Entretien avec le Dr Éric May*

« Nous ne sommes pas assez nombreux ! »

Publié le 25/03/2011
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Municipaux, associatifs ou mutualistes, la France compte 1 452 centres de santé, souvent au service de populations précaires. Leur rôle ? L’éducation à la santé, le dépistage et les soins. Une alternative à l’hospitalisation ? Élements de réponse avec le docteur Éric May.

D. S. Quels sont les atouts des centres de santé ?

E. M. Ils gèrent à peu près tous les aspects de la médecine ambulatoire et peuvent s’adapter à toutes les organisations. De la petite structure, avec juste avec un ou deux médecins généralistes et un ou deux infirmiers, à un grand centre polyvalent comme le nôtre, avec 76 000 passages par an, des spécialistes, un service de radiologie, un laboratoire d'analyse, de la chirurgie dentaire. Ce qui nous différencie du cabinet libéral, c’est la pratique du tiers payant intégral et le non-dépassement d’honoraires.

D. S. Le rapport d’Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité pointe votre force, l’accès aux soins, mais aussi une faiblesse dans la permanence des soins…

E. M. Dans les centres de santé polyvalents, nous accueillons deux fois plus de gens précaires que dans les cabinets libéraux. Mais nous recevons aussi d’autres populations, qui choisissent leur médecin traitant ici. On assure déjà la continuité des soins, en restant ouvert toute l’année. De même, la plupart des services infirmiers interviennent à domicile, et nous assurons une permanence le week-end. Dans les centres de santé associatifs, comme à Belfort, et les centres de santé mutualistes, les médecins généralistes participent aux gardes. Ils travaillent également dans les maisons médicales de garde. Parfois, les seniors des centres de santé font des gardes dans les hôpitaux. Dans les centres de santé municipaux franciliens, ce serait envisageable, à condition que la Cnam prévoie une compensation. Cette absence d’accord souligne, s’il en était besoin, le manque de reconnaissance des centres de santé.

D. S. Comment envisagez-vous l’avenir ?

E. M. Ici, nous sommes à découvert depuis soixante ans. Mais l’accès aux soins est un choix politique. Les frais structurels pèsent lourd sur notre gestion, notamment l’avance du tiers payant, qui représente 15 à 20 % des frais, et les institutions n’y participent pas : ni la Cnam, ni l’ARS. Je suis évidemment inquiet face à la baisse des ressources des communes. Le rôle des centres de santé a été rappelé dans la loi Hôpital Patients Santé et Territoires (HPST). Nous proposons une médecine globale, coordonnée, au service de la population.

1. Président de l’Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS) et directeur du centre médico-social Maurice-Ténine à Malakoff (Hauts-de-Seine).

2. 11 centres de santé mutualistes des Bouches-du-Rhône sont menacés de fermeture.

Pour en savoir plus : Les centres de santé en mouvement, sous la direction du Dr Michel Dumoulin, éditions Le temps des cerises, Paris, décembre 2010, 22 euros.

Propos recueillis par Christine Cointe

Source : Décision Santé: 273