Le discours de Nicolas Sarkozy à Bletterans (Jura) tombe à un moment clé de la rentrée politique. Cette intervention a en effet eu lieu au moment même où s'engage la concertation autour du projet de loi Bachelot Hôpital, patients, santé et territoires, dont le président a, en outre, confirmé qu'elle serait présentée au conseil des ministres au début d'octobre.
Le président de la République a d'ailleurs profité de son discours pour indiquer qu'il entendait bien que «le débat au Parlement permette d'améliorer encore le contenu de la réforme». On peut ainsi imaginer que, en s'exprimant sur la santé, le président poursuivait un but précis : rassurer les patients sur la volonté présidentielle de garantir l'accès aux soins à tous et de maintenir notre système de Sécurité sociale, tout en délivrant un message aux parlementaires et aux acteurs du monde la santé : «Serons-nous demain capables de maintenir la solidarité nationale au niveau qui est le sien aujourd'hui? a-t-il notamment indiqué, c'est aujourd'hui que nous devons nous poser la question, demain, il sera trop tard (…) La santé a un coût dont le financement doit être repensé et équitablement réparti.»
Équilibre des comptes en 2011.
Voilà donc les parlementaires et le monde de la santé invités à faire preuve d'imagination pour améliorer encore la réforme Bachelot, d'autant que Nicolas Sarkozy a réitéré son credo : «Je souhaite que l'assurance-maladie revienne à l'équilibre en 2011. Pour y parvenir, nous aurons besoin de l'engagement résolu de tous.»
À commencer par les complémentaires santé que le président veut désormais associer aux négociations entre l'assurance-maladie et les professionnels de santé, notamment dans des domaines comme l'optique et le dentaire.
Quant aux professionnels de santé eux-mêmes, ils sont priés de s'impliquer «davantage encore dans la maîtrise médicalisée des prescriptions», et le président va jusqu'à suggérer que, comme pour les libéraux, une convention nationale soit signée entre l'État et les fédérations hospitalières, pour «poser les fondements d'une meilleure régulation des prescriptions de l'hôpital exécutées en ville».
Dans le même souci d'un rétablissement des comptes sociaux, Nicolas Sarkozy compte s'attaquer aux fraudes à la Sécu par l'instauration d'un «mécanisme de pénalités planchers», qui sera mis en place dès l'année prochaine, «sur le modèle de celui en vigueur pour lutter contre le travail illégal».
La carotte et le bâton.
Tout au long de son discours, le président a manié successivement la carotte et le bâton. La carotte, quand il parle au début de son intervention des «médecins et autres professionnels de santé», qui sont «notre fierté nationale».
Quant au bâton, il a été manié par petites touches tout au long du discours.
Comme lorsqu'il aborde le chapitre de la démographie médicale et de la répartition de l'offre de soins. La solidarité nationale doit-elle garantir les mêmes tarifs au médecin exerçant dans une zone rurale fragile et à celui qui travaille dans une agglomération suréquipée ? «Je ne le crois pas, répond le président, et j'en tirerai toutes les conclusions.» Dans l'immédiat, Nicolas Sarkozy a martelé qu'avant la fin de l'année il attendait des négociations conventionnelles «des mesures opérationnelles permettant d'accroître l'offre médicale là où il y en a le plus besoin. Il est inacceptable que certains n'y aient pas accès». Le président de la République en a opportunément profité pour saluer l'accord conventionnel récemment signé entre l'assurance-maladie et les infirmiers. Comprenne qui voudra. Dans le même chapitre, Nicolas Sarkozy a vanté le modèle des maisons de santé, qui «offrent une réponse de proximité (…) Il en faut davantage». Quant au mot de la fin sur la démographie, il a été clair : «Nous avons trop longtemps laissé les professions de santé autogérer leur démographie. Il est temps d'agir et de faire des choix. S'ils ont du mal à le faire, nous le ferons pour eux.»
Un secteur optionnel avant la fin de l'année.
Même tonalité sur les honoraires médicaux. Nicolas Sarkozy souhaite que les partenaires conventionnels et les complémentaires mettent en place avant la fin de l'année un secteur optionnel pour les chirurgiens, les obstétriciens et les anesthésistes, pour permettre «un meilleur encadrement des tarifs que le secteurII», et mettre fin à certaines injustices entre praticiens. «Si les partenaires conventionnels ne parviennent pas à un accord sur ce sujet, l'État en tirera les conséquences et agira.»
Le président a également indiqué qu'il souhaitait que des forfaits de prise en charge de maladies chroniques (comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires) puissent éventuellement se substituer au paiement à l'acte, après expérimentation de leur faisabilité par l'assurance-maladie et les assurances complémentaires.
Quant à la permanence des soins, Nicolas Sarkozy a rappelé que, «grâce à l'action des (futures) agences régionales de santé (ARH), le nombre de secteurs incomplets aux tableaux de garde doit diminuer. Les médecins ont des obligations, la garde en fait partie». Le président fonde son propos sur une ambiguïté des textes qui régissent la PDS. Car si le code de déontologie précise toujours dans son article 77 qu' «il est du devoir du médecin de participer à la PDS», l'article R6315-4 du code de la santé publique stipule pour sa part que «les médecins participent à la permanence des soins sur la base du volontariat.»
Au chapitre de la sécurité et de la qualité des soins, Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de créer une mission de réflexion sur le modèle de la commission Debré de 1958, afin de déterminer si les CHU sont encore adaptés à leur triple mission «d'enseignement, de recherche et de soin».
Le président souhaite de plus que soient mis en place et rendus publics pour chaque établissement quelques indicateurs, comme le taux de mortalité ou le taux d'infections. «Je veux des résultats concrets», a-t-il insisté. Pas sûr que les hospitaliers apprécient beaucoup cette mesure dont la faisabilité reste par ailleurs à démontrer. Quant à la réforme de l'hôpital prévue par la loi Bachelot, Nicolas Sarkozy veut que les acteurs hospitaliers se saisissent des outils offerts par cette loi. Mais, attention, prévient-il, «les libertés nouvelles de gestion des hôpitaux auront pour nécessaire contrepartie une plus grande responsabilité».
À ce sujet, le président veut que les comptes des hôpitaux soient désormais certifiés et que les situations de déficit «ne soient plus tolérées». Et pour faire passer la pilule, Nicolas Sarkozy propose aux personnels des établissements qui disposent d'excédents budgétaires de leur redistribuer ces excédents au travers d'une politique d'intéressement. Une offre séduisante, même si elle ne concerne aujourd'hui qu'une faible part de ces établissements.
Sur l'ensemble des sujets abordés, le président a usé d'un ton volontariste, avec un maître mot, l'efficience. Une phrase prononcée à la fin de son discours résume l'objectif qu'il assigne à l'ensemble du monde de la Santé : «Mieux organiser pour dépenser moins et apporter plus aux patients.»
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