« H IER, j'ai enterré mon père. Gros fumeur depuis des décennies, il a développé un cancer du côlon il y a cinq ans. La tumeur a été enlevée et, pendant quelque temps, il a essayé vraiment fort d'arrêter de fumer mais il ne tenait que quelques semaines », raconte Sharon Saint Lamont dans le « Lancet ».
« Néanmoins, mon père a savouré quatre années de vie sans symptômes, appréciant davantage encore le tabac et la boisson. Il se savait en sursis et, comme il avait déjà son cancer, l'abstinence n'y pouvait rien. Il y a dix-huit mois, on lui a dit que son cancer avait envahi le foie et que le pronostic était sombre. Cette sentence de mort l'a rendu plus déterminé à profiter du temps qu'il lui restait et il fuma davantage. Il aimait fumer, il aimait le goût des cigarettes, elles le calmaient. »
« Quand il est devenu jaune trois semaines avant sa mort et fut hospitalisé pour la pose d'un stent pour drainer sa bile et soulager ses symptômes, mon père et moi sûmes que cette période sans maladie était finie. Nous l'avions vu avec maman, morte d'un cancer du pancréas trois ans plus tôt (...) »
« Le strict régime non-fumeur de l'hôpital et son incapacité à descendre et à rester debout à l'entrée principale (au milieu d'un mois de février neigeux et glacé) signifiaient qu'il n'a pas été question de cigarettes pendant ses trois semaines d'hôpital. A côté de la barrière physique, toutefois, il y avait la barrière la plus forte de toutes, la nécessité d'être un bon patient, comme on le lui avait dit. En suivant le règlement, il croyait qu'il se faisait du bien. Qu'il pourrait même s'améliorer. Comme il perdait rapidement du poids et devenait incapable de manger, la famille lui a apporté une canette de Guiness ; mais, du fait de sa détermination d'obéir à l'avis médical, il n'en toucha pas une goutte. »
« Il n'a pas quitté l'hôpital. Il est mort dans une chambre stérile, non-fumeur, non-buveur. Les médecins et les infirmières savaient qu'il fumait et adorait boire une double pinte de bière avec ses copains dans son pub, mais l'idée d'encourager de telles déplorables habitudes, de briser le règlement à la toute fin de sa vie, n'a jamais été envisagée. »
« Beaucoup de gens, comme mon père, ont une foi immense dans la profession médicale. Avec un peu d'humanité, l'équipe médicale n'aurait-elle pas pu regarder un moment la vie de mon père dans son ensemble et réaliser que dans la dernière semaine de sa vie, une cigarette aurait pu être son seul et dernier plaisir ? Après tout, cela lui aurait-il fait du mal ? »
Cette histoire aurait probablement déplu à Georges Brassens. Lui qui avait écrit, à propos de son voisin l'ancêtre dont les jours « étaient comptés » : « on (les copains) s'en fut à l'hospice afin de l'assister », pour lui offrir « une dernière audition », « une dernière libation », « une dernière érection »... « Hélas, les carabins ne les ont pas reçus(e) », les guitares, les litres et les belles « sont resté(e)s à la porte cochère ».
« Lancet » du 12 mai 2001, p. 1536 (lettre).
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