L OFT STORY n'est pas une expérimentation. Le sénateur Huriet, à l'initiative de la loi de protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, écrit dans « le Monde » du 13 mai à propos de Loft Story : « Je l'affirme tout net : il s'agit en fait d'une expérimentation qui ne dit pas son nom. ». Je l'affirme tout aussi nettement : Loft Story n'est pas une « expérimentation » ! Loft Story n'a rien à voir avec « les sciences du comportement humain ».
Ethiquement inacceptable
La science vise le savoir, Loft Story vise le spectacle, l'audimat, la concurrence commerciale. Que des psychiatres et des psychologues aient accepté d'être de l'aventure, cela n'engage qu'eux. De plus, leur présence n'est nullement d'investigation, mais de prévention. Il est éthiquement inacceptable que des personnes soient confinées dans le but de les offrir en spectacle jusque dans leurs comportements les plus intimes. Je ne comprendrais pas que les responsables de cette émission n'aient pas de justifications à donner, au regard de la morale et des lois. Mais je ne vois pas en quoi Loft Story relève de la loi relative à la recherche biomédicale. C'est bien dommage.
Certes, les sciences du comportement créent, à des fins de connaissance, des situations particulières, dites « expérimentales ». Mais c'est toujours pour comprendre, en soumettant à l'épreuve des faits une théorie issue d'années de recherches effectuées par la communauté des chercheurs. La recherche est exercée pour l'intérêt de la connaissance au service de l'humanité. C'est le premier principe de tout code de déontologie scientifique. Si une situation telle que Loft Story avait été conçue à des fins de recherche, elle procéderait d'hypothèses particulières, qu'il s'agirait de tester. Les investigateurs auraient donc des idées précises quant aux événements susceptibles de survenir. Elle aurait d'abord fait l'objet de débats entre chercheurs, spécialistes du comportement humain. Les participants courant des risques quant à leur santé mentale, elle aurait relevé de la loi sur la recherche biomédicale. Elle n'aurait alors été éventuellement autorisée qu'après l'accord d'un comité consultatif pluraliste, après de sérieux débats et d'éventuelles modifications. Il n'est pas juste que, du fait que Loft Story n'est qu'une émission de télévision, elle n'ait pas été soumise à ce contrôle. Il n'est pas juste qu'une personne soit moins protégée lorsqu'elle passe à la télévision que lorsqu'elle passe au laboratoire. D'autant que lorsqu'elle se prête à une recherche, elle le fait dans l'intérêt collectif. Il est douteux que l'intérêt soit le même lorsqu'elle se prête à une émission de télévision. Loft Story illustre le traitement particulier que le législateur a réservé à la science : la rigueur de la loi envers la recherche est bien plus sévère qu'elle ne l'est envers d'autres pratiques sociales, en l'occurrence ce qui peut être donné en spectacle. Cette différence n'est pas équitable. C'est l'honneur des parlementaires d'avoir voulu protéger les personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale, dès lors qu'elles seraient susceptibles d'y courir des risques particuliers. Il faut maintenant que le législateur protège les personnes des autres situations à risques potentiels auxquelles elles peuvent être confrontées en dehors de la science. C'est tout de même là qu'elles passent le plus clair de leur temps. Mais, de grâce, ne confondons pas. Il se peut que Loft Story ait toutes les apparences d'une expérimentation scientifique, mais ce n'en est qu'une mascarade.
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