À QUELQUES SEMAINES des élections municipales les 9 et 16 mars, le gouvernement donne l'impression de vouloir prendre son temps. Nicolas Sarkozy n'a pas cette patience. En recevant successivement lundi la Mutualité française et la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le président de la République a rappelé son intention de réformer vite et fort le système de santé. Il faut voir un signe dans la consultation de ces deux acteurs de poids du monde de la santé qui ont émis ces dernières semaines de sévères critiques contre des initiatives présidentielles. La Mutualité s'est élevée contre la mise en place des franchises médicales et s'oppose à un nouveau transfert de charges de l'assurance-maladie vers les régimes complémentaires. La CSMF a durement combattu le PLFSS 2008 et s'est montrée réticente quant à l'utilité des états généraux de l'organisation des soins (EGOS). Le chef de l'Etat a tenu à rassurer les uns et les autres, rappelant qu'il les «associait pleinement aux concertations» –, il a d'ailleurs annoncé qu'il les reverrait cet automne – et qu'il souhaitait préserver la médecine libérale à la française.
Changement de braquet.
En sollicitant ces rencontres, Nicolas Sarkozy a surtout montré qu'il voulait accélérer le rythme des réformes. Il a réaffirmé son souhait d'aboutir à l'automne prochain à l'élaboration du projet de loi sur la modernisation de la santé. Dans ce cadre, le chef de l'Etat entend réformer l'hôpital en revoyant la répartition des établissements sur le territoire mais aussi l'organisation au sein même de l'hôpital. Alors que «les caisses de l'Etat sont vides», Nicolas Sarkozy a réaffirmé que le financement de l'assurance-maladie serait également au coeur de ses préoccupations en 2008. Il souhaite réviser le système des affections de longue durée (ALD) et redéfinir le périmètre du panier de soins. L'annonce des grandes lignes de ces réformes à des acteurs du monde de la santé peut surprendre alors que l'heure est à la concertation du côté du gouvernement. Les discussions sont en effet toujours ouvertes dans le cadre des EGOS – dont la seconde phase s'ouvre aujourd'hui avec les médecins spécialistes et les professions de santé –, de la mission Larcher sur l'hôpital, du rapport Flajolet sur les inégalités d'accès aux soins, et que, selon les termes de la ministre de la Santé, «les arbitrages n'ont pas été rendus» entre les rapports Ritter et Bur sur les futures agences régionales de la santé (ARS)… L'intervention du chef de l'Etat dépare avec la prudence de Matignon et de l'Avenue de Ségur. Son intervention pourrait même résonner, de l'avis de certains, comme un avertissement. Un désaveu.
Avec les deux entretiens accordés lundi, le président de la République a sans conteste repris la main sur ce dossier de la protection sociale, trois semaines avant les élections municipales. Il a réaffirmé sa volonté de préserver l'accès aux soins dans le cadre du projet de loi, n'hésitant pas à rouvrir le débat sur la liberté d'installation des médecins. Lui qui fut à l'origine, en septembre dernier, de la mobilisation des internes, a jugé lundi, selon les responsables de la CSMF, «indispensable les mesures de désincitation dans les zones excédentaires». Il prend ainsi de court la ministre de la Santé, qui «privilégie les mesures incitatives à l'installation» (« le Quotidien » du 15 février). Ces annonces ne vont pas manquer de semer le trouble chez les organisations de jeunes médecins. «Nous avons l'impression d'être revenus au point de départ et nous allons nous concerter avec les autres organisations pour voir comment réagir», précise le responsable d'une association étudiante.
Une intervention qui sonne comme un avertissement.
Après les multiples polémiques et rapports dénonçant les dépassements d'honoraires, le chef de l'Etat veut aboutir à la création d'un secteur optionnel, dans un premier temps dans les établissements privés. Son intervention ressemble à une injonction. Le ministère de la Santé peine en effet depuis plusieurs semaines à obtenir des avancées des partenaires conventionnels dans ce domaine. Le chef de l'Etat s'est par ailleurs dit favorable à une réforme de la classification commune des actes médicaux (CCAM) clinique. Attendue depuis plusieurs années, cette nomenclature aboutirait à une nouvelle hiérarchisation des actes tenant compte de la difficulté et de la longueur des consultations. En dressant le constat que le corps médical ne participe pas à la permanence des soins, le président de la République met le doigt sur un sujet sensible. Roselyne Bachelot a d'ailleurs demandé aux préfets de revoir à la baisse le nombre de secteurs de garde (« le Quotidien » du 20 février).
Le chef de l'Etat s'est fixé un planning ambitieux tant les problématiques sont vastes. En voulant accélérer la manoeuvre, l'Elysée prend cependant le risque de se heurter à des résistances. En 1995, le gouvernement Juppé avait dû reculer devant la fronde du monde médical. Certains doivent s'en souvenir à l'Elysée.
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