La santé en librairie
L'auteur des « Saintes Chéries » fait le récit de ses relations avec le monde médical, ses défauts, ses tics et ses manies, et son pénible mais parfois cocasse périple de cliniques en centres de rééducation : nous voilà chez Madame Sans-Gêne au pays des infiltrations, prothèse du genou, pontage coronarien et autres plaisirs thérapeutiques.
Un pays où les secrétaires médicales sont toujours amoureuses de leur patron, les médecins, en général professeurs et toujours en retard, les domestiques, portugaises (comme les gardiennes d'immeuble), les maris (en particulier « l'Homme de votre vie »), exaspérants et impatients, mais tellement charmants, au fond, votre « psy », forcément votre meilleur ami. Un monde où les valises sont toujours Vuitton, les vétérinaires, plus « gentils que les médecins », les douaniers, obtus, surtout quand les portiques d'aéroport sonnent au passage d'une prothèse du genou en métal ( « J'ai une suspecte ici », crie la chef-douanière), où les voisines de chambre « adorent les séries américaines (...) que vous trouvez idiotes, mais détestent les informations politiques et débats divers qui vous passionnent », où les médecins continuent d'écrire « des hiéroglyphes médicinaux » indéchiffrables, sauf par les pharmaciens.
Bref, l'univers d'une femme, épouse d'un monsieur Bruel ( « A propos, êtes-vous la mère ou la femme de Patrick ? »), qui est prête à en découdre avec les administrations françaises les plus têtues pour faire respecter la loi actuelle « qui énonçait, elle, que le nom légal d'une femme était son nom de jeune fille. Point. Barre (...)
« Désormais, quand vous recevrez les papiers "Bruel", vous les ferez suivre à votre Mutuelle des auteurs, en ajoutant et en soulignant en gros :"NEE ET DITE NICOLE DE BURON". » Non mais !
* « Mais t'as tout pour être heureuse ! », Flammarion.
** Plon (en librairie le 6 février), 178 pages, 15 euros.
Arracher un rendez-vous avec un thérapeute
« L'expérience vous a appris qu'à Paris aucun médecin ne reçoit en urgence un malade qui n'est pas recommandé par une amie qui a un ami qui a une amie qui a un ami qu'il connaît.
Quand on a eu une bonne santé (presque) toute sa vie, comment régler ce grave problème ?
Par une chance inouïe, votre belle-sur infirmière a une copine qui a une copine qui a une copine qui connaît très bien la femme du fameux radiologue Leconte indiqué par votre cousin belge. Vous téléphonez. O.K. pour demain matin 8 h 30, radios faites par le Maître lui-même "par amitié"... »
Supporter le thérapeute en question
« Vous ne dites rien. Voir un thérapeute oblige à supporter un certain nombre d'inconvénients. Obtenir un rendez-vous avant des mois (suivant la célébrité du personnage). Attendre des heures en compagnie de magazines que vous avez déjà lus. Avoir affaire à la femme du docteur (au lieu d'une secrétaire) qui vous regarde des pieds à la tête d'un air méfiant (et si vous n'étiez pas une malade, mais une maîtresse ?). Mais ce qui vous agace le plus, ce sont les sonneries du portable personnel du médecin qui interrompent ses investigations. Il vous est arrivé de nombreuses fois de rester allongée longuement sur la table d'examen, toute nue, le cul à l'air, à écouter votre praticien papoter avec ses autres malades, ou même ses copains. »
Mes confrères sont nuls
« Et puis vous allez vous faire une scintigraphie osseuse nucléaire au Grand Hôpital de Sèvres.
Diable ! D'abord, vous ignorez complètement ce que peut bien être une scintigraphie osseuse nucléaire. Le mot "nucléaire" vous inquiète. Mais ce n'est pas cela qui vous fait bondir.
- Ah non ! pas au Grand Hôpital de Sèvres !
- Tiens ! Et pourquoi ?
Vous lui racontez avec emphase votre passage aux urgences dudit hôpital et les diagnostics erronés des quatre carabins.
- Il y a de mauvais médecins, enfin, disons "médiocres", comme il y en a de très bons, répond tranquillement le professeur. Ainsi au service de scintigraphie osseuse nucléaire de l'hôpital de Sèvres, il y a trois spécialistes, dont un excellent, qui est un ami, le docteur Chaublanc. »
L'hôpital ou la loi de l'humiliation maximale
« Deux brancardiers vous nouent dans le dos les liens de la fameuse chemise de nuit d'hôpital au courant d'air glacé jusqu'aux fesses. Et vous descendent, ou vous montent (?), au bloc, sur un brancard à roulettes qui fait un bruit aigu à réveiller un régiment. A noter que lesdits Gros Bras sont entrés dans votre chambre sans frapper. Dès qu'un Homo sapiens porte une blouse blanche, cela signifie qu'il fait partie de l'hôpital et qu'il a le droit de pénétrer chez vous sans frapper, sans vous dire bonjour, et sans se présenter. Il suffit de le savoir. »
Pas de vérité toute crue
« Hélas, il ment. Vous vous apercevez, petit à petit (surtout au bout de six mois d'hôpitaux et de cliniques), que la première préoccupation de vos chers médecins n'est pas de vous guérir, mais, surtout, de ne pas vous effrayer en vous disant la vérité toute crue. Ainsi, s'ils vous disent : "Vous n'avez pas grand-chose", c'est que c'est grave. S'ils vous disent : "Vous en avez pour un mois", comptez deux ou trois mois. S'ils vous disent : "Oh ! là, là ! C'est embêtant !", comptez une bonne année. Ou même plus.
Avec votre grande gueule, vous l'avez fait remarquer à tous vos Hippocrate. Ils se sont défendus en attaquant (bonne stratégie !) - "Mais ce sont les malades qui ne veulent pas savoir ! Très peu nous interrogent sur leur mal. Alors pourquoi les obliger à être vraiment au courant et à s'inquiéter ?" ».
Encore un peu de chirurgie
« A notre époque moderne, les médecins remplacent les grands prêtres d'Israël. Ce qu'ils disent est sacro-saint. »
« Vous êtes également entourée et couverte d'une quantité incroyable de matériel médical. Vous avez un tuyau dans la bouche, un autre, en plastique vert, dans le nez (narine gauche), qui aboutit à un verre à dents qui fait glouglou en permanence, une grosse machine reliée à la narine gauche, trois perfusions, une sonde rectale, une sonde urinaire, un cathéter dont le flacon, au bout, refuse de s'ouvrir, un drain pleural dont l'enlèvement réclame trois personnes, des agrafes, des pastilles adhésives un peu partout, etc, etc. (bref, dix-sept tuyaux environ). »
Et quatre métatarsiens
« - Tout est presque parfait, finit-il par avouer. Pied gauche : l'entorse est bien dégonflée et le bout de la malléole, recollé. Je ne vous l'avais pas dit (tiens donc !), mais je craignais qu'il ne se recolle pas, ou de travers. Pied droit : les quatre métatarses sont cassés net au bout des orteils. Pour le pouce, c'est plus douteux.
Sachant désormais que les médecins ont horreur de vous donner des leçons médicales, vous vous gardez bien de lui demander ce qu'est un (ou une) métatarse. Vous regarderez tout à l'heure chez vous, dans les trois Larousse de la médecine que vous avez fini par faire acheter (et transporter) par le Petit Michel, ainsi qu'un énorme Vidal et une Encyclopédie usuelle médicale de chez Flammarion...
- Ce qu'il y a d'ennuyeux avec vos fractures des métatarses, reprend votre praticien, c'est qu'il n'y a rien à faire ?
- Comment ça : "... il n'y a rien à faire ?", je vais boire toute ma vie ? »
Extraits de « Docteur, puis-je vous voir avant six mois ? ». Les intertitres sont de la rédaction.
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