SÉGOLÈNE ROYAL remonte, même si une hirondelle ne fait pas le printemps. Nicolas Sarkozy recule. François Bayrou est en passe de gagner son pari. Les interviews écrites ou parlées, passages à la télévision, meetings en province abondent. Nous devrions être saturés de discours. Il n'en est rien.
Il manque un plan.
Nous ne sommes pas sûrs de savoir ce que fera un tel ou une telle s'il (si elle) est élu(e) président(e).
L'état de la France n'est pas bon, pour des raisons aussi diverses que complexes, et a besoin de remèdes eux-mêmes compliqués qui peuvent, parfois, être dangereux. Tels qu'ils nous ont été présentés, les programmes se bornent, pour le moment, à de très nombreuses mesures qui ne forment pas un tout. Elles soigneraient des secteurs en crise, mais elles ont forcément un revers de la médaille. Il faut donc qu'elles soient inscrites dans un plan cohérent.
Or les candidats sont explicites dans les domaines où ils sont forts, qui n'exigent donc d'eux qu'un effort limité. Mme Royal sait ce que la gauche et les pauvres attendent d'elle : par conséquent, elle augmente le smic, elle consacre à l'éducation le prix du deuxième porte-avions, et elle ne va sûrement pas supprimer l'impôt sur la fortune, l'impôt sur les successions et diminuer l'impôt sur les sociétés. La candidate est, quoi qu'elle en dise et quelles que soient ses timides références à Tony Blair, une social-démocrate dépensière qui, si elle augmente les déficits et la dette, risque de déclencher une rechute économique du pays.
Nicolas Sarkozy va supprimer des impôts, notamment celui de la succession et l'ISF, d'une certaine façon, s'efforcer, en cinq ans, de réduire le taux de prélèvements obligatoires, mais ne nous dit pas comment il va faire les économies destinées à compenser ce manque à gagner.
Personne ne réagit.
Quand on apprend que l'Accos, la banque de la Sécurité sociale, réclame 6 milliards d'euros à l'Etat au titre des réductions de charges pour les entreprises, les candidats ne disent rien. Pas plus, d'ailleurs, que le chef du gouvernement, Dominique de Villepin (tiens, on l'avait oublié, celui-là). Quand un rapport nous informe que 30 à 40 milliards sont perdus chaque année à cause de la fraude fiscale ou de la fraude sur les cotisations sociales, alors que cette somme suffirait à équilibrer le budget, personne, parmi les candidats, ne réagit. Quand Airbus, à la suite d'une erreur stratégique commise par ses dirigeants, est contraint de licencier des milliers de salariés extrêmement qualifiés, les candidats parlent d'autre chose.
C'EST A CROIRE QUE CE QUI EST POSSIBLE EN FRANCE, C'EST SEULEMENT LE CHOMAGE ET LES DEFICITS
Royal, Sarkozy et Bayrou insistent tous sur la « méthode » : les choses vont changer parce que la gestion sera conduite sur un mode différent. Bon. Mais qui va payer les 6 milliards de l'Accos ? A une question simple, on souhaiterait une réponse immédiate. Monsieur ou Madame, quelle est votre martingale pour réduire le taux de chômage, par exemple de 50 % en cinq ans ? Comment allez-vous inciter les entreprises à exporter et, donc, à effacer le déficit extérieur de 29 milliards en 2006 ? Comment allez-vous réduire l'immense poche de misère qui s'est créée dans ce pays à cause d'une trop faible croissance pendant trente ans ? Comment loger un million de pauvres ? Comment augmenter le pouvoir d'achat ?
Nous avons beau écouter les candidats, nous n'avons pas de réponse précise ; et chaque fois qu'ils se sont montrés intrépides en annonçant une mesure osée ou même révolutionnaire, ils ont aussitôt révisé leur copie.
« Cela ne marche pas chez nous ».
On sent d'une part que Nicolas Sarkozy, traqué par des jugements négatifs, n'ose plus foncer, ne parle plus de rupture, et pas davantage de réforme. Qu'il nous dise que la réforme est l'âme de son action. Qu'il faut impérativement changer nos mauvaises habitudes pour que le pays retrouve son tonus.
On constate aussi que Mme Royal ne souhaite pas non plus être identifiée au réformisme ; qu'elle n'invoque pas Tony Blair, passe encore, mais elle peut s'en inspirer : après tout, la Grande-Bretagne, sur le plan économique, nous taille des croupières.
Ce qui nous inquiète, c'est très précisément la notion extrêmement répandue en France que ce qui fonctionne ailleurs ne marche pas chez nous, sous divers prétextes, qui vont de l'exception culturelle à l'histoire des Gaules. Edith Cresson disait : nous ne voulons pas du modèle japonais, nous ne sommes pas des fourmis. Observez quand même comment, après dix ans de récession, le Japon redevient la troisième puissance économique mondiale.
Bien entendu, personne ne veut non plus du modèle américain (taux de chômage à 4,6 % et PIB per capita supérieur de 10 000 dollars au PIB français par tête). M. Sarkozy ne retournera pas à la semaine de 39 heures, parce que c'est impossible politiquement ; M. Bayrou non plus ; quant à Mme Royal, cela va sans le dire. Alors, quoi ? Si ce qui est possible politiquement en France, c'est un taux de chômage incompressible, des dépenses sociales toujours en hausse pour une misère toujours plus grande, des déficits qu'on ne peut pas résorber, à quoi cela nous sert-il d'avoir des élections ?
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