En 2012, le remplacement valvulaire aortique a fêté ses dix ans, la première implantation chez l'homme ayant été réalisée à l'hôpital Charles-Nicolle (Rouen) en avril 2002. En une décennie, l’évolution des indications a été de s’adresser d’abord aux patients inopérables puis aux populations « fragiles » avec un risque opératoire élevé.
La mise à jour l’été dernier à l’ESC des recommandations européennes de 2008 sur l’insuffisance cardiaque a mis l’accent sur la reconnaissance des symptômes atypiques – notamment chez le sujet âgé –, l’intérêt des peptides natriurétiques comme outil diagnostique de même rang que l’échocardiographie, l’importance de l’exercice physique d’endurance et sur le repositionnement des stratégies thérapeutiques.
Parmi les rares recommandations publiées par la HAS ou par l’ANSM cette année, on notera celles sur le bon usage des agents antiplaquettaires tant en prévention primaire que secondaire ou lors de gestes chirurgicaux. Et si la sortie de l’ALD des HTA sévères a suscité beaucoup d’émoi de la part des experts, des patients et des politiques, le fait majeur de l’année 2012 est sans doute celui de l’avancée des nouveaux anti-coagulants dans la prévention des troubles thrombo-emboliques de la fibrillation atriale.
Dans les récentes recommandations de la Société Européenne de Cardiologie, les Nouveaux Anti-Coagulants Oraux (NACO) – dabigatran (Pradaxa®) et rivaroxaban (Xarelto®) – apparaissent en
1re intention dans la prévention thrombo-embolique de la FA et ils sont remboursés en France dans cette indication depuis cette année. « Quant à l’apixaban, il a obtenu le 20 novembre une AMM européenne dans la FA mais il n’est pas encore commercialisé en France », précise le Pr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris). Lors d’une initiation de traitement, les nouveaux anticoagulants, qu’il s’agisse d’antithrombine comme le dabigatran ou d’inhibiteur du facteur X comme le rivaroxaban, doivent être préférés à un AVK pour la plupart des patients en FA non valvulaire sur la base de leur bénéfice clinique net supérieur indique le tableau de synthèse des recommandations européennes.
Les AVK marquent le pas et sont placés à un niveau inférieur aux nouveaux anticoagulants et à la condition qu’il soit possible d’assurer un INR fiable, constant et en zone thérapeutique (2 à 3). Ce qui n’est pas une mince affaire puisque des études ont montré que le TTR (Time in Therapeutic Range) sous AVK, c'est-à-dire le pourcentage de temps durant lequel l’INR est en zone thérapeutique, est en moyenne compris entre 50 et 60 %. Toujours par rapport aux AVK, la pharmacocinétique des NACO est plus prévisible et il n’y a pas besoin de surveillance biologique. Les moindres interactions médicamenteuses et l’absence d’interaction alimentaire par rapport aux AVK représentent aussi un vrai avantage en pratique quotidienne.
Pour étayer l’efficacité des NACO, trois grandes études, RELY, ROCKET-AF et ARISTOTLE les ont comparés à la warfarine. « Les résultats des trois essais sont concordants et indiquent un bénéfice
des NACO sur la prévention des AVC soit similaire, soit supérieur aux AVK et une tolérance soit meilleure soit similaire aux AVK, les résultats variant selon les populations et les posologies utilisées?», souligne le Pr Hanon. En effet, les populations étudiées étaient différentes entre l’étude Rocket (avec le rivaroxaban) où les patients présentaient un risque d’AVC plus important avec un score CHADS moyen de 3,5 par rapport aux patients inclus dans RELY (avec le dabigatran), avec un score CHADS moyen de 2,1. Pour l’instant, aucune donnée comparative ne permet de préférer une molécule (Pradaxa® ou Xarelto®) par rapport à l’autre puisqu’il n’y a pas eu d’étude de comparaison frontale.
Le résultat majeur des études ayant évalué les NACO est la diminution d’environ 50 % des hémorragies intra-cérébrales avec ces nouveaux médicaments par rapport à la warfarine. Ce résultat est d’autant plus éloquent qu’il existe une non-infériorité, voire une supériorité (selon les doses et les études), par rapport aux AVK en terme de prévention des AVC thrombo-emboliques et du risque hémorragique majeur. « On leur oppose l’absence d’antidote mais, en cas d’hémorragie gravissime, l’antidote n’est souvent pas une solution suffisante, en particulier en cas d’hémorragie cérébrale. Ainsi, dans les études cliniques, le moindre risque des NACO vis-à-vis des AVK, sur les hémorragies cérébrales ou les hémorragies menaçant le pronostic vital, est observé malgré l’absence d’antidote. »
Pour la pratique, « il est essentiel de coller aux caractéristiques des patients inclus dans les essais cliniques pour nos prescriptions » afin d’utiliser selon un bon usage ces nouveaux médicaments qui restent des anticoagulants avec leur risque hémorragique et leurs contre-indications habituelles telles qu’elles ont été précisées par l’ANSM dans son point d’information d’avril 2012. Ainsi, « il faut être très vigilant sur la fonction rénale et bien utiliser la formule de Cockcroft pour prescrire ces NACO », souligne le
spécialiste.
En pratique, « le switch d’un AVK vers les NACO est légitime lorsque l’INR est difficile à équilibrer, de même que l’initiation d’un NACO chez les patients naïfs de traitement anticoagulant. En ce qui concerne les patients déjà traités par AVK et bien équilibrés, le choix peut être de poursuivre l’AVK ou de changer pour un NACO.
Le regard de... «L’Alliance du Coeur »
Quoi de neuf en 2012 en cardiologie ? Pour Philippe Thébault (vice-président de l’Alliance du Cœur, la mauvaise nouvelle à retenir est « le rejet de la demande de recours en annulation, déposée devant le Conseil d'État, contre la suppression de l'hypertension artérielle sévère de la liste des Affections Longue Durée (ALD) annoncée par décret le 24 juin 2011 ». En revanche, bonne nouvelle, « la ministre de la Santé demande qu'une nouvelle étude soit faite concernant cette suppression annoncée pour l'HTA sévère, compte tenu de l'importance du rejet, puisque plus de 4 millions de personnes sont concernées ! ». Affaire à suivre...
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature