P EUT-ETRE faudrait-il davantage dépister les anémies chez les nourrissons, surtout avant l'âge de 8 mois. S'il est vrai que les médecins ne négligent pas l'affection chez leurs jeunes patients, un travail britannique apporte des éléments nouveaux.
A. Sherriff et coll. (Bristol), chez des enfants dont l'hémoglobine au huitième mois est inférieure ou égale à 9,5 g/dl, montrent des altérations des tests de développement moteur à l'âge de 18 mois. Outre cet intérêt clinique évident, ce travail a aussi le mérite de remettre en cause le seuil d'anémie fixé par l'OMS à 11 g/dl, mettant un évidence un niveau plus représentatif, selon eux. Considérer comme anémie une hémoglobinémie à moins de 11 g/dl, en augmentant le nombre de sujets concernés, « dilue » les conséquences motrices.
Les auteurs sont partis des données de « The Avon longitudinal study of pregnancy and childhood », surveillance longitudinale d'une population d'enfants nés en 1991-1992 et géographiquement définie. Des échantillons de sang ont été analysés dans une sous-population prise au hasard. Un dosage de l'hémoglobine a été effectué à 8, 12 et 18 mois. Puis une évaluation a été réalisée à un an et demi chez ces 1 141 enfants, selon l'échelle de Griffiths de développement mental. Les auteurs justifient le choix de cette échelle en raison du nombre élevé d'items qu'elle comporte et d'une possibilité d'évaluation du quotient général de développement.
Cette échelle met en évidence une forte association entre l'hémoglobinémie à 8 mois et les performances sur les items motricité, main/il et quotient général. Les performances des enfants augmentent avec l'hémoglobine jusqu'à un seuil de 9,5 g/dl. Puis il existe encore un léger accroissement au-delà de ce palier. Au passage, les auteurs remarquent que 9,5 g/dl correspond au 5e percentile de l'hémoglobine à l'âge de 8 mois. Au-dessous de ce taux, les scores de la sous-échelle de la locomotion sont, en moyenne, de 6 points inférieurs à ceux des nourrissons le dépassant ou l'égalant. Au-dessous de 9 g/dl, le déficit locomoteur se monte à 12 points.
Un plateau au-delà de 9,5 g/dl
Curieusement, alors qu'il existe un plateau dans l'échelle de Griffiths au delà de 9,5 g/dl, les médecins britanniques notent à nouveau un déclin lorsque l'hémoglobine dépasse 15 g/dl. Mais la conclusion est de peu de valeur : seuls trois enfants sont concernés.
Dernier constat : une anémie aux 12e ou 18e mois n'a pas d'incidence sur le comportement de l'enfant à un an et demi.
Aucune hypothèse explicative n'est proposée. Tout au plus la publication fait-elle part de l'émergence forte d'une association entre une carence en fer et une altération du développement. Un travail expérimental chez le rat est également rappelé. Chez ces rongeurs, la carence martiale expérimentale entre le 10e et le 28e jour (période de croissance cérébrale) déclenche un trouble de la myélinisation et altère la neurotransmission.
Le travail se conclut en ces termes : « Nous proposons d'approfondir davantage l'association entre anémie et développement, à long terme, sur des critères plus pointus et détaillés, à mesure que ces enfants grandiront. »
« Archives of Diseases in Childhood », mai 2001 ; 84 : 480-485.
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