L A taille, l'organisation et les capacités fonctionnelles du cerveau varient considérablement selon les espèces de mammifères étudiées. L'intelligence et la conscience, par exemple, représentent des acquisitions récentes dans l'évolution. Mais découvrir la façon dont ces acquisitions ont émergé au fil du temps reste encore une énigme pour les scientifiques évolutionnistes.
A l'exception de quelques créationnistes américains (« le Quotidien » du 20 juin 1995), la majorité des chercheurs considère que l'évolution a procédé par touches successives qui ont conduit à une spéciation ou à une divergence des espèces. Les moyens disponibles pour analyser une telle évolution restent encore limités. L'analyse des fossiles (paléontologie) ne s'adresse qu'aux parties dures (os et dents) de l'animal et ne permet pas l'accès à des données sur le cerveau, sauf en cas d'endocaste (ce terme désigne certains fossiles particuliers dans lesquels il existe un moulage de la partie interne de la boîte crânienne par des sédiments). Cette approche classique a permis de classer les espèces selon des critères morphologiques.
L'hypothèse de l'ancêtre commun
Une autre approche consiste à comparer les différentes espèces en postulant sur le fait qu'elles possèdent toutes un ancêtre commun. Ainsi, les ressemblances anthropomorphiques ont de fortes chances d'indiquer une structure ancestrale commune ou homologie. Cette représentation sous forme d'arbre phylogénétique ne permet pas d'avoir une idée très précise des gros troncs (ancêtres communs) lorsque l'on s'intéresse exclusivement aux petites branches. L'équipe du Dr Damon Clark (Princeton) propose une approche par homologie du cerveau des mammifères. Si, généralement, la comparaison entre les différentes parties des cerveaux de mammifères est fondée sur une comparaison de taille, les investigateurs ont ici construit de nouveaux modèles anatomiques prenant en compte le poids de l'animal, afin d'obtenir des valeurs comparables significatives d'un point de vue phylogénétique.
Le Dr Clark a montré que, contrairement à ce qui était couramment admis, la taille du cervelet n'évolue pas chez les mammifères, alors que le néocortex se développe considérablement aux dépens des structures télencéphaliques. La répétition de ces mesures chez de nombreux mammifères a permis aux chercheurs de construire une échelle d'évolution des cérébrotypes. Dans le cadre de l'évolution des primates (orang-outan, gorille, chimpanzés et homme), elle se révèle parfaitement comparable à l'échelle proposée par d'autres scientifiques qui, eux, se sont basés sur une étude de l'ADN. En revanche, cette échelle se révèle sensiblement différente de l'échelle morphologique longtemps admise (pour laquelle l'évolution de l'homme serait rapidement différenciée de celle des ancêtres communs des grands singes).
La sensibilité des tissus mous
Ce travail tend à prouver que les tissus mous - le cerveau, par exemple - sont beaucoup plus sensibles et spécifiques pour l'analyse phylogénétique que les tissus durs. A l'avenir, on conçoit que, pour la reconstruction de l'histoire des espèces, une approche pluridisciplinaire doit être mise en place, qui intègre des sciences telles que la neuro-anatomie et l'anatomie comparée, dont la complémentarité avec la biologie moléculaire vient une nouvelle fois d'être mise en lumière.
« Nature », vol. 411, 10 mai 2001, pp. 141-142 et 189-192.
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