NICOLAS SARKOZY avait annoncé qu'il donnerait le coup d'envoi de la réforme des régimes spéciaux de retraite (Sncf, EDF…) en ouvrant les Premières rencontres du social, organisées au Sénat par l'Ajis (Association des journalistes de l'information sociale) à l'occasion de son 40e anniversaire.
Le discours d'une heure du président de la République a finalement ressemblé à une partie de chamboul'tout sur l'ensemble du champ social : de l'assouplissement des 35 heures à un nouveau contrat social, en passant par une remise en cause de la formation continue et des critères de représentativité des syndicats. Cette révolution Sarkozy n'a surtout pas épargné le monde de la santé.
Parce qu'il entend désormais «concilier responsabilité et solidarité», le chef de l'Etat n'a pas hésité à tracer une feuille de route à travers le terrain miné des «libertés d'installation, de prescription et de choix pour les patients de leur médecin», fondements même de la médecine libérale en France depuis 80 ans. Ces libertés, «auxquelles nous tenons profondément, ne sont compatibles avec le caractère collectif de l'assurance-maladie que si les acteurs du système de santé font preuve de responsabilité».
«Il n'est pas normal que 90% des consultations donnent lieu à une prescription de médicaments, là où cette proportion n'est que de 40% aux Pays-Bas», a expliqué le président de la République. «Il n'est pas normal que les urgences hospitalières soient encombrées pour pallier l'insuffisance des permanences en médecine de ville. Il n'est pas normal, à la fois pour des raisons d'équité et d'efficacité, que la répartition des médecins sur le territoire soit aussi inégale.» Le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Michel Régereau, puis la Cour des comptes avaient posé quelques banderilles ces derniers jours au sujet de la liberté d'installation (« le Quotidien » des 13 et 14 septembre). Nicolas Sarkozy vient de porter l'estocade en recommandant ni plus ni moins un système coercitif et non plus incitatif pour la démographie médicale, qui serait «inspiré des négociations entre l'assurance-maladie et les infirmières», auxquelles il sait gré d' «accepter de ne pas s'installer dans les zones où elles sont trop nombreuses». (Lire aussi page 4.)
Les ALD dans le viseur.
Face au «dérapage incontrôlé» des dépenses ALD chaque année, Nicolas Sarkozy préconise un nouveau tour de vis à la maîtrise médicalisée (qui doit être «beaucoup plus efficace») ainsi qu'une reconfiguration du périmètre des soins remboursables pour ces pathologies lourdes et chroniques. «Concernant les affections de longue durée, je souhaite que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel, à partir des travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) », a-t-il précisé.
Mais comme «cela ne suffira peut-être pas» pour remettre le système à flots, le président Sarkozy «ouvre également un grand débat sur le financement de la santé». A l'instar de l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en octobre 2003, le chef de l'Etat veut susciter un débat sur ce qui doit être financé par la solidarité nationale et sur «ce qui doit relever de la responsabilité individuelle à travers une couverture complémentaire». Il attend «les conclusions (de ce débat) au premier semestre de l'année prochaine». A la clef, le président promet d' «offrir une aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire beaucoup plus généreuse et étendue qu'elle ne l'est aujourd'hui», afin d'éviter «un système de soins à deux vitesses».
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a posé les jalons d'un «cinquième risque» de la Sécurité sociale, qui serait «commun à l'ensemble des personnes en situation de perte d'autonomie, handicapés et personnes âgées dépendantes».
Réprimer davantage les fraudes.
Ce nouveau droit sera «mieux adapté à la diversité des situations individuelles» en tenant compte de leurs ressources et de leur patrimoine. En complément, le risque de dépendance serait aussi couvert par l'assurance individuelle que les investisseurs privés devraient développer (notamment par des «produits financiers innovants»).
Nicolas Sarkozy invite les Français à être «irréprochables dans le respect des règles» et suggère une radicalisation de la politique de lutte contre les abus et fraudes menée depuis plusieurs années à travers «deux mesures simples» : à savoir la suppression des prestations sociales «pendant une ou plusieurs années en fonction de la gravité de la fraude» (commise par un particulier ou une entreprise) et l'instauration de «peines planchers forfaitaires» pour les entreprises.
Comme prévu, le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2008, qui doit être présenté le 24 septembre, visera à réduire les déficit de la branche maladie, dans le prolongement du plan de redressement décidé en juillet. Les franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires permettront de «prendre en charge nos nouveaux besoins de santé (maladie d'Alzheimer, plan Cancer, soins palliatifs) sans grever les comptes de l'assurance-maladie ni peser sur les générations futures», a fait valoir le chef de l'Etat. Mais il a confirmé aussi que le Plfss contiendrait des «mesures structurelles», telles que «le financement intégral des hôpitaux à l'activité», au lieu de 50 % aujourd'hui.
Omniprésent sur tous les fronts, le président a devancé le Plfss du gouvernement pour imprimer sa marque dans le domaine de la protection sociale, comme ailleurs.
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