L'AFFAIRE, localement, fait grand bruit : neuf médecins, dont certains sont toujours en poste au CH d'Ambert, et un ancien directeur d'hôpital mis en examen, cela fait mauvais genre.
Pour cette raison, le procureur de la République de Clermont-Ferrand ne souhaite pas s'étendre sur le fond de l'affaire. Il confirme tout de même avoir ordonné une enquête, puis ouvert une information judiciaire en janvier dernier, à la suite de laquelle dix personnes viennent d'être mises en examen. Pour faux et usage de faux, et recel de détournement de fonds publics.
Les neuf médecins poursuivis sont accusés d'avoir perçu abusivement un total de 92 000 euros. Le directeur, lui, aurait couvert l'affaire.
C'est un document de la chambre régionale des comptes d'Auvergne qui a alerté le procureur : un rapport d'observations publié le 25 février 2002 signale l'existence de plusieurs « anomalies » dans la gestion du centre hospitalier d'Ambert. Le paiement des gardes et des astreintes en 2000 aurait manqué de transparence, selon le rapport. Certains médecins ont perçu, « sans justificatifs », le « plafond du taux de gardes et d'astreintes, douze mois par an, y compris durant les congés ». Deux praticiens ont même touché une somme supérieure au plafond autorisé en avril et juillet 1999. Un psychiatre a reçu ce plafond « alors que l'établissement ne dispose d'aucun lit de psychiatrie, mais seulement de cinq places de jour », d'après le rapport.
La chambre régionale des comptes s'est étonnée que, en 1999, l'hôpital d'Ambert ait déboursé 457 347 euros pour les gardes et les astreintes médicales : en prenant en compte la fréquence des déplacements par astreinte observée dans une autre région (0,47), cette somme aurait été moitié moindre. Chaque paiement était-il justifié ? Impossible de le savoir, car aucun contrôle n'était effectué à l'époque : l'hôpital ne disposait ni de tableaux mensuels de service ni de carnets d'astreintes.
« Guerre » pour recruter des médecins.
Le maire d'Ambert (UDF), et président du conseil d'administration du centre hospitalier de la ville, ne nie pas les faits. « Dans les années 1990, en pleine période de crise démographique médicale, les hôpitaux se sont livrés une guerre permanente pour recruter des médecins, explique Jean Aulagnier . S'est alors développée une pratique illégale pour attirer les médecins dans nos hôpitaux ruraux, par le biais d'une rémunération supplémentaire. » Les médecins, en accord avec leur direction, ont pu tricher sur le nombre de déplacements par astreinte, ou en transformant certaines astreintes en gardes, poursuit le maire.
Selon Jean Aulagnier, cette pratique a eu cours jusqu'en 2001, date à laquelle le conseil d'administration du CH d'Ambert a décidé d'y mettre un terme. La consigne a été revue : ne plus verser de manière systématique le plafond des gardes, mais ne payer que celles réellement effectuées, sur la base des déclarations, comme l'impose le cadre légal. Le président du CA a trouvé d'autres arguments pour attirer de nouveaux praticiens et combler les postes vacants : « La région est calme, l'hôpital, sans stress », met-il en avant.
Mais la consigne du CA n'aurait pas été respectée. D'après l'enquête judiciaire, qui porte sur la période 2001-2004, neuf médecins hospitaliers d'Ambert (sur un total de vingt) auraient continué à frauder au-delà de 2001, et auraient abusivement empoché 92 000 euros. Jean Aulagnier, s'il refuse de couvrir une quelconque malversation, admet que la situation est délicate. « Le directeur est soumis aux pressions des élus et des habitants, il faut que l'hôpital tourne. » Certains services, explique-t-il, sont menacés en raison de la pénurie médicale : « Nous n'avons qu'un seul gynécologue. S'il s'en va, ma maternité ferme. »
« Le Quotidien » n'a réussi à joindre aucun des praticiens mis en examen. L'instruction se poursuit ; l'affaire ne passera pas en correctionnelle avant 2006, selon le procureur.
D'autres établissements publics de santé auvergnats ont été épinglés par la Chambre régionale des comptes, en 2002, pour un manque de transparence s'agissant du paiement des gardes et des astreintes médicales. « Mais ceux-là ont essayé de rentrer dans les clous depuis », explique un magistrat de la chambre. Pour l'heure, ils ne font l'objet d'aucune poursuite judiciaire.
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