Mercredi, on assistera à un nouvel épisode du long feuilleton des négociations conventionnelles entre l'assurance-maladie et les médecins libéraux.
Cette nouvelle séance a été réclamée à brève échéance et sous conditions par les syndicats CSMF et SML, à la suite de leurs assemblées générales (« le Quotidien » du 2 avril). Cette réunion vise à trouver un « accord ou contrat minimal » pour neuf mois seulement après l'échec des précédents rounds de négociation à la fin de mars. Elle se déroulera dans un contexte houleux, marqué par plusieurs manifestations de soutien aux médecins menacés de sanctions pour cause de dépassements d'honoraires, à Pau, la semaine dernière, puis à Nantes et Valence, jeudi prochain.
A l'instar du président de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), Jean-Marie Spaeth, les administrateurs de la caisse se sont toujours opposés à l'utilisation extensive des dépassements tarifaires (DE) par les médecins spécialistes du secteur I.
En revanche, ils ont des avis mitigés sur les contre-propositions formulées à la fin de mars par les syndicats CSMF et SML, en particulier sur leur demande de revalorisation tarifaire de 23 à 26 euros pour 90 % des consultations spécialisées.
Avis mitigés
Pour Michel Regereau, administrateur CFDT, comme Jean-Marie Spaeth, « ces contre-propositions sortent complètement de l'ONDAM [Objectif national de dépenses d'assurance-maladie, fixé à 5,6 % en 2003 pour les soins de ville] et de l'accord-cadre du 10 janvier, mais elles ont au moins le mérite de ne plus braquer le phare sur la liberté tarifaire ». Michel Regereau se demande toutefois si les contre-propositions des syndicats médicaux sont « négociables » dans leur esprit, ou si elles s'apparentent plutôt à « un ultimatum », avec des revendications « à prendre ou à laisser » ; auquel cas, la discussion promet d'être « très dure » après-demain.
Du côté des confédérations CGT, CFTC, CFE-CGC et de FO, les administrateurs se réfèrent toujours au G7. Ce groupe de réflexion, composé de ces quatre centrales syndicales et des syndicats médicaux CSMF, SML et FMF (1), avait élaboré en mai 2001 une plate-forme qui préconisait un secteur conventionnel revalorisé et mieux remboursé, en échange d'engagements en matière de qualité des soins. Le G7 réclamait notamment la revalorisation à 30 euros de la consultation des médecins généralistes afin de tenir compte des à-côtés de l'acte médical (FMC, charges financières et administratives).
Le G7, qui s'est encore réuni le 26 mars, permet maintenant aux administrateurs des confédérations CGT, CFE-CGC, FO et CFTC de garder le contact avec les principaux syndicats médicaux, alors qu'ils sont « tenus à l'écart des négociations conventionnelles » par la direction CFDT de la CNAM.
« L'idée de base du G7 est que la rémunération des médecins libéraux n'est ni suffisante ni adaptée, par rapport au niveau d'études et de responsabilité, explique le Dr Bernard Salengro, administrateur CFE-CGC à la CNAM. On ne pourra pas faire une régulation des dépenses si on n'a pas la confiance des médecins. On ne peut donc plus les considérer comme des voyous, comme le fait la direction de la CNAM aujourd'hui. »
A la CFTC, André Hoguet se dit réticent à l'augmentation de 3 euros de la « quasi-totalité » des consultations spécialisées. « Compte tenu de l'ONDAM, il nous sera difficile de suivre les médecins, car on ne peut pas demander encore un effort supplémentaire à la nation. » La CFTC propose, en conséquence, une « situation intermédiaire », consistant à « revaloriser à 24,5 euros 90 % des consultations des spécialistes au 1er mai ».
Donat Décisier, de la CGT, trouve les revalorisations tarifaires des médecins spécialistes « justifiées sur le fond ». Il regrette néanmoins que l'on maintienne « la logique de conventions séparées » et que les « engagements de qualité (du G7) , porteurs aussi de régulation et de maîtrise des dépenses » ne soient plus à l'ordre du jour.
Quant à Jean-Claude Mallet, de FO, ex-président de la CNAM de 1991 à 1996, il déplore que les revalorisations tarifaires soient devenues « le seul sujet de discussion ». Or, à ses yeux, « c'est le contenu des actes qui doit déterminer le tarif, et non l'inverse ». Selon Jean-Claude Mallet, la stratégie de l'actuelle direction CFDT de la CNAM consiste à « laisser pourrir » la situation, comme elle l'a déjà fait pendant la grève des gardes des généralistes. « Résultat : pour régler le dossier, il faut commencer par payer », conclut le secrétaire confédéral de FO.
Pronostics pessimistes
Dans les circonstances actuelles, les administrateurs de la Caisse nationale se montrent plutôt pessimistes sur l'issue de la prochaine (et sans doute ultime) séance de négociations du 16 avril. La CFTC « souhaite vivement qu'elles reprennent et aboutissent, car, plus on tarde, plus les positions des uns et des autres se radicaliseront, et plus les choses deviendront difficiles ».
Michel Regereau « souhaite un accord », d'autant qu'une situation de blocage aboutirait à un règlement conventionnel (RCM) « par définition minimal ». Cet administrateur CFDT « voit difficilement le gouvernement accorder plus que ce que prévoit déjà l'ONDAM et l'accord du 10 janvier ». Or, si les pouvoirs publics « laissent déraper les tarifs, c'est l'existence même de la Sécurité sociale qui est en jeu », prévient-il.
Pour Donat Décisier, les marges de manuvre de la CNAM dans la négociation se réduisent aujourd'hui à « pas grand-chose ». Cet administrateur CGT se dit même, « pour l'avenir, assez inquiet sur l'évolution du système de Sécurité sociale et sur les rapports entre assurances sociales et professions médicales ». « Cela paraît mal parti », résume Bernard Salengro, de la CGC.
« On se dirige vers un RCM, tranche Jean-Claude Mallet. Pour négocier, il faut être deux, mais ni la CNAM ni les médecins n'ont envie de négocier. En effet, la CNAM n'est pas convaincue que négocier la protège de l'étatisation. Elle commet aussi l'erreur de rejeter certaines organisations professionnelles. »
La CNAM se targue aujourd'hui d'avoir conclu des conventions spécifiques avec la totalité des professions de santé libérales dans le cadre de la loi du 6 mars 2002, hormis les médecins. La CGT et FO balaient d'un revers de main ces acquis. « Signer une convention, c'est facile, surtout avec un syndicat minoritaire, mais c'est plus compliqué de la faire vivre », souligne Jean-Claude Mallet. Pour Donat Décisier, les accords passés avec les autres professions de santé ne doivent pas faire oublier que, « l'axe pivot de la médecine de ville, ce sont quand même les médecins ».
(1) La FMF est finalement sortie du G7 car la plate-forme commune ne satisfaisait pas ses revendications concernant le secteur II à honoraires libres.
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