AOÛT 2004, en Tanzanie. Une primigeste de 16 ans est reçue à l’hôpital régional Sokoine de Lindi. Cela fait trois jours que la poche des eaux est rompue et qu’elle est en travail. Mais aucun moyen de transport n’étant disponible, elle n’a pas pu être transférée plus tôt. Elle a de la fièvre. Il existe des pertes méconiales qui sentent mauvais. Le foetus est tachycarde. Le col est complètement dilaté. On aperçoit la bosse séro-sanguine à la vulve. Il n’y a pas de déchirure génitale. On tente une extraction à la ventouse ; échec. Alors, après instauration d’une antibiothérapie à large spectre, on fait une césarienne, qui est un succès. La mère et l’enfant reçoivent des antibiotiques pendant huit jours. Le bébé, un garçon, ne présente pas de lésion liée à la ventouse. On laisse à la mère une sonde urinaire pendant deux semaines, comme prophylaxie d’une fistule vésico-vaginale.
Au troisième jour, il apparaît sur la tête de l’enfant des pustules, situées autour de la fontanelle antérieure et de la région occipitale. Rapidement, elles s’ulcèrent. On excise le tissu nécrosé, on poursuit l’antibiothérapie générale (gentamicine, cloxacilline) et on applique localement du violet de gentiane (chlorure de méthylrosanilium).
Péritonite chez la mère.
Une semaine après l’accouchement, les choses se compliquent chez la mère : elle fait une péritonite. On suspecte un abcès pelvien et on fait une laparotomie exploratrice. L’utérus et les ovaires sont complètement nécrosés. On fait une hystérectomie subtotale. Les suites sont bonnes mais la mère présente une incontinence. A l’examen, on découvre une fistule vésico-vaginale de grade I. La fistule cicatrise spontanément après six semaines de cathéter. Lors d’un suivi à six mois, la mère est continente et ne présente pas d’autre complication. L’enfant a cicatrisé.
Une dystocie mécanique prolongée, expliquent les auteurs, peut provoquer une fistule vésico-vaginale ou recto-vaginale du fait d’une nécrose de pression des tissus mous entre la tête foetale et le bassin osseux maternel.
Deux millions de femmes dans le monde.
Les fistules sont des complications dévastatrices de l’accouchement dans des pays qui ont des ressources médicales limitées. Dans le monde, deux millions de femmes ont une fistule. Chaque année, entre 50 000 et 100 000 femmes de plus sont touchées.
«Nous avons vu d’autres cas denouveau-nés ayant des ulcères de pression du crâne après dystocie mécanique prolongée, les mères développent une fistule vésico-vaginale», expliquent les auteurs.
La dystocie mécanique prolongée comporte des risques pour la mère et l’enfant. Dans les régions à faibles ressources, elle est responsable de 8 % des décès maternels et constitue une grande cause de mortalité néonatale. La morbidité maternelle immédiate est liée aux infections, aux ruptures utérines et aux fistules. Parmi les conséquences à long terme, citons les prolapsus, les strictions vaginales et l’infertilité.
La dystocie mécanique peut mettre en jeu la vie de l’enfant par asphyxie ou infection. «Dans notre observation, nous pensons que les ulcères céphaliques du bébé ont été causés par la nécrose de pression, étant donné que la localisation sur la tête foetale correspondait avec les rapports de la tête avec le bord du pelvis. De plus, la mère a souffert de cette nécrose de pression sous la forme d’une fistule vésico-vaginale. La prévention de la dystocie mécanique prolongée est importante pour améliorer la survie maternelle et périnatale et pour la prévention de la fistule.»
« The Lancet » du 30 septembre 2006, p. 1210.
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