Au regard de l’ambition initiale, de l’énergie déployée et de l’issue finale (impasse), les négociations sur les nouvelles rémunérations des équipes de soins sont sans doute le plus grand échec de l’année 2014.
Sur le papier, 48 syndicats et l’assurance-maladie (CNAM) devaient trouver un compromis visant à rémunérer le travail en équipe de 17 professions libérales (médecin, auxiliaire médical, pharmacien, biologiste, sage-femme, chirurgien-dentiste, transporteur...), mais aussi valoriser la coordination dans quelque 500 maisons de santé pluridisciplinaires et 400 centres de santé médicaux et polyvalents existants. Un sacré défi.
L’enjeu était double : formaliser cette coordination libérale (visant à améliorer la continuité des soins autour des patients chroniques, à éviter les hospitalisations inutiles...) et fixer noir sur blanc le montant des nouvelles rémunérations forfaitaires.
Ces « négos interpro » devaient parallèlement généraliser et pérenniser les expérimentations des nouveaux modes de rémunération (ENMR), finançant la coordination au sein des structures de santé avec trois critères : le travail en équipe (concertation, protocoles, formation), l’accès aux soins (horaires élargis par exemple) et le partage du système d’information.
Deux contrats différents devaient sécuriser cette négociation : un accord-cadre interprofessionnel (ACIP) pour les libéraux et un accord conventionnel interpro (ACI) pour les structures de santé pluridisciplinaires.
Budgets modestes
Révélée dès avril lors des premières réunions préparatoires, cette feuille de route ambitieuse représentait aussi le dernier défi de Frédéric van Roekeghem, directeur général de l’assurance-maladie sur le départ, après une décennie à la tête de la CNAM. Six mois plus tard, au terme de longues réunions où les querelles juridiques kafkaïennes l’ont souvent emporté sur le contenu des accords, les partenaires ont abouti à un constat d’impasse.
Incontournable sur ce dossier, l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) a massivement rejeté le 6 novembre les nouveaux forfaits par patient négociés dans le préaccord ACIP. En cause principalement : le niveau des montants de 40 à 150 euros par patient et par équipe (à partager entre professionnels), variables selon la pathologie et la difficulté de la prise en charge. Des budgets jugés « indigents » et « vexatoires » par les syndicats de médecins libéraux.
Si le manque de moyens reste la raison principale de l’échec, le ver était dans le fruit depuis longtemps.
Nombre de syndicats ont dénoncé très tôt un dispositif technocratique et compliqué à mettre en œuvre.
Sur le fond, MG France a fustigé un accord « hospitalocentré », se résumant à gérer les sorties d’hospitalisation ou recyclant les programmes (PRADO) de retour à domicile de la CNAM. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a déploré une « usine à gaz » faute d’investissement sur les outils de coordination et les systèmes d’information. Et la CSMF a déploré l’absence de valorisation de la coordination avec les spécialistes.
Contexte
Le climat politique a également pesé lourd. Exaspérés par le projet de loi de santé de Marisol Touraine, les syndicats ont refusé d’entériner un virage ambulatoire « low cost » dicté par la CNAM et le ministère de la Santé. Enfin, les élections professionnelles qui se profilent déjà en médecine libérale ont sans doute encouragé certaines postures radicales.
Dommage collatéral, l’accord ACI pour les seules structures de santé (MSP et centres) a été renvoyé à un règlement arbitral. D’ores et déjà, les centres de santé crient à la « prise d’otage ». Et les maisons de santé s’inquiètent de ne pas retrouver le même niveau de financement.
À ce jour, la CNAM n’a annoncé aucune reprise officielle des négociations interprofessionnelles. Son nouveau directeur général, Nicolas Revel, se laisse un peu de temps avant de relancer, ou pas, ce chantier compliqué.
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