LA CHRONIQUE conventionnelle retiendra que c'est à la mi-juin seulement, après six mois d'immobilisme, que les partenaires sociaux auront pris position sur les axes de négociation avec les médecins pour l'exercice en cours (2008). Ce retard considérable s'explique d'abord par la convocation des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS), parenthèse que certains représentants de la profession ont jugée interminable, ensuite par des querelles syndicales, enfin par la volonté du directeur de l'assurance-maladie de gagner un maximum de temps dans un contexte financier qu'il juge toujours «très contraint». À cet égard, la menace d'un prochain plan gouvernemental d'économies de 500 millions d'euros pour l'assurance-maladie, qui n'épargnerait pas la médecine de ville, assombrit encore l'horizon. «Difficile d'entrer en négociation avec un fusil sur la tempe», résume un leader syndical.
Reste que la patience des syndicats médicaux a des limites. Ceux qui s'étaient impliqués jusque-là sont passés de l'agacement à l'exaspération. Le SML s'est déjà mis en congé de la vie conventionnelle et la CSMF accuse l'UNCAM, par ses atermoiements,de «se rendre complice du broyage de la convention».
La CFDT et le Medef fermes sur la démographie.
Dans un document préparatoire remis aux partenaires sociaux (« le Quotidien » du 22 mai), le directeur de l'UNCAM Frédéric Van Roekeghem avait fixé une feuille de négociation assez complète, toujours valable : renforcement de la maîtrise médicalisée avec un effort en 2008 sur les arrêts de travail, antibiotiques, génériques et statines et nouvelles actions sur les IPP, transports sanitaires et antihypertenseurs ; priorité à la prévention et aux patients chroniques ; contrats individuels rémunérés à la performance ; mise en place du secteur optionnel pour les spécialités de plateaux techniques lourds ; effort en faveur des spécialités cliniques (dont la médecine générale) ; réforme du régime ASV. La dernière mouture de ce document, que « le Quotidien » s'est procuré, ne risque pas de rassurer les médecins.
Tous les sujets qui fâchent sont consignés noir sur blanc. S'agissant de la démographie, la CFDT et le Medef ont réclamé davantage de fermeté au directeur. Du coup, les orientations de négociations retiennent explicitement la création d'un nouveau «contrat santé solidarité» dans les zones dites surdotées pour chaque médecin généraliste de premier recours. Le contenu de ce contrat est précisé. Il «aura pour objectif de renforcer la participation des médecins au service public. Il prévoira notamment la participation du professionnel à la PDS, un engagement en termes de prévention et de qualité de la pratique». Ce n'est pas tout. En fonction des besoins locaux, ce contrat santé solidarité pourra prévoir «la mise en place de cabinet secondaire en zone sous-dotée, l'accueil de médecin généraliste en stage…». Si le généraliste qui exerce dans une zone surdotée ne répond pas aux besoins de santé non couverts à proximité, il s'exposera à des mesures de régulation conventionnelle comme la baisse de la prise en charge des cotisations. Ce qui signifierait des contraintes pour des médecins déjà installés dans un secteur, parfois depuis des lustres. Inacceptable pour la profession.
Autre pomme de discorde : les contrats individuels caisses- médecins avec intéressement aux résultats (prévention, suivi des pathologies chroniques, efficience des prescriptions, respect des objectifs de santé publique). Non seulement l'UNCAM n'y renonce pas, mais elle veut les proposer aux médecins traitants volontaires dès cette année. La plupart des syndicats ont déjà affiché leur hostilité à ces contrats individuels ; mais selon un sondage de notre confrère « le Généraliste », 18 % des MG seraient prêts à adhérer tout de suite à une telle option. Les discussions s'annoncent toniques.
Enfin, la note sur les négociations transmise aux partenaires sociaux s'est enrichie de paragraphes portant sur «des expérimentations de rémunération» dans le cadre d'un exercice dans des maisons médicales ou des centres de santé. L'idée serait de combiner «plusieurs logiques de rémunération en fonction des types d'activité».
Comme le demande Roselyne Bachelot,la réflexion va s'engager sur la diversification de la rémunération en médecine de ville et notamment sur la pertinence du paiement forfaitaire (pour la prise en charge pluridisciplinaire d'un patient chronique, pour inciter à la coopération entre professionnels…).
Un contrat sur deux ans ?
Quoi qu'il en soit, le programme de négociation paraît considérable et on voit mal comment un accord global sera possible avant la trêve estivale. Sans doute faudra-t-il procéder par étapes. Le directeur a les cartes en main.
La CSMF réclame un contrat «sur deux ans», jusqu'en 2010, date de l'échéance de la convention et de la mise en oeuvre de la réforme « santé » de Roselyne Bachelot.
Que pensent les partenaires sociaux de cette situation complexe ? La grande majorité estiment que, cette fois, le directeur disposera d'un mandat de négociation en bonne et due forme. Mais la plupart soulignent l'étroitesse des marges de manoeuvres financières. «Les marges sont en réalité entre les mains des professions de santé et dans les résultats de la maîtrise, le temps n'est pas aux largesses», explique au « Quotidien » Michel Régereau, président CFDT de l'UNCAM.
Certains jugent néanmoins que la revalorisation régulière des honoraires fait partie d'une bonne gestion. Pour Jean-Marc Bilquez (FO), «l'absence de revalorisations incite les médecins libéraux à faire des dépassements, à multiplier les actes et même à rédiger des ordonnances plus longues». Mais, ajoute-t-il, «il faut aussi que les médecins restent raisonnables et se rendent compte que, dans cette période où le pouvoir d'achat est la préoccupation majeure des Français, ils doivent modérer leurs revendications».
André Hoguet (CFTC) constate pour sa part que s'agissant de postes de dépenses importants, comme les indemnités journalières, les résultats sont en ligne avec les objectifs. Il estime que la revalorisation du C à 23 euros pourrait intervenir… «en fin d'année» et figurer sur les comptes des dépenses de 2009. À condition de trouver une solution pour garantir l'accès aux tarifs opposables partout sur le territoire. Dans la même veine, le Dr Bernard Salengro (CFE-CGC) veut croire à une nouvelle démarche «gagnant-gagnant».
Au-delà des péripéties de l'année 2008, les partenaires sociaux s'interrogent ouvertement sur l'avenir de ces négociations nationales à court terme. Beaucoup craignent que la mise en place des ARS change totalement les règles du jeu et prive l'assurance-maladie de sa capacité de négociation.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature