Rebelote. Six semaines après l'accord stratégique du 10 janvier, qui a jeté un trouble certain dans le corps médical, et qui est rejeté par un spécialiste sur deux (notre sondage d'hier), les cinq syndicats médicaux représentatifs (CSMF, SML, FMF, MG-France, Alliance) et les trois caisses nationales d'assurance-maladie se retrouvent, vers 10 heures, en séance plénière.
Non pas pour un nouveau marathon appelé à durer jusqu'au bout de la nuit, mais pour une réunion courte, et bien balisée.
Il s'agit d'abord d'officialiser « noir sur blanc » ce qui fait l'objet d'un consensus entre les partenaires mais aussi de fixer le calendrier « terminal » des négociations conventionnelles, censées aboutir avant le 31 mars. « On ne s'attend pas à un accord majeur aujourd'hui, on va faire l'état des lieux », précise-t-on à la direction de la CNAM. Cette première synthèse s'inspirera directement des conclusions des ateliers thématiques qui se sont réunis, presque quotidiennement, en présence de représentants des caisses et des quatre syndicats signataires de l'accord du 10 janvier, la FMF ayant été exclue sans ménagement de ces réunions. « Je serai en quête d'information », ironise à ce sujet le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF.
Les sujets d'entente ne manquent pas. Des mesures accordées aux chirurgiens aux dispositions prévues pour les médecins de montagne ou pour les thermalistes, en passant par la prise en charge de la responsabilité civile professionnelle, les partenaires ont avancé sur plusieurs dossiers, qui seront sans doute quasiment « bouclés » dès aujourd'hui.
Le « fait accompli » des dépassements
Mais d'autres chapitres de l'accord, techniquement plus complexes et surtout plus sensibles politiquement, restent à négocier sur le fond et ne feront pas l'objet d'un libellé précis aujourd'hui. Pour les spécialistes, les futures consultations majorées (dites « approfondies »), rémunérées 26 euros au 31 mars, puis 28 euros au 1er octobre, sous réserve d'une certaine modération de l'évolution du volume des actes, restent à définir. Plusieurs critères sont étudiés : le contenu même des actes, les motifs de recours mais surtout la « coordination des soins », l'idée étant de valoriser l'acte de « consultant » du spécialiste libéral intervenant en deuxième intention. L'enveloppe réservée à la majoration de ces consultations (110 millions d'euros en 2003) permet en tout cas de revaloriser la moitié des CS actuels, ce qui laisse une certaine marge de manuvre.
Mais surtout, à l'heure où les dépassements d'honoraires des spécialistes se banalisent sur le territoire, les partenaires conventionnels ne pourront éviter de se prononcer un peu plus clairement sur la question des « nouveaux espaces de liberté tarifaires ». La pression est montée d'un cran avec les rappels à l'ordre des caisses primaires, notamment dans les Deux-Sèvres (voir encadré), de la Mutualité française et, en début de semaine, de Jean-François Mattei, même si son message reste feutré. Le ministre de la Santé a affirmé à Lyon qu'il n'était « pas favorable à l'utilisation excessive du dépassement d'honoraires ». « Je considère, a-t-il ajouté, qu'il est aujourd'hui la marque d'un désarroi qui conduit quelquefois à sortir des lignes tracées. » L'enjeu est précisément de tracer de nouvelles lignes, autrement dit de fixer les règles de la liberté tarifaire.
Pour la CSMF, comme pour le SML, la possibilité donnée aux médecins libéraux d'exercer en dehors des tarifs opposables est même devenue la « clé » de la convention médicale. « Il faudra aborder les espaces de liberté tarifaire », martèle le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, qui y voit la condition sine qua non de sa signature. Les espaces de liberté pourraient s'appliquer, selon lui, aux actes n'entrant pas dans le champ des consultations de deuxième niveau, en fonction de critères de comportement du patient ou de contenu médical plutôt que « sur une fraction bête et méchante de l'activité ».
Le SML a proposé notamment un DE « transparent » correspondant à 30 % de l'activité médicale. « Les autres syndicats courent derrière nous en matière de liberté tarifaire », constate le Dr Régi (FMF), partisan de la réouverture du secteur II . Même le Dr Pierre Costes, président de MG-France, reconnaît le caractère prioritaire de ce dossier. « La réalité aujourd'hui, explique-t-il, c'est que les tarifs pratiqués ne sont plus les tarifs conventionnels. Le risque, c'est donc l'éclatement du contrat conventionnel. »
La négociation pourrait enfin aborder la situation des spécialités « oubliées » ou presque, comme les anatomo-cyto-pathologistes et les psychiatres, pas du tout satisfaits de l'enveloppe qui leur est réservée.
Du coup, certaines questions qui étaient jugées hier prioritaires ont été reléguées au second plan des discussions. « Pour les AcBUS (accords de bon usage des soins) , on a le temps », affirme par exemple un responsable syndical. Il y a quelques semaines, les AcBUS étaient pourtant cités comme les outils permettant de dégager des marges de manuvre supplémentaires. Mais chaque séance de négociations apporte son lot de surprises et celle-ci ne devrait pas déroger à la règle.
DE : la CPAM des Deux-Sèvres accentue ses menaces
La caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) des Deux-Sèvres a franchi une nouvelle étape dans le conflit qui l'oppose aux médecins spécialistes appliquant souvent des dépassements d'honoraires. Dans une lettre envoyée aux médecins en début de semaine, la CPAM menace de ne plus prendre en charge le paiement des cotisations sociales des spécialistes de secteur I en dépassement d'honoraires « abusif ». La caisse avait déjà menacé verbalement les spécialistes (ophtalmologistes, pédiatres, gynécologues...) qui utilisent le DE, ou dépassement pour exigence particulière, quand ils accordent un rendez-vous rapproché aux patients, alors que le délai d'attente est de plusieurs mois dans leur cabinet (« le Quotidien » du 27 janvier).
« Lors d'une première réunion avec la CSMF, Yves Lucas [directeur de la CPAM des Deux-Sèvres, NDLR] nous avait annoncé qu'il y aurait un statu quo jusqu'à la signature de la convention, mais cela n'a plus l'air d'être le cas », commente le Dr Eric Braud, gynécologue à Thouars et vice-président du syndicat départemental CSMF. « Il y a peut-être eu des pressions sur la caisse au niveau national », avance le Dr Braud. Le Dr Patrice Commarmond, généraliste à Niort et président de la CSMF 79, considère les médecins des Deux-Sèvres comme des « victimes », d'autant que leurs dépassements représentent, selon lui, « moins de 1 % du montant total des honoraires des spécialistes ». « Nous, nous ne voulons pas mettre de l'huile sur le feu : nous attendons la convention », précise néanmoins le Dr Commarmond.
En attendant, les trois conseils d'administration des caisses d'assurance-maladie du département (CPAM, Mutualité sociale agricole et caisse maladie régionale), ont saisi la direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DDCCRF) pour « entente illicite », ainsi que le conseil départemental de l'Ordre des médecins afin qu'il donne son avis.
A. B.
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