« Peut mieux faire », « réponses floues », « hors sujet ». Les six généralistes qui ont interviewé François Hollande et Nicolas Sarkozy dans nos éditions des 6 et 13 avril ne sont pas tendres avec les réponses apportées par les deux candidats à la présidentielle. La plupart estiment leurs propositions peu concrètes ou inadaptées. S’ils reconnaissent que la santé est plus présente dans cette campagne présidentielle de 2012, c’est, dans l’ensemble, pour regretter que les candidats, eux, survolent le débat. Pour le Dr Christian Lehmann il « n’y pas de différentiel majeur » entre les deux poids lourds. Mais il voit un mérite à cette campagne : au moins la santé n’est plus « inaudible ». Pour le généraliste de Poissy (Yvelines), Nicolas Sarkozy n’a pas du tout répondu à sa question sur la sortie de l’HTA des Affections de Longue Durée. « Nous sommes toujours dans un pseudo-discours sur la responsabilisation et la crise de la dette qu’apprécierait fortement l’agence de notation Standard and Poors », accuse-t-il. Bon point en revanche pour la réponse « satisfaisante » du candidat socialiste. Quoique pas assez précise… « Bravo pour la réponse sur l’HTA sur laquelle il a dit qu’il allait revenir, mais sur les franchises, on ne sait toujours pas ce qu’il va faire », conclut le praticien.
Malades d’un consensus mou
Le traitement de la santé dans la campagne présidentielle est, pour d’autres, « catastrophique ». C’est le cas du Dr Pascal Gendry, cheville ouvrière du pôle de santé de Renazé en Mayenne. « Ces sujets intéressent beaucoup les gens. Nous le remarquons tous les jours dans nos cabinets. Je ne comprends pas pourquoi les politiques n’y accordent pas plus d’importance », se demande le président de l’Association des généralistes des hôpitaux locaux (AGHL). Pour autant, sur la question des nouvelles formes de rémunération, il y a un candidat (François Hollande) qui selon lui a « une volonté de les développer au-delà de l’expérimentation », tandis que l’autre a plus « une vision économique et comptable de la chose ».
Pour le Dr Olivier Wong, cette absence de débat s’explique par un problème davantage socio-culturel qu’économique. « Nous sommes vraiment malades d’un consensus mou qui ne permet pas de réformer le système au niveau de son efficience. Si l’on regarde ce qui se passe dans les pays d’Europe du Nord par exemple, c’est le praticien qui définit l’urgence pour le patient, et non l’inverse comme c’est le cas chez nous. Tant que les Français ne seront pas prêts pour ces changements, les politiques ne le seront pas non plus », analyse le médecin généraliste parisien.
Des évolutions culturelles dont témoignent les futures générations de médecins généralistes. À commencer par le Dr Alice Perrain, présidente de l’Association des remplaçants ReAGJIR. « Nous demandons à ce que le statut du remplaçant soit valorisé; et des conditions pour exercer qui soient plus favorables que celles de nos aînés. Nous envisageons de pratiquer la médecine autrement », explique-t-elle. La généraliste, récemment installée à La Croix-en-Touraine (Indre-et-Loire), juge les propositions des candidats pas assez concrètes, mais constate, toutefois, qu’ils commencent à saisir les enjeux des revendications des jeunes. « Ils ont compris qu’il ne suffisait pas de nous saupoudrer de mesures. Ils commencent enfin à envisager de repenser la réorganisation de notre système de santé », espère-t-elle. Le Dr Catherine Freydt, généraliste à Chatou (Yvelines), pense aussi qu’il faudrait « avoir une réflexion sur le financement de la protection sociale en France afin d’en assurer la pérennité ». C’est elle qui a posé la question sur les urgences hospitalières. Un problème qu’ils ont l’un et l’autre bien identifié, mais ils pourraient aller plus loin. « L’idée d’avoir un espace à proximité des urgences pour filtrer les patients est bonne, de même que celle de la généralisation du tiers payant. Sans doute faudrait-il aussi lancer une campagne d’information sur les urgences en expliquant qu’elles ne sont pas automatiques », propose le Dr Catherine Freydt.
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