Jean-François Mattei a annoncé pour l'automne une « grande réforme » de l'assurance-maladie, empruntant deux voies, qui se rejoindront probablement : une autre organisation des pouvoirs en matière de santé (la « gouvernance ») et une nouvelle répartition des rôles entre le régime obligatoire et les complémentaires (le rapport Chadelat sera rendu à la fin du mois prochain).
En attendant que le gouvernement précise ses intentions, trois parlementaires (UMP, UDF et PS) ont tenté, à l'invitation de la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM, qui protège 2,5 millions de personnes), de cerner les contours de la réforme.
Préel (UDF) : la CNAM ne sert à rien, sinon à rembourser
L'exercice s'est révélé délicat et le résultat est parfois brouillon. Certains préconisent des solutions radicales. Jean-Luc Préel, député UDF de Vendée, estime que les partenaires sociaux n'ont « aucune légitimité » à gérer l'assurance-maladie dont, constate-t-il, « l'étatisation est de toute façon quasi achevée ». « Le paritarisme, ajoute-t-il, doit être renforcé dans son strict domaine de compétence : les accidents du travail, la retraite de base et complémentaire, etc. ». Dans une formule lapidaire, il estime que la « CNAM ne sert à rien, sinon à rembourser ». Il plaide depuis longtemps pour une régionalisation s'appuyant sur des « conseils régionaux de santé », dont la Conférence nationale de santé serait l'émanation.
François Goulard, député UMP du Morbihan, prône une réforme moins brutale. « Il y a deux options, explique-t-il, soit on ne change pas l'architecture mais on améliore la gestion ; soit on remet en cause toute l'architecture, y compris le paritarisme, en espérant que la nouvelle organisation sera plus vertueuse. Je pense qu'il faut miser sur la première approche. » Quant à la régionalisation, il n'y est pas favorable. « Les difficultés se retrouvent dans lesrégions. » En décembre, déjà, le rapport de Rolande Ruellan avait rejeté le pilotage régional de la santé et de l'assurance-maladie. Le député UMP suggère deux directions pour « mieux gérer », qui exigent du « courage » politique : la réorganisation de l'hospitalisation publique, « abominablement bureaucratique », caractérisée par « ses blocages statutaires » et un « écart de performance économique de 30 % avec le privé » ; mais aussi la médecine de ville, dont le dérapage des dépenses est « déraisonnable » et pour laquelle il faut trouver une voie conventionnelle « assez ferme ».
Ce n'est pas tout. Si François Goulard veut conserver les partenaires sociaux, il reconnaît que la CNAM « n'est pas un acheteur intelligent de soins ». Le député souhaite la mise en concurrence de plusieurs « acheteurs », dont bien sûr les mutuelles, y compris pour assurer les patients au premier euro dans le cadre d'une délégation de service public. « Avec plusieurs acteurs, on aura de meilleures performances », affirme-t-il, en écho à certaines analyses du Medef.
En pleine reconstruction, le PS insiste sur ce qu'il rejette en bloc. Gérard Bapt, député socialiste de Haute-Garonne, a exprimé son refus de « toute privatisation de l'assurance-maladie, y compris la mise en concurrence des caisses », d'une « régionalisation qui permettrait de se défausser sur les régions », aggravant les inégalités, et surtout d'une « responsabilisation » qui ne porterait « que sur le patient ». Le PS redoute que la réforme conduise à un « désengagement » de la couverture de base avec un « glissement » vers les mutuelles et les assurances. Le fait que le rapport sur le partage des rôles entre régime obligatoire et complémentaires ait été confié à « un ancien cadre d'Axa » (Jean-François Chadelat) est un « indice », juge Gérard Bapt. Le député propose de « rénover le paritarisme » en impliquant de nouveaux partenaires, comme la mutualité et les usagers .
Un début de consensus apparaît sur la nécessaire médicalisation des outils de régulation et la réforme de la couverture maladie universelle (CMU) pour lisser l'effet de seuil, unanimement condamné. Quant aux « remèdes » comptables probables, l'hypothèse d'une augmentation de la CSG, dont se défend le gouvernement, est loin d'être exclue.
La réforme de l'assurance-maladie n'ira pas de soi. A tel point que François Goulard (UMP) ne croit pas au « grand soir de l'assurance-maladie pour 2003 ». « Une réforme profonde implique une longue préparation de l'opinion publique, qui n'est pas faite », observe-t-il. Pour beaucoup, l'issue de la concertation sur les retraites conditionnera la réforme de la Sécu.
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