L ES praticiens et les professionnels de santé du Nord - Pas-de-Calais sont bien décidés à aller à Paris pour exprimer « leur ras-le-bol ». Plusieurs d'entre eux se sont confiés à la correspondante du « Quotidien » à à Lille.
Philippe Lauwick, généraliste à Roubaix :
« Je vais manifester à Paris pour montrer à Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner qu'ils ont essayé de nous endormir, mais que cela ne marche pas. Rien ne bouge depuis des années. C'est l'anesthésie. Toutes les mesures prises par les gouvernements successifs et fondées sur une maitrise comptable ont mené partout en Europe aux mêmes échecs. Nous voulons enfin être écoutés et reconstruire un nouveau système. Il n'y a aucun dialogue actuellement. Le comité des sages n'a toujours rien donné comme conclusion. Et les médecins continuent d'être les boucs émissaires. Personnellement, je ne suis pas un déçu de Kouchner, car je n'en attendais rien. Il a la santé sous sa coupe mais pas les cordons de la bourse. On ne note aucune évolution, depuis des années, et nous commençons à en avoir assez. Il faut trois à quatre mois d'attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. Aujourd'hui, on nous annonce qu'une partie de nos charges URSSAF vont servir à payer les 35 heures. Il est temps de protester.
Bernard Acquart, généraliste à Prouvy, une commune semi-rurale près de Valenciennes :
« Le V est bloqué depuis sept ans, le C depuis quatre ans. Il faut montrer au gouvernement qu'on n'est pas d'accord. Nous n'avons pas d'autre moyen de nous exprimer que d'aller manifester. Les élections aux URML auraient pu déclencher un changement. Mais il n'a pas eu lieu. Les médecins se sont pourtant exprimés clairement. Ce suffrage a été mieux qu'un sondage : une image grandeur nature du profond mécontentement des médecins. Mais il n'a été suivi d'aucun effet. Mme Guigou décide tout, toute seule. Elle n'entend pas prendre la voie de la négociation. Elle est exactement de même formation que Martine Aubry, et de même tendance... Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quant à Bernard Kouchner, c'est la politique paillettes. En attendant, nos revenus s'effritent. Pour protester, nous n'avons pas d'autre moyen que de manifester. Si j'avais su que Lionel Jospin atterrissait juste à côté de chez moi pour aller inaugurer l'usine Toyota, je serais aller le trouver pour lui dire le fond de ma pensée. Mais je ne l'ai su qu'après. J'espère que nous serons nombreux le 12 à Paris, même si la mobilisation n'est pas toujours évidente. Beaucoup de médecins désespèrent de la chose politique. Ils n'y croient plus. »
Hubert Georges, opthtalmo à Maubeuge :
« La médecine ne nous paraît pas bien partie. Dans mon secteur, il y a des traitements récents très coûteux que nous ne pouvons pas prescrire, avec une enveloppe globale que l'on comprime de façon constante. Il y a des choix à faire. Pour l'avenir général de la médecine, l'horizon semble de plus en plus bouché. Nous sommes dans un système à bout de souffle. Les honoraires n'ont pas été réévalués depuis 1995. On attend une nouvelle nomenclature qui risque fort d'être revue à la baisse, vu les conceptions de nos responsables politiques. Nous n'avons pas d'ouverture pour l'avenir. Pour la santé, il n'y a pas de politique à moyen terme. Nous avons une échéance électorale dans un an. C'est maintenant qu'il faut poser la question de l'avenir de la médecine aux hommes politiques. Si chacun baisse les bras, les choses n'avanceront plus. Il faut se mobiliser et que toutes les professions de santé se sentent concernées. »
Alain Masclet, généraliste à Thiant, près de Valenciennes :
« Le moment choisi n'est pas forcément idéal. Mais de toutes les façons, il est toujours difficile de mobiliser les médecins. Les catastrophes annoncées depuis des années ne sont pas arrivées, on a échappé notamment aux reversements. Pour le moment, la situation n'est pas trop mauvaise pour beaucoup de confrères : les chiffres d'affaires augmentent, la démographie baisse. Du coup, la mobilisation est un peu retombée. Pourtant, les risques ne sont pas écartés. On vient de voir comment la ministre s'est défaussée du problème des médicaments. On continue de faire de la politique politicienne. Et l'on peut se demander pourquoi certains laboratoires pharmaceutiques sont ainsi protégés ? Est-ce qu'on parle des vrais problèmes ? Pour les génériques, c'est un échec. Il faut que chacun prenne ses responsabilités et se mobilise. Pour promouvoir une vraie politique de santé et une vraie évaluation des soins. »
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