LES ORTHORÉOVIRUS capables d'infecter l'humain étaient jusqu'ici considérés comme parfaitement inoffensifs, n'entraînant le plus souvent aucun symptôme. Mais le cas d'un patient malaisien vient de changer la donne : en mars 2006, cet homme de 39 ans résidant à Malacca s'est présenté dans la clinique gouvernementale la plus proche de chez lui en raison d'une importante fièvre (39 °C), persistant depuis vingt-quatre heures et accompagnée d'une toux moyenne et de maux de gorge aigus. La fièvre s'est maintenue durant quatre jours et la toux s'est fortement aggravée pendant une semaine.
Des prélèvements effectués dans la gorge du patient ont été analysés et ont conduit à l'isolement d'un virus jusqu'ici inconnu, le MelV (pour « Melaka Virus »).
La caractérisation.
L'examen du virus par microscopie électronique a révélé que sa structure était très semblable à celle des orthoréovirus, des virus à ARN double-brin de la famille des Reoviriadae, non enveloppée et entourée d'une double capside icosaédrique. Les chercheurs ont donc poursuivi leur travail de caractérisation en testant la réactivité du MelV aux anticorps anti-orthoréo-virus disponibles. Il est apparu que le seul anticorps capable de neutraliser le nouveau virus n'était pas spécifique d'un virus précédemment isolé chez l'humain : il s'agissait d'un anticorps dirigé contre le virus PulV, un orthoréovirus récemment découvert chez la chauve-souris, sur l'île malaisienne de Tioman.
Des analyses complémentaires ont confirmé la similarité des virus MelV et PulV : leurs génomes sont très semblables et les analyses phylogénétiques les placent dans un sous-groupe d'orthoréovirus contenant une troisième espèce virale isolée chez la chauve-souris, le virus NBV. Ce sous-groupe est distinct, et même éloigné, de celui qui contient l'ensemble des orthoréovirus jusqu'ici connus pour infecter l'humain.
Interrogé sur les événements particuliers qui s'étaient déroulés dans sa vie dans les semaines précédentes, le patient s'est rappelé qu'une chauve-souris était entrée dans son salon quelques jours avant le début de sa fièvre. L'animal avait volé frénétiquement dans la pièce pendant plusieurs minutes avant de ressortir de la maison.
Deux des cinq enfants.
L'ensemble de ces données laisse suspecter que le patient index a contracté l'orthoréovirus par l'intermédiaire de la chauve-souris. Cette hypothèse est renforcée par les résultats d'une analyse complémentaire menée sur des échantillons sanguins humains recueillis à Tioman, une île qui abrite une grande population de petits mammifères volants : 13 % des échantillons testés étaient positifs pour les virus PulV et MelV. Pour les auteurs de l'étude, compte tenu de la nature des symptômes développés par le patient de Malacca, il est possible que les infections à PulV et MelV contractées par les habitants de Tioman aient été confondues avec un syndrome grippal.
Par ailleurs, la transmission interhumaine de MelV paraît assez probable : deux des cinq enfants du patient de Malacca sont en effet tombés malades une semaine après leur père, sans avoir jamais été en contact avec une chauve-souris. Une analyse sanguine a révélé leur séropositivité pour le MelV.
K. B. Chua et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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