Négociations sur la convention : ce que veulent les syndicats

Publié le 03/07/2002
Article réservé aux abonnés
1276507192F_Img95339.jpg

1276507192F_Img95339.jpg

Malgré les accords tarifaires récemment conclus avec les médecins généralistes et les pédiatres, la question globale des honoraires des médecins et notamment des spécialistes dont les tarifs n'ont pas été revalorisés depuis sept ans sera au cœur des négociations qui s'ouvrent la semaine prochaine entre les caisses d'assurance-maladie et les syndicats médicaux en vue d'élaborer une nouvelle convention. Plusieurs propositions sont déjà avancées par les négociateurs qui restent divisés sur cette question.

• La réouverture du secteur II
Créé en 1981, le secteur à honoraires libres, dit secteur II, permet aux médecins de dépasser les tarifs opposables, les patients n'étant remboursés que sur la base du tarif de la Sécurité sociale. Ses conditions d'accès ont toutefois été restreintes en 1991. Seuls les anciens chefs de cliniques et assistants des hôpitaux peuvent y entrer.
Au cours du récent conflit, de nombreuses voix se sont élevées, notamment au sein des coordinations, pour une réouverture de ce secteur d'exercice, seule façon, selon ces organisations, d'obtenir des honoraires décents que l'assurance-maladie n'a pas la capacité de financer.
Cette revendication est à ce jour relayée par deux syndicats minoritaires, la Fédération des médecins de France (FMF) et l'Union collégiales des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF). Leur argument pour défendre cette position est que les dépenses de santé engendrées par les médecins du secteur II sont moins élevées que celles des praticiens du secteur I et la réouverture du secteur II permettrait de procurer des économies à l'assurance-maladie. La différence de tarif reste cependant à la charge de l'assuré, ce qui est inacceptable pour les syndicats de salariés qui siègent dans les caisses d'assurance-maladie et qui sont tous farouchement opposés à une telle option.
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) n'est pas non plus favorable à cette revendication ; elle lui préfère une vraie revalorisation des tarifs conventionnels. « Les spécialistes doivent prendre garde de ne pas céder à la démagogie », souligne son président, le Dr Michel Chassang. « L'ouverture du secteur II n'est pas la solution à tous les problèmes. D'abord parce que la solvabilité des patients n'est pas élastique ; ensuite parce que les charges supplémentaires supportées par les médecins du secteur II ne seront pas favorables à certaines disciplines et, enfin, parce qu'il est prouvé que l'exercice en secteur II ne procure pas forcément les revenus les plus importants. Certaines disciplines comme l'endocrinologie, où une majorité de médecins sont en secteur II, sont parmi les disciplines qui ont les plus bas revenus. »
MG-France défend une position similaire. Pour son président, le Dr Pierre Costes, ce sont les difficultés d'accès aux soins qui ont conduit à la création de la CMU. « La réouverture du secteur II, c'est le risque d'une CMU généralisée », explique-t-il.
Quant au SML, il adopte une position mi-chèvre, mi-chou puisqu'il compte proposer que les consultations de premier recours effectués par un généraliste ou un spécialiste soient remboursées sur la base d'un tarif unique et que, dans ce cas-là, les spécialistes disposent d'un droit à dépassement. En revanche, les consultations faites en tant que consultants seraient, elles, rémunérées sur la base d'un tarif de 2,5 C. MG-France n'est pas hostile non plus à une redéfinition de l'acte de consultant qui serait alors facturé 2 C, soit 40 euros, et qui ne pourrait être remboursé que lorsqu'il est médicalement justifié (comme cela va être le cas pour la visite). « On ferait d'une pierre deux coups en revalorisant l'acte du spécialiste et en améliorant ainsi la coordination des soins », affirme le président de MG-France.
• La revalorisation des tarifs opposables
C'est l'option qui sera défendue par la CSMF et MG-France sous des formes cependant très différentes. Pour la CSMF, il faut parvenir à rémunérer les actes médicaux selon leur vraie valeur. Pour cela, elle demande, d'une part, que les honoraires différés que constitue la prise en charge par les caisses d'une partie des cotisations sociales des médecins soient réintégrés dans les tarifs et indexés ; d'autre part, que la valeur de l'acte soit décomposé en trois parties : la valeur de l'acte lui-même, la rémunération des tâches administratives, comme la télétransmission, et le financement de la formation continue. Le montant total de la subvention affectée par les caisses à la FMC qui représentait 24,4 millions d'euros en 2002 serait ainsi réaffecté aux honoraires. « Si l'on applique ce raisonnement, la vraie valeur de l'acte d'un généraliste devrait être de 30 euros. On est encore loin du compte », estime le Dr Chassang.
Quant aux actes des médecins spécialistes, la CSMF demande un investissement financier important pour revaloriser les disciplines cliniques. « Ou l'on considère qu'il faut maintenir le plus de spécialistes possible en secteur I et il faut accepter d'investir ; ou bien ces spécialistes seront fondés à demander la réouverture du secteur II », estime le Dr Chassang.
De son côté, MG-France estime qu'après la phase de remise à niveau des honoraires qui vient d'intervenir pour les médecins généralistes il faut aller désormais dans deux directions.
La première consiste à créer des compléments de rémunération correspondant à un service médical rendu dont le contenu serait clairement défini, par exemple, un acte de prévention fait à l'occasion d'une consultation de routine. La seconde est d'imaginer des rémunérations forfaitaires ne relevant pas de l'acte lui-même mais de la fonction, par exemple l'astreinte. « Il faut être inventif. L'exercice en banlieue, dans des zones isolées ou dans des cabinets multiprofessionnels peut justifier de telles rémunérations forfaitaires », affirme le Dr Costes. De même, il plaide pour que l'on trouve rapidement des solutions, dans le cadre d'accords de bonnes pratiques, pour les spécialistes connaissant des problèmes aigus comme les chirurgiens, les anesthésistes ou les psychiatres en attendant la refonte plus globale de la nomenclature. « Les spécialistes n'ont pas été servis. Ils ne vont pas attendre la fin de l'année. La réflexion sur le fond ne doit pas empêcher d'agir rapidement pour certaines disciplines », poursuit-il.
• La révision de la nomenclature
Il s'agit de revoir entièrement la définition des actes médicaux et leur valeur. Travail de titan, la révision de la nomenclature des actes techniques a déjà donné lieu, en concertation avec les sociétés savantes, à une nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM) qui hiérarchise les actes entre eux en fonction de leur complexité. Il reste désormais à renégocier la valeur de ces actes.
La discussion s'annonce ardue. Les caisses d'assurance-maladie souhaitent que cela se fasse à coût constant : certains actes de spécialistes seraient revalorisés au détriment d'autres. La CSMF et le SML ne sont pas d'accord et réclament une enveloppe supplémentaire de 250 millions d'euros.
Enfin, la CSMF et le SML ont proposé de créer une nouvelle nomenclature pour les actes cliniques en définissant trois niveaux de consultation (simple, normale et particulièrement complexe). Le premier niveau serait rémunéré au minimum 23 euros, que l'acte soit effectué par un généraliste ou par un spécialiste. « Il s'agit d'anticiper la réforme de l'internat qui fera de la médecine générale une spécialité à part entière », argumente le Dr Chassang, en précisant que les spécialistes factureront davantage de consultations de niveau 2 et 3. Le coût de cette nouvelle nomenclature a été estimé par les syndicats à 750 millions d'euros.

Céline ROUDEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7160