Par le Dr MICHELE Delaunay*
Les carcinomes et les lésions précancéreuses cutanées constituent un problème de pratique quotidienne. Leur extrême fréquence suscite en particulier l’intérêt des firmes pharmaceutiques : une méthode utile dans ce domaine est sûre de trouver une large application.
Les apports thérapeutiques de la dernière décennie ne doivent pas faire perdre de vue les idées les plus simples : le traitement des carcinomes consiste dans la grande majorité des cas en leur exérèse sous anesthésie locale et celui des kératoses préépithéliomateuses en leur destruction à l’azote liquide. Le patient comme le budget de l’assurance sociale s’en trouvent mieux.
Pas question pour autant d’ignorer les nouvelles modalités mises à la disposition des dermatologistes ; sans être exhaustif : diclofénac topique, imiquimod topique, photothérapie dynamique, chirurgie micrographique de Mohs et chirurgie tridimensionnelle.
Diclofénac topique.
Le diclofénac, anti-inflammatoire très ancien (Voltarène), agit localement sur les kératoses solaires par un mécanisme inconnu. On recommande deux applications par jour pendant deux ou trois mois
Le support bibliographique de cette modalité est relativement pauvre, mais son usage est commode avec une tolérance satisfaisante (prurit et dessèchement cutané). A côté de la spécialité commercialisée à cet effet (Solaraze à 3 % de diclofénac) (35 euros le tube de 25 g, non remboursé), on peut essayer le Voltarène Emulgel à 1 % de diclofénac, commercialisé de longue date pour les tendinites et les phénomènes inflammatoires locaux (3,06 euros le tube de 50 g, remboursé à 35 %). Ce traitement paraît devoir être réservé à des kératoses relativement discrètes, mais concernant des surfaces étendues.
A côté de cette proposition nouvelle, on ne peut que déplorer le retrait actuel du commerce d’Efudix, crème à 5 % de fluoro-uracile. Il demeure un excellent traitement des kératoses étendues et nombreuses, en particulier en traitement « lent » (application une fois par semaine ou tous les dix jours directement avec le tube) dont le faible coût (8 euros) est certainement la cause du peu d’enthousiasme du laboratoire à maintenir sa production ; reste qu’il peut être formulé par le praticien, comme il l’était avant que la spécialité ne soit mise au point.
Imiquimod.
L’imiquimod (Aldara) est une imidazoquinoline amine qui a une action locale immunomodulatrice utilisée pour le traitement des condylomes génitaux. Il agit par des mécanismes imprécis mettant en jeu à la fois l’immunité passive par induction, synthèse et libération de cytokines et l’immunité adoptive. De nombreuses publications présentent les résultats, le plus souvent à court ou à moyen terme, de plusieurs protocoles d’utilisation : trois fois par semaine pendant douze semaines, cinq fois par semaine pendant six semaines. Les meilleurs résultats sont obtenus sur les kératoses étendues et les carcinomes basocellulaires superficiels. La maladie de Bowen répond également favorablement. Les carcinomes nodulaires ne doivent être traités par cette méthode qu’en cas de contre-indication ou de refus de la chirurgie.
La tolérance est souvent médiocre, surtout en cas d’application quotidienne qui cause rapidement une irritation. Malheureusement, la réduction du rythme des applications entraîne aussi une réduction de l’efficacité. Cette modalité thérapeutique, élégante du fait de son mécanisme, est réservée à des cas bien choisis, en particulier au regard de son coût (80 euros les douze sachets, un sachet pour chaque application).
Photothérapie dynamique.
La photothérapie dynamique (PTD) consiste en l’utilisation d’un photosensibilisant électivement concentré par les cellules tumorales et activé par la lumière visible. Le photosensibilisant est le plus souvent l’acide amino-lévulinique, appliqué sous pansement occlusif pendant trois à six heures, puis irradié de préférence par une lumière dans le spectre du rouge. L’illumination produit la libération de singlets d’oxygène, qui causent la mort des cellules tumorales. En cas de lésion nodulaire ou irrégulière, il est indispensable de cureter la surface pour la rendre plane et favoriser la pénétration du produit. Le traitement peut être douloureux (sensation de brûlure pendant le traitement et jusqu’à 24 heures après). Le résultat cosmétique est le plus souvent très bon (légère dépigmentation). Plusieurs lésions peuvent être traitées consécutivement dans la même demi-journée thérapeutique. Deux séances à plusieurs semaines d’intervalle sont le plus souvent nécessaires.
De nombreuses études font état de résultats supérieurs ou équivalents à la cryothérapie et au 5-FU dans la maladie de Bowen, avec un avantage cosmétique pour la PTD. Dans les kératoses solaires et les carcinomes basocellulaires superficiels, la PTD est équivalente ou supérieure à la cryothérapie. Dans les carcinomes basocellulaires nodulaires, les résultats paraissent équivalents à la chirurgie, avec l’inconvénient majeur de la nécessité du curetage initial.
La PTD apparaît, là aussi, comme une méthode élégante, mais relativement lourde, du fait de la nécessité de laisser le produit en place plusieurs heures et du temps d’irradiation (de 15 à 20 minutes pour chaque localisation) et, dans la plupart des cas, de la nécessité d’effectuer un deuxième traitement à quatre semaines d’intervalle. Elle constitue un appoint réel pour le traitement de lésions étendues, en particulier si elles sont multiples. Les résultats cosmétiques sont très bons. Le coût du médicament photosensibilisant (Metvix) ne doit pas être négligé.
Chirurgie de Mohs et chirurgie tridimensionnelle.
La chirurgie micrographique de Mohs n’est qu’une demi-nouveauté, mais elle est actuellement réactualisée. Elle consiste en diverses techniques permettant le contrôle histologique immédiat des marges tumorales au fur et à mesure de l’exérèse, à la manière dont on enlèverait les diverses couches d’un oignon. La chémochirurgie initiale a été remplacée par une chirurgie conventionnelle complétée d’un procédé histopathologique particulier consistant en la congélation des « pelures » successives autour de la tumeur, permettant un examen des marges dans toutes les dimensions. L’intérêt est de limiter au plus près l’importance de l’exérèse et, donc, d’obtenir une rançon cicatricielle moindre sans compromettre le résultat carcinologique. L’inconvénient de la méthode est la longueur de la totalité de l’opération et la nécessité de « bloquer » le chirurgien et l’anatomopathologiste qui examine les différentes sections au fur et à mesure. Cette méthode est à réserver à des tumeurs invasives dans des localisations délicates.
Une adaptation de la technique de Mohs consiste en la chirurgie tridimensionnelle en deux temps. Le premier de résection en bloc de la tumeur, complété par des coupes perpendiculaires à l’épiderme, circonscrivant le volume enlevé, et dûment repérées. Elles sont déposées dans une cassette histologique de manière horizontale et rapidement fixées. Elle sont examinées secondairement par le pathologiste. La réponse sur la négativité des berges est donnée dans les 24 heures, tandis que la lésion reste sous pansement occlusif. Suivant la négativité ou la positivité, on réalise la fermeture ou l’élargissement de l’exérèse.
* Hôpital Saint-André, Bordeaux.
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