La prévention de la carence en vitamine D a subi un grand tournant en 1992 avec l’enrichissement des laits infantiles. Le rachitisme a alors considérablement chuté. Même limité à 400 UI/L, l’enrichissement est suffisant pour éviter la maladie. « Mais le rachitisme existe encore, prévient le Pr Éric Mallet (CHU de Rouen). Il a de nouveaux visages : il peut affecter les prématurés nés de mères carencées en vitamine D, les enfants à peau pigmentée nourris au sein, les enfants allergiques aux protéines du lait de vache, et les adolescents en pleine croissance ».
En 2012, la mise au point du comité de nutrition de la société française de pédiatrie a résumé les connaissances acquises chez l’enfant et l’adolescent et proposé les recommandations de prescription suivantes (1) : 80 000 à 100 000 UI au début du septième mois de grossesse chez la femme enceinte ; 1 000 à 1 200 UI par jour chez le nourrisson allaité au sein ou chez l’enfant de moins de 18 mois recevant du lait de vache non enrichi en vitamine D ; 600 à 800 UI par jour chez l’enfant recevant du lait enrichi en vitamine D ; deux doses de charge de 80 000 à 100 000 UI chez l’enfant de 18 mois à 5 ans et chez l’adolescent de 10 à 18 ans, une en novembre, la seconde en février. Chez les adolescents, l’administration d’une dose de 200 000 UI fin novembre est parfois préférable pour raison d’observance aléatoire propre à cet âge. « Le rachitisme de l’adolescent est essentiel à considérer, insiste le Pr Mallet. Cet âge s’accompagne d’un pic de croissance très important et le rachitisme concerne plutôt les filles à peau pigmentée qui habitent le nord de la France ».
La moitié présente un déficit
Reste que, au moment de ces recommandations, aucune donnée validée n’existait sur l’intérêt d’une supplémentation en vitamine D chez l’enfant de 6 à 10 ans. Pourtant les arguments ne manquent pas. C’est en effet une période de la vie pendant laquelle les enfants grandissent de 5 cm par an en moyenne. « Et, n’oublions pas, souligne le Pr Mallet, que c’est également l’âge de la deuxième dentition. Bien qu’il n’y ait pas eu d’étude interventionnelle, on sait que la vitamine D possède des effets extra-osseux intéressants chez l’enfant, dans la prévention des infections récidivantes, l’asthme, certaines affections immunologiques...». Enfin, la supplémentation à cet âge en hiver ne pose généralement pas de problème aux médecins prescripteurs ni aux familles, puisque l’enfant est souvent déjà supplémenté.
Une étude parue en octobre 2014 (2) vient appuyer ces arguments. Elle s’est déroulée sur deux hivers d’ensoleillement différent dans 22 centres répartis en France. Un dosage plasmatique de la 25 OHD a pu être réalisé chez 326 enfants de 6 à 10 ans en fin de période hivernale. Parmi ceux qui été supplémentés – soit un tiers – aucun n’était carencé, peu en situation de déficit et aucun signe de surcharge n’a été noté. Chez les autres au contraire, la moitié (50,5 %) était en situation de déficit en fin d’hiver et 5 % en situation de carence sévère.
Jusqu’à présent, la prescription de vitamine D entre 5 et 10 ans concerne certains cas particuliers : absence d’exposition au soleil ; affection dermatologique empêchant cette exposition ; port de vêtements très couvrants en période estivale ; malabsorption digestive, cholestase, insuffisance rénale, syndrome néphrotique ; certains traitements (rifampicine ; phénobarbital ; phénytoine) ; obésité ; régime aberrant. « Le comité de nutrition étudie l’extension des recommandations aux enfants de 6 à 10 ans en hiver », indique le Pr Mallet.
Entretien avec le Pr Éric Mallet, CHU de Rouen
(1) Vidailhet M et al. Archives de Pédiatrie 2012 ;19:316-428
(2) Mallet E et al. Archives de Pédiatrie, oct 2014. 21;10:1106-14
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature