La situation relève du paradoxe. Les demandes de certificats ne cessent d’augmenter alors que de nombreux certificats ne sont justifiés ni médicalement ni juridiquement. «Le certificat médical ne doit pas être un acte administratif mais bel et bien un acte médical, rappelle le Dr Patrick Bouet, en charge du dossier au conseil de l'Ordre, la réalisation d'un certificat doit être la conclusion d'un examen médical. Dès lors qu'il est effectivement question de l'état de santé du patient et que sa demande résulte d’une exigence réglementaire, c'est notre rôle ». De nombreux certificats médicaux sont en effet demandés alors qu'ils n'existent pas dans les textes législatifs ou réglementaires. « Il ne faut pas seulement simplifier certains domaines réglementaires, mais également faire appliquer la réglementation, et surtout l'absence de réglementation. Il faut rappeler et faire savoir que certains certificats n'existent pas dans les textes, indique Gérald Galliot, en charge du dossier pour la CSMF. La majorité des demandes des patients sont faites en toute bonne foi, du fait que l'organisme qui leur demande tel ou tel certificat superflu est lui-même mal informé de la réglementation »
Le Ministère de la Santé lui-même a pris conscience du problème. Dans le cadre du programme de simplification pour l’exercice libéral, lancé en 2007, une enquête (Eurostaff) sur le travail administratif des médecins généralistes a montré que l’exercice libéral des professions de santé est soumis à un nombre important de contraintes administratives qui réduisent le temps strictement médical des professionnels de santé. En septembre 2008, le Ministère de la santé et l’UNCAM ont ouvert une réflexion sur la rationalisation du recours aux certificats médicaux, qui a notamment abouti à la modification du certificat pour personnes handicapées (cf encadré). La direction de la sécurité sociale du ministère a également engagé, en partenariat avec l’ordre des médecins un important travail interministériel sur le sport, l'école, les collectivités locales, le travail... Où en est à l'heure actuelle l'avancée de ces travaux ?
1- Les activités sportives
Le constat
Dès lors qu'un médecin réalise un certificat de non contre-indication à un sport, il engage sa responsabilité civile et pénale pour ce qu'il constate et conseille. Le médecin doit être lui-même bien informé sur le sport en question pour informer son patient des risques particuliers liés à la pratique de tel sport ou encore liés à l'état de santé du patient. Mais, contrairement à une idée reçue fréquente chez les patients, les textes indiquent que le certificat atteste non pas l'aptitude mais l'absence de contre indication. La réalisation de certificats médicaux pour l'obtention d'une licence sportive n'est pas remboursée, or dans la pratique, les personnes se rendent rarement chez leur médecin pour demander ce certificat, mais le réclament à l'occasion d'une visite ayant un autre motif, voire pour un autre membre de la famille absent lors de la consultation.
A savoir :
Les fédérations de sport à risques (parachutisme, boxe...) communiquent une liste de médecins habilités à leurs adhérents pour la réalisation de ce certificat.
Ce qui est acté
Un certificat médical attestant l'absence de contre-indication à la pratique de l'activité physique ou sportive doit être fourni pour la première délivrance d'une licence sportive. Le renouvellement régulier du certificat n'est pas automatique, mais peut être exigé par la fédération en fonction de l'âge du sportif et de la discipline (Article L. 231-2 du Code du sport).
Ce qui est en cours
La direction des sports a inscrit la problématique des certificats pour le sport à la commission « sport et santé ». Saisi de ce sujet, la Haute autorité de santé a engagé début 2009 un travail destiné à apprécier la nécessité et les modalités pratiques de réalisation de ces certificats.
Réaction et propositions des professionnels
« Nous n'avons pas besoin de modèle de certificat, indique le Dr. Patrick Bouet, mais bien de référentiels communs facilement accessibles par tous les médecins sur les indications et les contre-indications propres à chaque sport. Les recommandations réalisées actuellement par les sociétés savantes ne sont pas facilement accessibles via un thésaurus. Ces référentiels devront être connus des professionnels et du public, pour qu'il n'y ait pas d'incompréhension au moment de la réalisation de l'examen médical ». Sur l'habilitation actuel des médecins pour les sports à risque, il ajoute qu'« il est préférable de rendre accessible les informations nécessaires à tous les médecins plutôt que de sélectionner des médecins hyperspécialisés ». L'Ordre des médecins recommande dès lors qu'il y a une demande de certificat, de réaliser l'examen médical adapté sur le champ ou dans le cadre d'une nouvelle consultation.
2- Inscription à l'école
Le constat
De nombreux certificats sont demandés par les établissements scolaires et les collectivités locales lors des démarches d'inscription. Or la justification juridique de ces certificats n'est pas établie.
Ce qui est acté
Ecole élémentaire
Le certificat d'aptitude pour l'entrée à l'école élémentaire, cité par la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991 était prévu à l'article 1 du décret n° 46-2698 du 26 novembre 1946; lequel a été abrogé par le décret n° 2009-553 du 15 mai 2009.
Ecole maternelle
La circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991 évoque un certificat du médecin de famille pour l'inscription à l'école maternelle. Interrogé par le député Jean-Claude Leteurtre, le Ministère de l'Education Nationale ( JO du 20 juin 2006) a répondu que cette demande n'est justifiée par aucun texte réglementaire ou législatif.
Ce qui est en cours
Le Bulletin officiel du Ministère de l'Education Nationale devrait publier prochainement une circulaire rappelant ces évolutions juridiques et modifiant la circulaire de 1991. Mais, pour l’heure, le site du Ministère de l'Education indique toujours qu'il faut produire pour l'inscription en maternelle "un certificat délivré par le médecin de famille attestant que l'état de santé de l'enfant est compatible avec la vie en milieu scolaire". Parallèlement, l’Ordre des médecins, l’Education nationale et la direction de la sécurité sociale travaillent à un rappel des règles d’établissement des certificats d’absence, pour le sport et la classe transplantée.
3- Justification de l'absence des élèves
Le constat
Les demandes de certificat pour justifier l'absence d'un élève sont fréquentes, alors même que ce certificat est dans la très grande majorité des cas non exigé par les textes.
Ce qui est acté
Un certificat médical n’est exigible lors du retour en classe de l’élève que lorsque l’absence est due à une maladie contagieuse dont la liste est établie par l'arrêté interministériel du 3 mai 1989.
A savoir :
la grippe qu'elle soit saisonnière ou de type AH1N1 ne figure pas dans cette liste.
Réaction et propositions des professionnels
Pour le Dr Patrick Bouet, « il faut rappeler, notamment dans le règlement intérieur des établissements scolaires qu'une absence n'a pas à être justifiée par un certificat médical, en dehors des maladies contagieuses. C'est typiquement un certificat administratif qui n'a pas de plus-value médicale».
4- Les collectivités locales
Le constat
Un grand nombre de certificats sont demandés pour les inscriptions en centre aéré, en crèche ou dans d'autres établissements gérés par les collectivités locales, sans qu'il y ait de fondement juridique.
Ce qui est en cours
La direction de la sécurité sociale, l’Ordre des médecins et le ministère de l’intérieur ont engagé une réflexion commune sur la problématique des certificats réclamés par les collectivités, « parfois sans fondement juridique et parfois sans nécessité » indique le Ministère de la Santé.
Réaction et propositions des professionnels
« Les certificats d'aptitude à la vie en collectivité parfois demandés pour les inscriptions en crèche n'ont pas de plus-value médicale explique le Dr Patrick Bouet. Ils sont demandés au nom du principe de précaution, c'est à nous de rappeler qu'un tel certificat n'a pas de fondement »
5- Le monde du travail
Le constat
Les médecins se voient demander des certificats de bonne santé notamment pour des travailleurs saisonniers alors que toute embauche doit faire l'objet d'une visite médicale réalisée dans le cadre de la médecine du travail. Un certificat de reprise du travail signifie que l'épisode pathologique est terminé et qu'il n'y a plus de raisons médicales de l'arrêter. L'aptitude au travail par contre est de la responsabilité de la médecine du travail.
Ce qui est en cours
La direction générale du travail a engagé une réflexion sur le problème des certificats demandés à tort à la médecine de ville en lieu et place du médecin du travail.
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