« Déshonorer le corps médical en devenant photographe… » À la fin du XIXe siècle, Antoine Béclère fait entrer les rayons X à l’hôpital, au grand dam de ses collègues qui estiment la radiologie indigne de la médecine… Cent ans plus tard, la discipline est devenue incontournable et son champ d’action ne cesse d’augmenter. Avec notamment, une place croissante pour la radiologie interventionnelle (RI). Définie comme l’ensemble des actes médicaux diagnostiques et/ou thérapeutiques réalisés sous contrôle d’un moyen d’imagerie, la RI recouvre des activités très diverses allant de la « simple » infiltration articulaire radioguidée à la tumorectomie sous scanner. En 2011, plus de 550 000 gestes de ce type ont été réalisés – dont près de
230 000 à visée thérapeutique – contre 177 000 en 2007. Une montée en puissance qui reflète les progrès techniques de ces dernières années.
Reconstruction vertébrale
Parmi les innovations récentes, la reconstruction vertébrale par stenting radioguidé est peut-être la plus spectaculaire. Réalisée uniquement dans certains centres spécialisés, la technique – qui cible les fractures vertébrale traumatiques du sujet jeune – permet non seulement de consolider la vertèbre fracturée (comme une vertébroplastie classique) mais autorise également la reconstruction du corps vertébral. En gonflant un ballonnet surmonté d’un stent métallique introduit par voie transcutanée, le radiologue va restaurer la hauteur du corps vertébral avant d’injecter un ciment acrylique pour stabiliser le tout. « L’objectif est d’éviter au maximum que la fracture ne vienne déformer le rachis et ait un impact à long terme sur la stature du patient », explique l’un des pionniers de la technique, le Pr Afshin Gangi (hôpital civil de Strasbourg). L’intervention se fait chez un patient sous anesthésie générale, sous scanner et contrôle scopique permanent. Elle doit être réalisée dans les 7 à 10 jours qui suivent l’accident car au-delà le cal osseux empêche l’introduction du matériel nécessaire. Après la stentoplastie, « le patient est debout dès le lendemain », souligne le Pr Gangi avec, selon les premières études, des bénéfices à la fois antalgiques et fonctionnels.
Moins impressionnante, la réalisation de macrobiopsies mammaires sous guidage IRM n’en est pas moins utile. Cette technique récente permet de faire des prélèvements percutanés au niveau de lésions mises en évidence en IRM mais sans traduction mammographique ou échographique. Offrant ainsi une alternative aux biopsies chirurgicales indiquées jusqu’à présent dans ces situations.
« Moins invasive que la chirurgie, elle laisse des cicatrices plus petites et peut être réalisée en ambulatoire, sous anesthésie locale. C’est donc un acte moins contraignant pour la patiente et moins coûteux pour l’Assurance Maladie », souligne le Dr Anne Tardivon (institut Curie, Paris). Sa sécurité et son efficacité ont été évaluées dans cinq études prospectives avec un taux de succès proche de 96 %. « C’est un progrès très important, résume le Dr Isabelle Thomassin (hôpital Tenon, Paris ), mais son utilisation est limitée pour le moment, d’une part par la nécessité d’accès à un plateau technique adapté – l’IRM utilisé doit être équipée d’antennes spécifiques – et, d’autre part, par l’absence de remboursement de l’acte. »
L’apport de la tumerectomie percutanée
Toujours dans le domaine de la cancérologie, l’outil interventionnel a aussi beaucoup apporté pour le traitement de certains cancers hépatiques, pulmonaires ou rénaux localisés, grâce aux techniques de tumorectomie percutanée radioguidée.
Le principe consiste à repérer précisément sous imagerie (scanner ou échographie) la tumeur puis à y insérer – toujours sous contrôle radiologique – une sonde qui va détruire les cellules cancéreuses par thermo-ablation. « Ces méthodes innovantes ont permis à des milliers de patients d’accéder à un traitement curateur bien toléré, ne nécessitant que de courtes hospitalisations », souligne le Pr Olivier Seror (CHU Jean-Verdier, Bondy). Le faible risque de complications permet de les proposer aux patients jugés trop fragiles pour une chirurgie classique. « Chez ces patients dont le pronostic global est généralement moins bon que celui des patients sans contre-indication opératoire, les survies rapportées après traitement percutané sont très proches de celles observées après chirurgie de résection. » Ainsi pour les petits carcinomes hépatocellulaires, les rares études randomisées disponibles montrent que la chirurgie classique n’a pas fait mieux en terme de survie globale que les techniques percutanées.
Au-delà de ces nouvelles techniques, l’essor de la radiologie interventionnelle traduit aussi les efforts organisationnels mis en œuvre dans le domaine. Par exemple, pour les patients polytraumatisés, toute une réflexion a été engagée afin de leur faciliter au maximum l’accès aux traitements endovasculaires radioguidés (stent ou embolisation) en urgence. Ces techniques peuvent, pour certains patients, se substituer avantageusement à la chirurgie en cas de lésions traumatiques des gros axes artériels ou d’atteintes des organes pleins type rein, rate, ou foie. À condition que le malade soit pris en charge le plus rapidement possible par équipe multidisciplinaire dans une structure qui dispose d’un scanner et d’un plateau d’angioplastie accessible 24h/24. « À cet effet, la profession s’est organisée », explique le Pr Michel Bartoli (Marseille) et, désormais, « un accès simplifié au scanner et à la salle d’angiographie doit être assuré dans tous les services d’urgence ayant plus de 30 000 passages par an. »
Radiologue thérapeute
Ainsi, peu à peu, la RI se structure tandis que « le radiologue devient un médecin thérapeute à part entière impliqué dans l’intégralité de la prise en charge du patient, du diagnostic au suivi post-traitement ».
Au risque d’empiéter parfois sur le territoire d’autres spécialités cliniques ? « Nous sommes davantage complémentaires que concurrents, veut croire le Pr Jean Pierre Pruvo, secrétaire général de la SFR. Et s’il y a des techniques pour lesquels nous sommes vraiment incontestés comme la vertébroplastie ou l’embolisation, pour tout ce qui est dilatation ou pose de stents, chirurgien et radiologues interviennent en bonne intelligence, en fonction de l’organisation des centres, de la démographie médicale, etc. » Le Pr Bartoli a un avis plus tranché : « Du fait de notre formation, nous sommes spécialement bien placés pour pouvoir reconstruire en 3D l’anatomie des patients et naviguer facilement de façon radioguidée ».
Effort sur la radioprotection
Pour autant, le développement de la radiologie interventionnelle ne pourra se faire sans une démarche spécifique de formation des intervenants, comme l’ont souligné tous les spécialistes de la discipline. Avec en parallèle un effort accru en terme de radioprotection pour éviter que tous ces progrès ne se traduisent par une augmentation massive des doses reçues par les patients. Un enjeu dont a bien conscience la SFR qui n’a pas attendu la mise en place du DPC pour mettre sur pied un programme d’évaluation des pratiques dans ce domaine. Tandis qu’une nouvelle version du guide du bon usage des examens médicaux devrait être disponible dès janvier 2013.
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