ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
L A vie de l'artiste, né à Montbéliard en 1590, n'a laissé que fort peu de traces. Il fut un de ces errants allant de chantier en chantier, de commande en commande. Il aurait été à Rome vers 1620, puis repéré à Narbonne, Carcassonne et Toulouse entre 1627 et 1639, où il bénéficie de la protection d'un seigneur local, Bernard de Reich, dont il a laissé un portrait. Et c'est à Toulouse qu'il exécute des commandes pour les églises. En témoignent des uvres aux accents pathétiques comme « le Christ descendu de la croix » et « le Christ déposé au tombeau ».
S'il n'a pas, comme quelques-uns de ses confrères, marqué de son empreinte la Rome de sa formation, il y rencontre l'influence bénéfique de Valentin (de Boulogne) lui-même transmettant la leçon de cette vision ample, aux effets d'éclairage saisissants qui viennent du Caravage. Nicolas Tournier rejoint aussi Georges de la Tour dans des compositions emplies d'allusions énigmatiques où des lumières théâtrales sculptent des visages d'une grande force expressive, comme dans « Scène de banquet au joueur de luth » où il retrouve quasiment la même ordonnance des figures dans un sujet quasi similaire. De même « Joueurs de dés » s'inscrit-il dans un sujet propre à l'époque avec un clair-obscur dramatique et une saisissante vérité dans les expressions.
Il reprend à plusieurs reprises le thème du « Reniement de saint Pierre » (dont la très complexe organisation des attitudes dans la version de Madrid), jouant sur la véhémence gestuelle, devenue presque confuse dans l'ambitieuse composition « le Corps de garde », qui lui fut longtemps contestée.
Dans son hiératisme cérémonieux, « le Concert » est bien dans l'esprit de son temps, un mélange de somptuosité dans le détail et de gravité dans l'organisation spatiale.
« la Bataille des roches rouges » (de la collection du musée des Augustins) est la dernière commande passée à l'artiste et elle reste inachevée, mais d'une grande force et d'une étrange mise en page avec de splendides détails. Sa réapparition sur le marché date approximativement de l'exposition fameuse des « Peintres de la réalité » qui corrige la vision habituelle de la peinture du XVIIe siècle. En dépit de la pression de l'Eglise, principal commanditaire, elle ose s'aventurer dans des sujets profanes. On y voit un Nicolas Tournier inventif, se risquant à des agencements ambitieux qui révèlent un grand peintre aujourd'hui enfin reconnu à la juste mesure de son génie propre.
Nicolas Tournier (1590-1639), un peintre caravagesque. Musée des Augustins, Toulouse, jusqu'au 1er juillet. Tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h, nocturne le mercredi jusqu'à 21 h. Un ouvrage-catalogue, édité par Somogy.
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