EN JUIN 2006, le Dr Shinya Yamanaka et son équipe de l'université de Kyoto (Japon) avaient réussi à reprogrammer des cellules de la peau de souris (des fibroblastes prélevés sur la queue), pour obtenir des cellules souches pluripotentes (cellules iPS), similaires aux cellules souches embryonnaires. Ils montraient qu'il suffisait d'insérer dans le génome des cellules somatiques adultes, 4 gènes (Oct4, Sox2, klf4, c-myc) codant pour des facteurs de transcription, ce qui avait été fait en utilisant un vecteur rétroviral. Ces 4 gènes sont normalement inactivés lorsque les cellules embryonnaires se différencient en cellules spécialisées.
En novembre dernier, l'équipe de Yamanaka parvenait, avec la même approche, à reprogrammer des fibroblastes de peau humaine, prélevés sur le visage d'une femme de 36 ans et dans le tissu conjonctif d'un homme de 69 ans. Les cellules souches humaines pluripotentes (cellules iPS humaines) ainsi obtenues exprimaient les marqueurs des cellules souches embryonnaires.
Simultanément, une équipe américaine (Yu et coll.) reprogrammait des fibroblastes de peau humaine, prélevés non pas sur des adultes, mais sur des foetus ou sur le prépuce de garçons nouveau-nés, en cellules souches pluripotentes (cellules iPS humaines). Ils utilisaient une combinaison légèrement différente de 4 gènes (OCT3, SOX2, NANOG, LIN28) insérés à l'aide d'un rétrovirus.
Cette possibilité de générer des cellules iPS humaines peut maintenant permettre de produire des cellules souches spécifiques des patients, qui seront très utiles pour la production de nouveaux modèles de maladie, ainsi que pour la prospection pharmacologique.
Des questions à résoudre.
Il reste cependant un certain nombre de questions à résoudre avant de pouvoir utiliser ces cellules en thérapies cellulaires de remplacement.
Quels sont les mécanismes moléculaires d'induction des cellules iPS ? L'origine cellulaire des cellules iPS était-elle bien le fibroblaste et non des cellules souches indifférenciées coexistant dans la culture des fibroblastes ? Les 4 facteurs peuvent-ils induire des cellules iPS à partir non pas des fibroblastes, mais des cellules totalement différenciées de souris ? Quels sont les types de cellules somatiques qui offrent la meilleure source pour produire des cellules iPS ? Le rétrovirus, dont l'insertion est potentiellement tumorigène, pourra-t-il être remplacé par une autre méthode ?
Une étude chez la souris, décrite par l'équipe de Yamanaka dans la revue « Science » en ligne, apporte de nombreux éclaircissements à ces questions.
Aoi, Yamanaka et coll. ont généré des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) à partir de cellules épithéliales du foie ou de l'estomac de souris adulte, cela en utilisant la même méthode d'insertion rétrovirale des 4 facteurs.
Ces cellules iPS-Hep (iPS-Hepatique) et iPS-Stm (iPS-Stomac) sont pluripotentes et, d'après le taux d'expression des marqueurs génétiques, sont bien plus proches des cellules souches embryonnaires que le sont les cellules iPS-TTF induites à partir de fibroblastes de la queue des souris.
Les cellules iPS-Hep (et iPS-Stm) ont d'autres avantages sur les cellules iPS-fibroblastes.
D'une part, l'oncogène Myc joue un rôle mineur dans l'induction des cellules iPS-Hep, puisque son omission ne réduit que de 20 à 40 % les colonies, par comparaison avec l'induction des cellules iPS-fibroblastes.
De plus, les souris implantées avec les cellules iPS-Hep (ou iPS-Stm) ne développent aucune tumeur pendant un suivi de six mois, alors qu'on observe l'apparition de tumeurs chez 30 % des souris implantées avec des cellules iPS-MEF (iPS-fibroblastes de souris embryonnaires). Ainsi, le pouvoir de transformation maligne des cellules iPS-Hep est bien moindre.
Grâce à une approche permettant de tracer la lignée génétique, les chercheurs confirment que les cellules iPS dérivées du foie proviennent bien de cellules différenciées exprimant l'albumine (ou hépatocytes) et non de cellules indifférenciées.
Pas d'intégrations en des lieux spécifiques.
Enfin, les chercheurs montrent que les sites d'intégration rétrovirale sont distribués au hasard dans le génome.
«Cette étude démontre que les 4facteurs de transcription ont reprogrammé avec succès des cellules somatiques différenciées (jusqu'au stade où elles expriment l'albumine) », concluent les chercheurs.
«Nous montrons de plus que la production des cellules iPS-Hep et iPS-Stm ne requiert pas l'intégration rétrovirale en des sites spécifiques.»
«Cela suggère qu'on pourrait produire des cellules iPS avec des méthodes de transfert génique exemptes d'un mécanisme d'intégration pouvant entraîner des tumeurs après transplantation chez les patients», ajoutent-ils.
« Sciencexpress », 14 février 2008, Aoi et coll.
Fibroblastes humains : une troisième équipe obtient des iPS
Après l'équipe de l'université de Kyoto, dirigée par Shinya Yamanaka, après celle de l'université du Wisconsin, dirigée par James Thompson, c'est au tour d'une équipe de l'université de Californie, dirigée par Kathrin Plath, de publier son protocole de reprogrammation des fibroblastes de peau humaine en cellules souches pluripotentes (iPS pour induced Pluripotente Stem cells). L'équipe californienne a utilisé un protocole très semblable à celui de l'équipe japonaise : les chercheurs ont transformé des fibroblastes humains à l'aide d'un vecteur rétroviral exprimant les gènes OCT3/4, SOX2, KLF4 et c-MYC. L'expression de ces quatre gènes dans une cellule adulte différenciée suffit à induire sa reprogrammation en cellule indifférenciée totipotente, pratiquement impossible à distinguer d'une cellule souche embryonnaire. Cette troisième publication saura convaincre les plus sceptiques de la reproductibilité de la méthode.
W. Lowry et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée du 11 février 2008.
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