LE QUOTIDIEN : Vous dirigez le meilleur hôpital public de France, selon le classement du « Point », mais aussi une entreprise où les revendications salariales et les souffrances exprimées par le personnel ont été très fortes ces derniers mois. Quelle situation trouvez-vous sur le terrain ?
MARC PENAUD : Le CHU de Toulouse est un hôpital doté de nombreux atouts, qui dispose d’un plateau technique de pointe, réalise un panel d’activités variées et de gros volumes d’interventions sur des sujets majeurs comme la cancérologie en lien avec l’Oncopole.
En 2018, notre activité est en hausse de 1 % avec des séjours ambulatoires qui augmentent tandis que les séjours en hospitalisation ont tendance à stagner. Nous comptons 15 800 employés dont 4 000 médecins et internes, 3 000 lits et places, 280 000 séjours hospitaliers et 850 000 consultations externes.
Concernant les revendications salariales, Toulouse connaît, pour des raisons locales et historiques, une activité syndicale très vigoureuse ! Mais au-delà des syndicats, j’ai trouvé un établissement dans lequel les professionnels de santé rencontrent les mêmes interrogations que partout ailleurs dans le monde hospitalier. Ils s’interrogent sur le sens de leurs missions et sur les raisons pour lesquelles ils ressentent de la pression.
Avez-vous rencontré les syndicats et que leur avez vous dit ?
Le message que j’ai passé est le suivant : notre but est d’aligner les aspirations individuelles sur les objectifs collectifs et de retrouver du sens. Les soignants sont là pour soigner, donc nous allons travailler pour éliminer tout ce qui peut leur prendre du temps sur le soin. Je pense à la meilleure coordination entre services, au fait de faciliter la gestion des plannings, de fluidifier la gestion des commandes avec la mise en place d’un guichet unique, etc.
Mais les demandes concernent davantage de postes et de moyens. Allez vous créer des postes ?
J’entends la souffrance des soignants, mais je pense que nous pouvons, avec des choses simples et directes, redonner du temps aux soignants afin qu’ils se consacrent à leurs patients et que les soins soient réalisés avec qualité et sécurité. Ce discours est entendu et ne nécessite pas forcément de créations de postes.
Quelle sera votre méthode ?
Cela va se traduire par un projet managérial qui sera l’un des volets du projet d’établissement. Je veux sortir de l’organisation pyramidale et mettre en place une organisation qui repose sur la confiance et une gouvernance médicale renforcée autour du directeur général, par la présence des deux doyens, du président de la CME et d’un panel de 6 ou 7 médecins.
Cette gouvernance médicale ira au-delà de ce que prévoit la loi et aura une influence sur les arbitrages stratégiques. Pour le reste, il y aura des managers à tous les niveaux et l’objectif est que tout le monde se mette au service des patients. À partir de là, on renverse les choses ! Pour 90 % des problèmes, on peut trouver une solution. Pour construire ce projet, nous avons été accompagnés par des cabinets de consulting et des médecins belges du CHU de Namur. À ce stade, l’accueil des médecins est positif.
Quelles sont vos priorités en matière d’évolution de l’offre de soins ?
Dans le cadre de la loi Hôpital 2022, notre CHU se positionne comme hôpital support au sein des 7 groupements hospitaliers de territoire. Certains hôpitaux généraux vont devenir des hôpitaux de premiers recours et nous nous inscrirons dans un schéma de partage des postes pour soutenir les activités sur le territoire de l’ex-région Midi-Pyrénées.
Nous allons aussi travailler avec l’URPS pour ouvrir des parcours de soins avec la médecine de ville sur certaines prises en charge et pathologies chroniques. Je pense à l’oncologie, à la prise en charge du vieillissement, au diabète mais aussi aux insuffisances rénale et cardiaque chroniques.
Après une période de lourds investissements, le CHU de Toulouse était fortement endetté. Le retour à l’équilibre était attendu pour 2018. Est ce le cas ?
Le CHU de Toulouse est doté d’un budget d’1,2 milliard d'euros et a investi autour de 900 millions d’euros depuis dix ans. Nous avons enregistré fin 2017 un déficit d’exploitation de 10 millions d’euros. Il est en constante diminution puisqu’il était de 30 millions d’euros en 2015. Quant à notre endettement, il se réduit également.
Nous ne connaîtrons pas de retour à l’équilibre en 2018 mais nous sommes en réduction continue des dettes avec un objectif : retrouver notre capacité d’auto financement.
Après la livraison de l’hôpital Pierre-Paul Riquet à Purpan, le CHU est-il engagé dans de nouveaux projets immobiliers ?
Oui. Des travaux de rénovation conséquents sont en cours à l’hôpital Rangueil. Ils se termineront en 2019 et concernent la fin de la réhabilitation du bâtiment H2 qui compte désormais un plateau mutualisé de consultations au rez-de-chaussée et l’hôpital de jour au premier étage. Ceci permettra la localisation sur le site de Rangueil de tout le pôle digestif, dont une partie est encore à Purpan. Ces travaux qui auront nécessité un investissement de 74 millions d'euros signent la fin des hôpitaux miroirs à Toulouse.
Mettrez vous en œuvre à Toulouse des projets d’innovation en lien avec l’écosystème des start-up, comme vous l’avez fait au CHU de Grenoble ?
Oui j’en ai l’intention. Je souhaite créer une dynamique d’écosystème au sein du CHU. Cela passe par des appels à idées en interne pour inciter au développement de projets ou de produits innovants, puis par la mise disposition de locaux et par l’organisation de « Workshop » [ateliers axés sur un thème] afin que les gens puissent travailler et se rencontrer. Il n’y aura pas de ligne budgétaire dédiée. Les financements viendront de ceux qui ont cette vocation comme des Busines Angels.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature