LA SURVEILLANCE de la tuberculose repose depuis 1964 sur la déclaration obligatoire de la maladie tuberculeuse, quel que soit l'âge du patient. Les infections tuberculeuses de l'enfant de moins de 15 ans, caractérisées par une intradermoréaction positive en l'absence de signes cliniques ou paracliniques, sont à déclaration obligatoire depuis janvier 2003. Le signalement immédiat permet, en cas d'alerte ou d'urgence, de prévenir les services compétents et de mettre en place rapidement les mesures de prévention individuelle et collective autour des cas.
C'est dans ce cadre qu'est alerté, à la fin du mois de décembre 2004, le conseil général de Seine-Saint-Denis et les six centres départementaux de dépistage et prévention du département. « J'ai été prévenu directement au téléphone par le pneumologue référent de l'hôpital d'Avicenne », indique le Dr Dolorès Mijatovic, responsable des maladies infectieuses au conseil général. Une tuberculose-maladie venait d'être diagnostiquée chez un jeune adulte qui déclarait être intervenu en tant qu'animateur à la cantine et à la garderie dans deux maternelles du Pré-Saint-Gervais. Employé d'une société prestataire de services pour la mairie, il a travaillé dans chacune des écoles (Baudin et Anatole-France) pendant quinze jours. « Nous nous sommes mis immédiatement en contact avec le médecin du travail de la mairie afin de récupérer la fiche de poste de l'employé », explique le Dr Mijatovic. En effet, il a fallu très vite déterminer le nombre d'heures d'exposition, évaluer la contagiosité du patient adulte et les facteurs de risque des éventuels cas-contacts.
Cellule de crise
« Le patient adulte était peu contagieux, car aucun bacille n'avait été retrouvé à l'examen direct. Une culture positive au bout de quinze jours a permis de faire un typage de son bacille », note-t-elle. Mais l'âge des enfants, entre 1 et 6 ans, a été déterminant dans la mise en œuvre rapide des mesures : le risque de passage de la tuberculose-infection à la tuberculose-maladie est alors plus important. Il est estimé à 43 % avant l'âge de 1 an, à 24 % entre 1 et 5 ans, alors qu'il est de 15 % entre 11 et 15 ans et de 5 à 10 % chez l'adulte.
« Lorsqu'il a fallu déterminer le cercle des cas-contacts, nous nous sommes aperçus qu'il était très difficile de le circonscrire. Avec le Pr Joël Gaudelus, de l'hôpital Jean-Verdier (Bondy) , nous avons décidé de dépister l'ensemble des enfants des deux écoles », poursuit-elle.
Une cellule de crise a donc été mise en place pour prévenir les parents dès le 23 décembre. « Nous avons élaboré une fiche médicale et avons demandé aux parents d'aller voir leur généraliste, un médecin gratuit d'un centre médical ou d'un centre de PMI afin que chaque enfant ait un examen clinique, un test tuberculinique et une radiographie thoracique. Des accords ont été passés avec les deux cabinets de radiologie de proximité », explique-t-elle encore. Le protocole mis en place comporte deux batteries d'examens à trois mois d'intervalle, avec double lecture des radiographies. Les parents devaient rapporter à la mairie les résultats qui étaient ensuite interprétés et relus dans les services du Pr Gaudelus. « Près de 80 % des résultats sont aujourd'hui connus. D'autres résultats sont attendus, mais certains parents refusent le dépistage », regrette le Dr Mijatovic. Les autres parents s'en sont plaints et s'inquiètent. « Nous n'avons aucun moyen pour obliger un patient tuberculeux à se soigner et, encore moins, pour contraindre quelqu'un qui a été en contact avec un malade de faire une radiographie », déplore-t-elle. Reste la persuasion, l'information et la sensibilisation. Une liste a été remise au médecin scolaire, « afin qu'elle puisse rencontrer les parents qui n'ont pas rapporté les résultats ».
Un stade très précoce.
Pour l'heure, dix enfants ont été mis sous traitement antituberculeux, neuf pour une primo-infection, un seul pour une tuberculose-maladie. « Elle a été détectée à un stade très précoce : chancre d'inoculation, adénopathie et image au scanner. Aucun bacille n'a été retrouvé à l'examen direct. » L'enfant a été mis sous traitement pour six mois.
Les autres présentent un simple virage du test tuberculinique (soit à T1 avec une notion de test négatif sur le carnet de santé, soit à trois mois), ils ne présentent aucun symptôme, et ne sont pas non plus contagieux. Selon le protocole récemment mis en place (fin 2003) pour les primo-infections, ils vont bénéficier d'une bithérapie pendant trois mois. La mise en route des traitements a été réalisée en milieu hospitalier, dans la plupart des cas à l'hôpital Jean-Verdier ou à l'hôpital Robert-Debré (Paris).
Les investigations se poursuivent pour recueillir tous les résultats. La recherche de BK chez les enfants étant pour l'heure négative, la comparaison avec le bacille de l'animateur n'a pu être réalisé même s'il est probable qu'il soit à l'origine de ces cas secondaires. La question de la surveillance médicale des personnes susceptibles d'intervenir dans des collectivités comme des écoles est posée par certains parents qui regrettent que « tous les examens nécessaires ne soient pas réalisés pour ceux qui travaillent avec des enfants ».
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