Art
« Tout doit se passer en moi. C'est avec le besoin intérieur, intime qu'il faut dessiner et ce n'est que comme cela que je ferai si je puis, du bon dessin, de la bonne peinture. »
Nicolas de Staël l'a toujours confessé : c'est à l'âme qu'il revient de dicter le chemin du pinceau sur la toile, c'est elle qui gouverne, qui prend le dessus sur les modes, sur l'air du temps, sur l'académisme. La réalité sera traduite en « masses colorées et pas autrement », chacune de ces taches de couleur étant l'émanation d'émotions.
L'exposition du Centre Pompidou s'ouvre sur la période 1939-1945 qui mènera Staël vers l'abstraction. Le peintre travaille d'abord, dans ses différents ateliers, à Paris, en Provence, sur la Côte d'Azur, à parfaire son trait, à obéir à son souci du « beau métier », en composant des natures mortes et en s'inspirant des toiles des grands maîtres passés. Puis il rencontre Magnelli, Goetz et Braque, importantes confrontations qui le feront se tourner dorénavant vers un vocabulaire de formes simples. La transcription de la réalité est de moins en moins fidèle : le passage vers l'abstraction s'annonce. Les formes se multiplient, s'entrelacent, les architectures de lignes et de figures sont complexes... Staël crée un langage vertigineux et parfois obsessionnel, fait de bâtons et de diagonales, de grillages et de signes personnalisés.
Toutefois, et l'exposition le met très bien en valeur, Staël a toujours dépassé l'opposition entre abstraction et figuration. « Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace », soulignait-il en 1952.
Après la guerre, le peintre trouve néanmoins son équilibre dans l'abstraction, dont il explorera les chemins pendant plusieurs années. De 1946 à 1948, c'est « la vie dure », la peinture est sombre et lourde. Staël compose une toile qu'il appelle « Ressentiment », d'une grande âpreté.
Comme un mur
Au début des années 1950, la matière s'enrichit d'une pâte épaisse et grumeleuse, travaillée au couteau et à la truelle. Les toiles sont « maçonnées ». Chaque « moellon » de peinture que l'artiste dépose avec une spatule contribue à l'architecture de l'ensemble. Staël compare la construction de sa toile à celle d'un mur, comme en témoigne la série des « Toits » de Paris. La matière exulte. Jeanne Bucher, la grande galeriste parisienne des peintres abstraits ne s'y trompait pas, qui lui écrivait en 1945 : « Mon cher de Staël, votre palette c'est du velours, je dis plutôt que c'est peint à la pâte dentifrice. » Les couleurs s'éclaircissent, il y a des rouges éclatants, des oranges flamboyants.
Mais, surprise, vers 1952, Staël « libère les petits pavés » de sa toile pour revenir à un langage concret. Pommes, paysages peints sur le motif, bouteilles, représentation harmonieuse et stylisée d'un orchestre hantent ses peintures, ainsi que les joueurs de football à qui il donne vie, dans sa célèbre série du Parc des Princes.
Et puis, c'est l'apothéose. L'appel du sud. Le midi et la Sicile qu'il visite et dont il retranscrit avec une matière plus fluide la lumière aveuglante, les couleurs irradiantes, fauves et paroxystiques. « Il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience », estimait Staël. Est-ce la violence aveuglante de la lumière méridionale qui le traumatise ? Est-ce l'obsession de l'inachevé, de l'inabouti ? A quel tourment son âme s'abandonne-t-elle ? Staël se donne la mort le 16 mars 1955, laissant sur le métier une uvre magistrale, « le Concert », envahie d'une grande tache de rouge sang. Trop d'intensité. Trop de vérité jetée sur la toile. Une explosion de l'intérieur.
Centre Pompidou, Paris 4e. Tlj sauf mardi, de 11 h à 21 h. Nocturne les jeudis jusqu'à 23 h. Entrée : 8,5 euros (TR 6,5 euros). Jusqu'au 30 juin Catalogue, 260 pages, 39,90 euros.
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