On fait grand bruit autour de la décision du gouvernement américain de présenter aux Nations unies une résolution insistant sur la création d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat israélien, et sur la mission du général Anthony Zinni, chargé d'établir un cessez-le-feu et de relancer la négociation, après une évacuation par les forces israéliennes des territoires.
George W. Bush a indiscutablement exercé des pressions sur Ariel Sharon. Mais ce sont les intentions qui comptent. Pendant que parlementait le général Zinni, le vice-président Dick Cheney, en tournée au Proche-Orient, a refusé de rencontrer Yasser Arafat. Les Américains n'ont pas changé d'avis au sujet du conflit israélo-palestinien : ils ne croient pas, contrairement aux Européens, que M. Arafat ait renoncé aux méthodes terroristes. S'ils ont été conduits à exiger de M. Sharon un minimum de modération, c'est bien sûr parce que les ravages commis dans les territoires par l'armée israélienne ne leur paraissent pas compatibles avec les conditions d'un retour au dialogue ; mais ils n'oublient pas non plus que la répression israélienne est dictée par des attentats chaque jour plus sanglants.
Donnant-donnant
S'ils se sont impliqués davantage dans la recherche d'une solution diplomatique et dans la reconnaissance (progressive) d'un Etat palestinien, c'est pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le conflit lui-même. M. Bush a indiqué très clairement que, lorsqu'il en aura fini avec l'Afghanistan, où des Américains continuent à mourir dans leur combat contre les talibans et Al Qaïda, les Etats-Unis attaqueront l'Irak, qui refuse, depuis 1998, de laisser les inspecteurs de l'ONU prévenir ses efforts pour mettre au point une arme nucléaire. Au Caire, le président Hosni Moubarak a assuré à M. Cheney que Saddam Hussein finirait par accepter le retour des inspecteurs onusiens. Mais, si c'est une confidence de Saddam au président égyptien, elle ne vaut pas grand-chose.
Le gouvernement américain veut associer les pays arabes à sa campagne contre Bagdad. Ils lui ont répondu qu'ils ne l'aideraient pas tant que se prolongerait la guerre entre Israéliens et Palestiniens. Le prince saoudien Abdallah a lancé un plan de paix : reconnaissance d'Israël par tous les Etats arabes, en échange d'une évacuation complète des territoires, y compris la partie orientale de Jérusalem. Ce plan n'est nouveau que dans la mesure où c'est l'Arabie saoudite qui le propose. Il ne convient pas à Ariel Sharon, qui ne veut pas évacuer les implantations israéliennes. Mais il ne convient pas davantage à certains pays arabes, par exemple la Libye, ni même à la Syrie qui, après nombre de tergiversations, l'a approuvé du bout des lèvres.
Un sommet arabe doit avoir lieu à Beyrouth à la fin du mois. Yasser Arafat pourrait s'y rendre, pour autant que M. Sharon lui rende la liberté de ses mouvements. Mais le plan saoudien ne dit pas tout : il ne dit pas, notamment, comment la sécurité d'Israël serait assurée, ni s'il prévoit le droit au retour de tous les Palestiniens, ni si l'Etat palestinien serait démilitarisé. Peu importe d'ailleurs, car ce qui compte, c'est la remise en route de la négociation et la fin des violences, qui ont atteint un paroxysme au cours des semaines écoulées.
Cependant les Américains n'ont pas d'autre attitude, à l'égard de leurs ennemis, que celle d'Ariel Sharon. Pour combattre le terrorisme, ils ont envoyé des forces aux Philippines et au Yémen ; ils ont dépêché des troupes en Géorgie, c'est-à-dire aux frontières de la Russie, sans que Vladimir Poutine ne s'en indigne. Ils entendent rester en Afghanistan aussi longtemps qu'ils y trouveront des benladénistes ou des talibans qui résistent. Fait nouveau, M. Bush a fait accepter par l'opinion américaine la notion de soldats tués au combat, ce qui n'était plus admis depuis le Vietnam. Il ne craint pas d'annoncer de nouvelles pertes inévitables.
Des risques
Ce qui unit Américains et Israéliens est donc plus fort que ce qui les sépare sur le plan conjoncturel : la répression sharonienne est très dure, mais elle ne va pas sans pertes chez les militaires. Sans compter les attentats contre les civils israéliens, qui se poursuivent, malgré la présence sur place du général Zinni.
Dans la recherche des options propres à lutter contre le terrorisme, le Pentagone a proposé le recours à de mini-bombes atomiques capables de détruire des abris renforcés ou les grottes où se terrent les partisans de Ben Laden ou d'autres terroristes. M. Bush n'a pas dit qu'il recourrait à de telles armes, mais la proposition du Pentagone, révélée par le presse, montre que rien n'arrêtera le gouvernement américain, qui applique la formule de Charles Pasqua : « Il faut terroriser les terroristes. » En tout cas, dès lors qu'ils envisagent des initiatives militaires de cette envergure, les Etats-Unis sont très mal placés pour faire la leçon à M. Sharon.
M. Bush et, avec lui, un certain nombre de services secrets européens ne croient pas du tout que la menace terroriste soit écartée par la guerre d'Afghanistan. Personne ne peut dire si Ben Laden est mort ou vivant ; des traques gigantesques ont sans doute permis de déstabiliser les réseaux « dormants » ou actifs, puisque, depuis le 11 septembre, il n'y a pas eu d'attentat majeur. Mais les les polices américaine et européenne reconnaissent qu'elles ne savent pas quand et où se produira le prochain grand coup terroriste. Une nouvelle attaque, avec des conséquences comparables à celle des Twin Towers, replongerait le monde dans la récession, en donnant un coup d'arrêt au tourisme et à l'enthousiasme économique qui se manifeste aux Etats-Unis depuis trois semaines.
M. Bush lui-même semble prêt à prendre les risques économiques de sa politique. Même si elle est approuvée par un certain nombre de pays arabes, une attaque contre l'Irak ferait monter le prix du pétrole. Déjà les rumeurs d'un assaut américain contre le pays de Saddam se sont traduites par une hausse des cours.
M. Bush estime qu'il n'a pas le choix. Le gouvernement américain dresse un bilan médiocre de son action contre le terrorisme mondial. Les mesures de sécurité dans les aéroports américains demeurent insuffisantes ; les terroristes arrêtés ne parlent pas et, souvent, les Américains envoient leurs détenus en Egypte, où le respect des droits de l'homme est à peu près inexistant et où il est plus facile d'obtenir des renseignements ; et c'est pourquoi la polémique sur les prisonniers de Guantanamo est dérisoire. M. Bush, face aux protestations du monde, a eu tôt fait d'appliquer la convention de Genève. Mais il l'a fait à contrecur : l'assassinat au Pakistan du journaliste américain Daniel Pearle, dans des conditions particulièrement barbares, l'a convaincu qu'il ne peut pas prendre de gants avec les ennemis de l'Amérique.
La mesure du danger
Il a évalué avec une grande précision le danger terroriste. Il ne se paie pas de mots. Quand il a vu que les talibans concluaient des accords avec les forces de l'Alliance du Nord, il a envoyé ses propres soldats les liquider.
Il se joue, dans le monde entier, une guerre secrète que l'Amérique n'est pas sûre de gagner et pour laquelle elle s'est armée de patience. Ce qui est sûr, c'est que M. Bush ne donne pas à Israël l'exemple du pacifisme et que, s'il est prêt à passer des compromis avec le monde arabe, c'est pour arriver au bout de son projet antiterroriste, pas parce que les Palestiniens (et leurs méthodes) lui inspirent de la sympathie.
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