« Slendertone, accélérateur de beauté. Sculptez vos abdominaux ! » « Six semaines pour un pack de 6 abdominaux. »
L’été venant, les torses se dénudant sur les plages et le bord des piscines, de telles invitations font plus que jamais le succès des magazines fitness tendance, des appareils magiques et des clubs de gym, en particulier parmi le public des ventripotents. Comme si on pouvait faire apparaître à la demande les plaques de chocolat, garanties sur ordonnance. Or, lesdites plaques recèlent une part de mystère.
Irréductible et complexe : le rectus abdominis, muscle antérieur et superficiel de la paroi du tronc, tendu verticalement le long de la ligne médiane, entre le gril costal, le processus xiphoïde et la symphyse pubienne, comme le décrit l’EMG de Boeckh-Behrens, s’il demande, pour faire son apparition, un entraînement rigoureux et technique, requiert aussi une excellente hygiène de vie : obtenir des abdos bien dessinés, nécessite tout autant de développer le grand droit pour qu’il prenne forme et fasse ressortir sa tectonique des plaques (squats, soulevés de terre et autres exercices statiques de gainage), que d’éliminer la couche de graisse qui le recouvre.
Et si le sujet prend facilement du ventre, il lui faudra perdre toutes les autres masses adipeuses avant que celle de l’abdomen se mette enfin à fondre. L’atrophie des adipocytes est une guerre totale !
S’ajoute le facteur génétique : la forme des tablettes est déterminée par des insertions tendineuses, chacune des deux moitiés du grand droit (que sépare la ligne blanche linea alba) possède en général trois intersections tendineuses, d’où la présence de six tablettes, mais on peut en dénombrer huit… Voire sept : bien qu’il s’agisse d’un muscle pair, plus large en haut qu’en bas, le muscle grand droit est sujet décidément à ses mystères. Tous critères confondus, nous sommes inégaux devant les plaques de chocolat, paires ou impaires, triples ou quadruples, enduites de graisses ou remarquablement saillantes.
La littérature française reste muette sur le sujet. La seule statistique disponible est extraite des Bulletins et mémoires de la Société d’anthropologie de Paris (tome 10) et elle remonte à… 1929 ! On y découvre une description des intersections tendineuses du grand droit présentées comme « les derniers témoins des métamères du tronc » ; le nombre de ces intersections varie de deux à cinq, « un nombre élevé caractérisant une forme plus primitive du muscle, tandis qu’un nombre inférieur indiquerait son évolution progressive » (?)
Et le bulletin de risquer des pourcentages différents qui seraient observés chez les européens et les africains pour ce qu’il appelle « une petite statistique parmi les races », sans s’appuyer sur la moindre donnée scientifique. Un recueil tombé du ciel.
Andy Marc, ingénieur de recherche à l’IRMES (Institut de recherche bio-médicale et d’épidémiologie du sport)
« De nombreux travaux anglo-saxons ont étudié les différences observées entre les masses musculaires et les masses graisseuses entre les populations blanches et les populations noires, comme la revue Metabolism (vol.44 janvier 1995, 3-34). Et la problématique des plaques de chocolat s’inscrit dans ces études, encore qu’elle ne semble pas avoir fait l’objet d’approches et de recueils spécifiques. En France, en revanche, dès qu’il s’agit d’introduire un critère de traitement noir et blanc, les études restent dans l’abstention et nous sommes dépourvus de données. »
Dr Alain Frey, médecin-chef de l’INSEP
« Mais c’est un fait établi que pour les abdominaux et les fameuses plaques de chocolat, le facteur génétique est prépondérant selon les ethnies. Deux phénomènes se télescopent : chez les afro-américains, la qualité de la fibre musculaire va rendre les faisceaux plus saillants que chez les eurasiens, et ils seront d’autant mieux dessinés chez les premiers que leur tissu adipeux, notamment abdominal, sera moins épais que chez les seconds.
S’ajoute un facteur culturel, lié à un intérêt esthétique plus développé chez les sportifs africains. Quant à la question de la possible asymétrie du grand droit, avec plus de tablettes d’un côté que d’un autre, elle est rare. Pour ma part, je n’ai pas souvenir de l’avoir observée chez les athlètes de l’INSEP. Elle est certainement d’origine génétique. »
Oui, nous sommes donc bien inégaux devant les plaques de chocolat, quand nous en avons.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature