EN DEHORS de son impact électoral, la baisse de l’IR était-elle indispensable ? Il est vrai que la baisse totale des impôts sur l’ensemble du quinquennat devient ainsi conforme aux promesses qu’a faites Jacques Chirac en 2002 ; il avait affirmé alors qu’il diminuerait l’IR de 30 %.
Le gouvernement Raffarin avait néanmoins dû faire une pause en 2005, car la croissance était insuffisante. Voilà que celle de 2006 offre une marge de manoeuvre dont les pouvoirs publics se sont aussitôt saisis.
Bien que la diminution de la pression fiscale soit, à long terme, un objectif utile à la croissance, les moyens de l’Etat ne lui permettent pas, pour le moment, d’offrir ce luxe aux citoyens. Il y a tellement à faire avec l’argent des impôts qu’on lui attribue des destinations multiples. Par exemple, l’excédent de recettes fiscales en 2006 (par rapport aux prévisions budgétaires établies en 2005) serait d’environ cinq milliards. Thierry Breton, ministre de l’Economie et des Finances, a l’intention d’affecter cette somme au désendettement de la France. Les socialistes estiment au contraire que ces fonds devraient être distribués aux nécessiteux.
Déficit quand même.
Ces deux attitudes opposées sont dictées par des idéologies différentes. Mais la réalité n’est pas exprimée par un surplus de recettes qui n’en est pas un : le déficit budgétaire en 2006 sera sûrement contenu au-dessous de 3 % de la production intérieure brute, mais il avoisinera quand même les 40 ou 45 milliards d’euros. Ce qui signifie que nous n’avons d’argent ni pour diminuer la dette ni pour le donner aux pauvres car, de toute façon, une fois encore, nous aurons dépensé plus que nous n’aurons gagné.
NOUS N'AVONS NI EXCEDENTS, NI CAGNOTTE NI DIVINE SURPRISE. NOUS CONTINUONS A VIVRE AU-DESSUS DE NOS MOYENS
Il en va de même du projet de financement de la Sécurité sociale. La politique du ministre, Xavier Bertrand, est contestée par les acteurs du système de santé qui ploient sous les économies, ou par l’industrie pharmaceutique, ponctionnée jusqu’au point de rupture. Il n’en demeure pas moins vrai que la réforme Douste-Bertrand a permis de ramener le déficit de l’assurance-maladie de 8 milliards d’euros en 2005 à 5 milliards d’euros cette année. C’est sûrement impressionnant, mais il y a encore un déficit de l’assurance-maladie et les autres volets de la protection sociale sont déficitaires.
Dans ces conditions, on voit mal comment les contribuables (ou les assurés, mais ce sont les mêmes) ne devront pas payer plus. A terme, une hausse de la CSG nous paraît inéluctable, même si, cette année, on va essayer de la différer pour des raisons électorales. On peut même faire une prédiction plus exacte : si la gauche gagne les élections, elle procédera sans doute à une augmentation massive des prélèvements sociaux car elle voudra non seulement réduire les déficits, mais aussi augmenter les dépenses en abolissant les diverses franchises appliquées par le gouvernement actuel (l’euro de la consultation et les 18 euros de la prise en charge hospitalière).
Une réforme plus profonde ?
En revanche, si la droite l’emporte, et surtout si Nicolas Sarkozy est élu président, elle poussera la logique de la réforme Douste-Bertrand en fixant un objectif des dépenses (Ondam) dont le plafond sera infranchissable ; les assurances complémentaires ou les patients devront prendre en charge la partie de la dépense qui figure aujourd’hui dans le déficit. C’est le sens même du mot « rupture » si souvent invoqué par M. Sarkozy.
Le mérite de M. Bertrand aura été, même si beaucoup de professionnels de santé le critiquent sans ménagement, de maintenir le système d’assurance collective fondé sur la redistribution des recettes tout en parvenant à une maîtrise des dépenses qui, en gros, épargne les patients. Certes, il ne fait pas l’unanimité politique, puisque l’opposition estime que les plus pauvres ne doivent rien payer du tout. Mais son panachage de contrôles, de ponctions et de libéralisme, agrémenté d’une participation active des professionnels de santé, a produit de bons résultats.
Un minimum d’observation des comptes suffit à nous convaincre que nous n’avons ni excédents, ni cagnotte, ni divine suprise. Nous ne méritons pas la baisse d’impôts qui vient d’être décidée. Nous ne payons pas encore le prix de notre santé. Nous n’assurons pas l’équilibre de notre budget national. Nous devons produire plus et consommer plus ; créer des emplois qui concourront aux prélèvements sociaux ; accepter de participer davantage aux dépenses de santé ; et consentir à nous constituer un capital-retraite pour alléger le fardeau des régimes collectifs.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature