Après la pacification, le temps de la reconstruction.
Les Caisses nationales d'assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux représentatifs des généralistes ou/et des spécialistes ont entamé cette semaine une longue et délicate phase de négociation afin d'élaborer, avant le 31 décembre 2002, et pour cinq ans, un nouveau cadre conventionnel régissant leurs rapports mutuels avec un objectif de taille : tourner la douloureuse page de la maîtrise comptable des dépenses de santé.
Dans sa déclaration liminaire, Jean-Marie Spaeth, président (CFDT) de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a donné le ton des futurs débats. « J'exprime simplement une volonté d'être efficace et opérationnel », a-t-il déclaré, situant l'enjeu en ces termes : la « rénovation complète de l'architecture conventionnelle des professions médicales ».
Si le climat est, de l'avis général, partiellement apaisé grâce aux récents accords de revalorisation des généralistes (et dans une moindre mesure des pédiatres), la refondation conventionnelle reste un chantier immense et recèle d'innombrables chausse-trapes. Tarifs, nomenclature des actes médicaux, nouveau système de régulation sur la base d'engagements de bonnes pratiques, prescriptions, diversification des modes de paiement, statut du médecin, options d'exercice, coordination des soins, télétransmission, responsabilités des assurés, alimenteront, entre autres sujets, les discussions avec les caisses dans un contexte financier tendu, marqué par la dérive toujours incontrôlée des dépenses d'assurance-maladie.
Hasard du calendrier, la commission des comptes de la Sécurité sociale devrait en effet confirmer aujourd'hui un déficit supérieur à 5 milliards d'euros pour la branche maladie en 2002.
L'optimisme « raisonnable » de la CSMF
Lors de cette première séance plénière, l'assurance-maladie et les syndicats médicaux ont décidé d'organiser, courant septembre, deux jours de séminaires sur des grands thèmes un peu fourre-tout : « La rémunération de la pratique médicale », d'une part, et l' « optimisation médicalisée des dépenses », d'autre part. Ces têtes de chapitre conviennent assez bien au Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). « Ce qu'on ne veut pas voir dans la convention, c'est la démographie, la FMC, et la permanence des soins qui sont du ressort de l'Etat », souligne-t-il, faisant état de son « optimisme raisonnable ». Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), a noté pour sa part « un changement de climat incontestable ».
Dans l'immédiat, des groupes techniques paritaires sont chargés de « débroussailler » le terrain pour préparer les séminaires thématiques de septembre. Une nouvelle séance de négociations plénière est prévue « courant octobre ».
Le dossier le plus explosif est sans doute celui des spécialistes, privés de convention depuis 1998. La CSMF, qui a déjà promis une rentrée « chaude », ne réclame pas moins d'un million d'euros de rattrapage sur les honoraires des spécialistes (250 millions pour les actes techniques et 750 millions d'euros pour une réévaluation des consultations). Le SML revendique aussi des « espaces de liberté tarifaire » correspondant aux demandes particulières des patients ou à l'activité en dehors des heures ouvrables. D'autres syndicats, comme la FMF, plaident explicitement pour la réouverture du secteur II (honoraires libres), réservé depuis 1991 aux anciens chefs de clinique et assistants des hôpitaux. L'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) compte pour sa part obtenir un « volet spécifique » pour les spécialités à plateaux techniques lourds.
Le cahier de doléances est déjà bien rempli, ce qui n'a pas empêché la CNAM de souligner le « bon climat » de cette première réunion et l' « esprit d'ouverture » des participants. Il en faudra.
Les généralistes des coordinations rejoignent la FMF
Quelques centaines de médecins issus des coordinations départementales de médecins généralistes ont rejoint la Fédération des médecins de France (FMF, non signataire de l'accord de revalorisation de la consultation à 20 euros), afin de pouvoir faire entendre leur voix dans les négociations conventionnelles qui viennent de débuter.
« La FMF [quatrième syndicat de médecins libéraux avec moins de 6 % des voix aux dernières élections professionnelles, NDLR] a eu longtemps l'impression de prêcher dans le désert, mais aujourd'hui, on rejoint nos idées », se félicite son président, le Dr Jean-Claude Régi. Selon lui, la FMF et la coordination nationale des médecins généralistes ont rapproché leurs plates-formes respectives pour revendiquer ensemble « une convention librement négociée et équilibrée par la recherche d'un espace de liberté tarifaire », notamment grâce à la réouverture du secteur II. « La FMF nous a ouvert les bras », confirme le Dr Jean-Marc Rehby, porte-parole de la coordination nationale des généralistes. Le Dr Rehby, ainsi que deux autres responsables de la coordination, les Drs Jean-Paul Hamon et Antoine Leveneur, viennent d'ailleurs d'intégrer le bureau de la FMF, lors de son dernier conseil d'administration. En outre, quatre autres membres de la coordination rentrent dans le bureau de la FMF-G, la branche généraliste de la FMF.
En ralliant la FMF, les médecins généralistes des coordinations créent de nouveaux syndicats départementaux ou raniment des structures syndicales en sommeil dans une quinzaine de départements (en particulier dans les régions Basse- et Haute-Normandie, Nord - Pas-de-Calais et PACA). Il reste à savoir si ces adhésions massives suffiront à faire reconnaître la représentativité de la FMF chez les omnipraticiens. En effet, au grand dam de la FMF et de la coordination nationale, l'enquête de représentativité, initialement prévue en septembre, a déjà commencé et se terminera le 15 août. Le Dr Rehby reconnaît qu'une course contre la montre a débuté pour « trouver des adhérents et des leaders » pendant les vacances dans un maximum de départements.
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