrompue prématurément, les objectifs ayant été considérés comme atteints lors d'une analyse intermédiaire. En effet, une réponse partielle a été constatée chez 2,3 % des patients sous sorafénib, et 62 % des malades n'avaient pas de progression après quatre mois contre 42 % dans le groupe placebo. La durée de survie a atteint 10,7 mois de valeur médiane sous sorafénib contre 7,9 mois sous placebo. La survie sans progression a également été prolongée par le traitement actif et a atteint 5,5 mois contre 2,8 mois, les deux différences étant statistiquement significatives (respectivement, p = 0,00058 et 0,000007). Deux effets indésirables de grade 3-4 ont été plus fréquents chez les malades sous sorafénib, la diarrhée et le syndrome main-pied, avec des fréquences de 8 % pour chacun d'entre eux, contre 2 et moins de 1 % dans le groupe placebo. Une étude plus récente, réalisée chez des patients asiatiques, plus jeunes, chez lesquels l'étiologie virale était prépondérante, a donné des résultats semblables en termes de rapports des cotes (hasard ratio) (4).
Ces résultats obtenus avec le sorafénib ont justifié l'obtention d'une extension d'autorisation de mise sur le marché. Celle-ci est très large, et les recommandations PRODIGE-AFEF préconisent de limiter les conditions de la décision de traitement aux conclusions de l'étude SHARP, dans le cadre d'une réunion de concertation pluridisciplinaire, ainsi que celles de sa mise en œuvre et de sa surveillance (5). Il reste toutefois à évaluer la tolérance du sorafénib chez les patients ayant un score de Child-Pugh B, ainsi que son efficacité en association avec d'autres traitements.
D'autres traitements sont en cours de développement. Il s'agit notamment du sunitinib, pour lequel un essai international phase III va le comparer au sorafénib, du bevacizumab, qui a permis d'obtenir une survie sans progression de 7 mois dans un essai très récent (6), ainsi que le sirolimus, un inhibiteur de la voie m-TOR, et la pravastatine.
Au total, la prise en charge d'un CHC est relativement simple, en respectant les recommandations, notamment en fonction du score de Child-Pugh du patient, sous réserve de disposer d'une imagerie de bonne qualité.

≥≤> Dr GÉRARD BOZET

D'après un entretien avec le Dr Jean-Claude Barbare (chef de projet développement de la cancérologie, CHU Amiens Nord).
(1) Belot A et coll. Rev Epidemiol Santé Publique 2008;56(3):159-75.
(2) Doffoël M et coll. Eur J Cancer 2008;44(4):528-38.
(3) Llovet JM et coll. For the SHARP Investigators Study Group. N Engl J Med 2008;359:378-90.
(4) Cheng A et coll. J Clin Oncol 2008;26(suppl.):abstr. 4509.
(5) Recommandations PRODIGE AFEF
pour l'utilisation du sorafénib (Nexavar)
dans le traitement du carcinome hépatocellulaire (9 septembre 2007). Disponible en ligne (www.snfge.org, rubrique Bibliothèque-référentiels).
(6) Siegel AB et coll. JCO 2008;26(18):2992-8.

BOZET Grard

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8455