Négociations conventionnelles : la CSMF et le SML rejettent les dernières propositions des caisses

Publié le 15/04/2003
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La séance de négociation conventionnelle, qui a lieu aujourd'hui entre tous les dirigeants des syndicats médicaux représentatifs et des caisses d'assurance-maladie, devra être « conclusive » selon le directeur de la CNAM, Daniel Lenoir, dès lors qu' « on ne peut pas rester des mois et des mois dans une situation d'apesanteur conventionnelle ».

Reste que cette réunion pourrait bien tourner court, compte tenu de la déception des deux principaux syndicats, la CSMF et le SML, face aux dernières propositions formulées en début de semaine par les trois Caisses nationales d'assurance-maladie (CNAM, CCMSA et CANAM).
Les caisses ont en effet soumis aux médecins un « accord de transition conventionnelle (qui) a vocation à être signé en l'état, sauf modifications à la marge », expliquent-elles. Ce document doit aussi permettre d'acter les acquis de l'accord du 10 janvier (signé par la CSMF, le SML, MG-France et Alliance) et des négociations qui ont suivi (voir encadré).
En revanche, et c'est là que le bât blesse, les caisses jettent au panier la revalorisation de 23 à 26 euros demandée par la CSMF et le SML pour « 90 % des consultations spécialisées » après huit ans de blocage des tarifs (« le Quotidien » du 2 avril).
Pour Daniel Lenoir, en effet, l'accord transitoire tel que l'a détaillé la CSMF ne tient plus compte de l'engagement du 10 janvier sur la stabilisation du volume des actes spécialisés à + 3 % en 2003. Or, « nous sommes déjà à deux points au-dessus », signale le directeur de la CNAM. Dans ces conditions, Daniel Lenoir trouve que les contre-propositions de la CSMF et du SML « ont un coût prohibitif et conduiraient nécessairement à tuer dans l'œuf toutes les perspectives de l'accord du 10 janvier », à savoir la mise en place de la classification commune des actes médicaux (CCAM) - au 1er janvier 2004 pour son versant technique et au 1er janvier 2005 pour son versant clinique.

Plus de 200 heures de négociation

Non sans malice, le président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth, ironise à demi-mot sur le caractère comptable des dernières propositions des syndicats CSMF et SML : il défend par-dessus tout la « MÉ-DI-CA-LI-SA-TION » et « souhaite que tout le monde en fasse autant ».
Lassés d'avoir passé « plus de 200 heures de négociation » avec les médecins libéraux, les caisses entendent donc « marquer une étape nouvelle » en conciliant à la fois « les attentes (des médecins), sans les limiter à leur seule dimension tarifaire » et « l'aspiration des patients à bénéficier, sur tout le territoire, de soins organisés et de qualité ».
Concrètement, l'assurance-maladie mise sur « la piste d'une revalorisation spécifique de la coordination des soins », qu'elle considère « la plus porteuse d'avenir ».
Ainsi, les praticiens qui prennent en charge les patients en affection de longue durée (ALD, qui sont environ six millions et représentent 48 % des dépenses en ville et à l'hôpital) pourraient obtenir que le prix de leur consultation passe de 23 à 26 euros « dès le 1er mai » en cas de signature rapide de l'accord de transition conventionnelle. Leurs consultations majorées pourraient même atteindre « 30 euros, dès lors qu'un plan de soins coordonné pourra être établi ».
Un tel plan est envisageable « dès l'été pour le 1,5 million de malades diabétiques », précise le Pr Hubert Allemand, médecin-conseil national de la CNAM.
Par ailleurs, les caisses introduisent une « majoration de trois euros pour les consultations de spécialistes s'inscrivant dans une logique de prévention ». Cette majoration de prévention concerne seulement trois spécialités, pour « 20 à 30 % de leur activité » : les ophtalmologistes (dépistage systématique du glaucome chez les patients âgés de plus de 40 ans), les gynécologues (prévention de l'IVG chez les jeunes femmes de moins de 25 ans) et les dermatologues (dépistage de lésions cutanées potentiellement malignes chez des patients de plus de 20 ans).
L'enveloppe correspondant à l'ensemble des mesures, y compris les acquis précédents, s'élève à 721 millions d'euros dans le cadre de l'ONDAM, auquels s'ajoutent 100 millions d'euros pour la prise en charge partielle des primes d'assurance (RCP) et l'aide à la vie conventionnelle.
La CSMF et le SML ont réservé un accueil glacial au texte clé en main concocté par les caisses. Les deux principaux syndicats de médecins libéraux sont tout d'abord outrés par la méthode « insupportable, exécrable » qui consiste à « négocier par presse interposée ».
Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, parle de « dialogue de sourds ». Au lieu du cadre conventionnel unique réclamé depuis toujours par la première centrale syndicale médicale, l'assurance-maladie « propose deux conventions spécifiques et demande déjà le contenu des consultations qu'on est censé définir dans les six mois qui viennent », relève le chef de la CSMF.
Le Dr Dinorino Cabrera prédit « un rejet du SML » dans la mesure où la négociation ne peut se faire qu' « à la marge ». Le dernier projet de texte des caisses lui donne « l'impression d'un diktat à prendre ou à laisser ». « Ce sera plutôt à laisser qu'à prendre », renchérit le Dr Chassang.
Le Dr Cabrera déplore aussi « la complexité extraordinaire » du dispositif prévu pour « une durée de huit mois seulement ». « Sur le fond, le texte (des caisses) ne correspond en aucune façon aux objectifs d'un accord conventionnel minimal (et) tend à imposer des mesures structurantes, sans véritable revalorisation des honoraires des actes, et en particulier des consultations, des médecins spécialistes », souligne le SML. « Par ce verrouillage, les caisses prennent la responsabilité de l'échec de la négociation et de la fin du système conventionnel », conclut ce syndicat.

" Retournez l'opinion contre les médecins"

Interrogé sur l'éventualité d'une signature par les seuls syndicats minoritaires, MG-France (pour les généralistes) et Alliance (représentatif des spécialistes), le Dr Chassang rétorque que « cela reviendrait à revenir à la case départ, comme en 1995 ».
Alors que Jean-Marie Spaeth affirme « avoir fait tout ce qui était en (son) pouvoir pour que les spécialistes réintègrent la vie conventionnelle », le président de la CSMF estime au contraire que « la CNAM est sur une stratégie d'échec et n'a fait aucune recherche d'un accord majoritaire ». « Le but de la manoeuvre, ajoute-t-il, c'est d'amener l'opinion publique contre les médecins, mais on ne va pas tomber dans ce piège ».

Les acquis de la négociation actés par les caisses

Les caisses reprennent dans leur nouveau texte un certain nombre de mesures qui avaient été programmées par l'accord du 10 janvier ou obtenues lors des discussions conventionnelles du premier trimestre :
• Responsabilité civile professionnelle (RCP) : les caisses confirment la prise en charge aux deux tiers des primes annuelles des médecins de secteur I si elles sont égales ou supérieures à 1 000 euros en 2003. Elles annoncent un dispositif collectif pour tous les médecins libéraux à compter de 2004.
• Chirurgiens
: la valeur de leur lettre clé KCC serait portée à 2,30 euros (+10 %) « à compter du 15 avril et jusqu'à l'entrée en application de la CCAM technique ». Les chirurgiens bénéficieraient aussi de nouveaux actes de nomenclature et des tarifs de consultant (40 euros) pour leurs consultations avant une opération en urgence. Ils pourraient enfin souscrire à un contrat de santé publique (financé à hauteur de 1 million d'euros) pour évaluer les actes chirurgicaux.
• Psychiatres et neuropsychiatres : le tarif de leurs actes (CNPSY) passerait à 45 euros pour la première prise de contact avec le patient et pour les consultations thérapeutiques familiales avec enfants et adolescents accompagnés.
• Permanence des soins : tous les médecins spécialistes exerçant en clinique auraient droit à un forfait de 61 euros pour rémunérer leurs astreintes.
• Accords de bon usage des soins (AcBUS) : les caisses reprennent la liste des thèmes prévus par l'accord du 10 janvier.
• Médecins généralistes : la consultation annuelle approfondie pour le suivi d'un patient en ALD (CALD) serait portée de 23 à 26 euros. Le forfait pédiatrique de 5 euros serait applicable aux généralistes pour les trois examens obligatoires des nouveau-nés.
Les caisses indiquent que sont déjà formalisés deux contrats individuels de santé publique concernant le dépistage du cancer colo-rectal et le recueil de données épidémiologiques sur les accidents de montagne.
De même, des accords de pratique professionnelle « sont finalisés » pour les médecins thermaux et pour les médecins de montagne (maintenance d'un plateau technique).
• Informatisation : les caisses renouvellent leurs engagements sur leurs délais de remboursement en cas de tiers payant, le partage des données et le « document médical de liaison et d'échange ».

A. B.

Agnès BOURGUIGNON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7317