POUR AVOIR assisté aux trois spectacles avec lesquels Janet Baker fit ses adieux aux trois grandes scènes lyriques britanniques, respectivement le Royal Opera Covent Garden, l'English National Opera et le Glyndebourne Festival Opera, on peut vous dire que c'est au sommet de ses moyens vocaux, couverte de titres et de distinctions, que cette magnifique et perfectionniste artiste prit cette décision. Soucieuse avant tout de mettre fin à un mode de vie qui impliquait de fréquentes absences, un sacrifice permanent de sa vie privée, Janet Baker ne renonçait pas pour autant à la musique, mais n'en conservait que la partie de concertiste et récitaliste qu'elle avait développée à côté de son activité scénique. Le reportage nous mène aussi à New York, pour la préparation de son récital annuel au Carnegie Hall, ainsi qu'en Ecosse, au Haddo Hall, où elle chante en concert « The Dream of Gerontius », d'Elgar.
C'est donc avec trois oeuvres marquantes de son répertoire, « Mary Stuart », de Donizetti, ainsi qu'« Alceste » et « Orfeo ed Euridice », de Gluck, qu'était planifiée cette dernière ligne droite, qu'elle préfère comparer à un cercle. «La boucle est bouclée», dit-elle dans un entretien en plusieurs épisodes, qui alterne avec des reportages sur ces trois productions.
Sans sentimentalité excessive, pudique, même, mais avec une grande sincérité, la femme aborde tous les problèmes humains qui se posent à la chanteuse : le trac, la solitude, le renoncement, la difficulté de garder une distance nécessaire au bon équilibre. Elle décrit parfaitement son évolution psychologique tout au cours de sa carrière et comment elle a mis du temps à pouvoir prendre, elle aussi, sa part personnelle à ce bonheur qu'elle délivrait quasi quotidiennement à son public.
Retenue et sincérité.
Beaucoup de retenue, de sincérité et d'émotion aussi dans ces confidences recueillies tout au long de cette année, qui ne pouvait qu'être pour elle le bilan d'une trop courte mais admirable carrière scénique, limitée pour des raisons d'équilibre personnel aux théâtres des îles britanniques (avec l'exception unique d'un « Didon et Enée » au Festival d'Aix-en-Provence).
De nombreux extraits font partager ces trois derniers rôles, Alceste à Covent Garden, avec le travail acharné sur la langue française ; un « Mary Stuart », petit bijou de la trilogie des reines anglaises outragées de Donizetti, dirigé avec style par John Mackerras, dans le temple de l'opéra populaire londonien, le Coliseum, où tout est chanté en langue anglaise et qui a été publié dans son intégralité en DVD (« le Quotidien » du 5 février dernier) ; et, enfin, dernier de ce trio d'as, « Orfeo ed Eurydice », de Gluck, dans le beau théâtre lyrique de la campagne anglaise, le Festival de Glyndebourne (« le Quotidien » du 6 août 1982), là même où sa carrière avait débuté en 1956 dans le choeur, avec toute la nostalgie perceptible dans le public et sur le plateau du dernier soir, et la calme et noble résignation de Dame Janet face à sa dernière performance scénique. Emotion garantie ! On comprend alors que la boucle est bouclée, le « full circle » accompli et combien il doit être poignant pour elle, malgré cette détermination affichée, de reprendre avec son époux la route une dernière fois pour Londres après le spectacle.
1 DVD NVC Arts Warner. NTNC. 72 minutes. Sous-titrage en français disponible.
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