« Milburn s'inquiète plus des morts que des vivants ». Alan Milburn, c'est le ministre de la Santé britannique, qui doit affronter un nouveau scandale : des milliers de cerveaux humains prélevés illégalement dans les hôpitaux. Et celui qui l'accuse sous ce titre, c'est un journaliste du « Times » (12 mai), Mick Hume, selon lequel les mesures envisagées feront plus de mal que de bien.
L'histoire commence avec un premier scandale : en 2001, une enquête révèle que les organes de 3 500 enfants décédés dans un hôpital de Liverpool ont été prélevés sans le consentement de leurs parents. Alan Milburn confie alors à l'Inspecteur gouvernemental pour les questions d'anatomie, Jeremy Metters, une enquête plus générale sur les prélèvements sans consentement.
Selon le rapport, révélé par le « Times », de 1970 à 1999 des milliers de cerveaux de personnes dépressives et handicapées ont été fournis par des médecins à des chercheurs, à l'insu des familles, et 24 000 sont encore stockés dans des hôpitaux et des universités. La loi sur le traitement des tissus humains (Human Tissue Act) stipule qu'aucun pathologiste n'a le droit de procéder à une autopsie pour prélever des organes, si ce n'est pour déterminer la cause de la mort, sauf s'il a le consentement de la famille. Mais aucune sanction n'est prévue pour les médecins qui ne respectent pas la législation. C'est ce qui devrait changer.
Elain Issacs est l'une des victimes et mène depuis des années campagne pour que cessent ces pratiques. Son mari Cyril, dépressif, s'est suicidé en 1987. Un jour, elle découvre par hasard une correspondance d'un professeur de médecine de l'université de Manchester à propos du cerveau de son époux. Après trois mois d'enquête, le pathologiste confirme que le cerveau avait été gardé à la morgue après l'autopsie et cédé à un chercheur. L'université de Manchester a présenté ses excuses et assuré que la façon dont on se procurait des organes pour la recherche avait depuis « totalement changé ». Mais le mal était fait. D'autant que les Issacs sont des juifs orthodoxes, religion qui exige que les corps soient enterrés intacts.
Le « Times » cite également le cas d'une femme médecin de Cambridge qui a fait la même découverte après le suicide de son époux dépressif, alors qu'elle avait expressément spécifié qu'aucun organe ne devait être prélevé. Le député conservateur de la région souligne qu'en tant que médecin, elle « s'est sentie professionnellement trahie ». « Nous savons que les médecins pensent qu'ils protègent l'entourage, mais pour elle, les souffrances de l'ignorance sont pires que celles que l'on éprouve quand on sait. »
C'est là que l'éditorialiste du « Times» n'est pas d'accord et s'inquiète des conséquences des mesures qui pourraient être prises. « Combien auraient su ou se seraient-ils inquiétés à propos des organes de leurs parents décédés s'ils n'avaient pas été stimulés par des politiciens avides, des avocats opportunistes et des croisés de la médecine ?», demande-t-il, provocateur.
Les hôpitaux qui n'ont pas assez d'argent pour soigner les vivants doivent en trouver pour chercher les organes manquants, relève encore le journaliste. Et il cite le Dr Michael Fitzpatrick, adversaire de la procédure de renforcement du consentement : « Il est maintenant plus facile d'obtenir les organes d'un parent depuis longtemps décédé qu'un organe viable pour la transplantation. Et il sera bientôt plus facile d'avoir une indemnisation pour le prélèvement de l'organe d'un cadavre que d'être admis dans un hôpital pour une opération. ».
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