En Europe, on a dit beaucoup de mal de George W. Bush ces derniers temps et bon nombre de citoyens américains ne sont pas loin de partager cet avis négatif sur leur président. Il n'est pas, pour autant, condamné à perdre les élections de 2004, censées lui accorder un second mandat.
D'abord, M. Bush, comme en 2000, disposera d'une énorme cagnotte financière (déjà évaluée à 200 millions de dollars) qui lui permettra de noyer sous la propagande les arguments de ses adversaires démocrates ; ensuite, l'année prochaine, il n'y aura de primaires que pour le parti démocrate, car M. Bush est le candidat unique du parti républicain ; enfin, il n'est pas impossible que, en dépit de ses erreurs, de ses contradictions et même de ses mensonges, le président américain parvienne à redresser la situation en Irak.
Encore populaire
Le président va sans doute lâcher du lest : il est peu probable que Condolezza Rice reste à ses côtés au-delà de 2004 : elle est accusée de n'avoir jamais su coordonner les différents ministères engagés dans la guerre ; le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, pourrait, lui aussi, être sacrifié à la horde des ultraconservateurs qui l'accusent de n'avoir pas su préparer ni gérer l'immédiat après-guerre.
Le chef de l'exécutif bénéfice encore d'une popularité qui suffirait à Jacques Chirac et a fortiori à Jean-Pierre Raffarin, résiste bien aux assauts des trop nombreux candidats démocrates. Ils ont commencé leur campagne avec plusieurs mois d'avance (il est vrai que les primaires décisives seront terminées au printemps prochain), mais dans une confusion idéologique inextricable : il y a ceux qui ont toujours été hostiles à la guerre, ceux qui ont approuvé la guerre, puis dénoncé les mensonges de l'administration, et ceux qui, en définitive, accordent leur blanc-seing à peu près à tout ce qu'a fait le gouvernement américain en Irak et ont donc beaucoup de mal à se placer dans la posture de critique.
Les chances de Dean
Parmi les candidats à l'investiture démocrate, un homme se détache : Howard Dean, ancien gouverneur du minuscule Etat du Vermont, hostile à la guerre depuis le premier jour, très partisan d'un retour aux sources du parti démocrates (tax, tax, spend, spend). L'opposé idéologique absolu de Bush et pas du tout dans la lignée de la nouvelle gauche inaugurée par Bill Clinton. Jugement des analystes : trop à gauche, excellent instrument pour gagner l'investiture du parti et perdre ensuite les élections ; il y a des précédents (par exemple, le triomphe de George McGovern en 1972, battu ensuite à plate couture par Richard Nixon).
Derrière M. Dean, beaucoup de gens se bousculent : Dick Gephardt, un parlementaire très connu mais qui a fait son temps, l'ancien général Wesley Clark, arrivé dans la mêlée avec une bonne réputation mais qui a aussitôt administré la preuve de son amateurisme, et d'autres qu'il est trop tôt de nommer.
M. Dean a un atout supplémentaire : il a mis au point un système de dons électoraux par Internet, ce qui lui a permis de recueillir, dollar par dollar, des sommes assez considérables. Il peut donc dépenser beaucoup d'argent au début des primaires, et cela peut lui assurer la victoire.
M. Bush doit prier pour que M. Dean (qui est médecin) l'emporte : il est soutenu par les évangélistes, par la droite pure et dure, par les républicains en général et, contre Dean, il pourrait obtenir les voix de la frange conservatrice des démocrates. En tout cas, on peut être sûr qu'il continuera à faire vibrer la corde patriotique : tous ceux qui sont opposés à la guerre trahissent leur pays.
Il faut savoir que la polarisation est très forte aux Etats-Unis en dépit des strates ethniques qui s'y sont déposées : les grandes villes des deux côtes ont un électorat prospère, éduqué, de plus en plus bourgeois-bohème, qui vote démocrate ; le monde rural abrite des millions de chasseurs en tout genre, qui hissent le drapeau américain sur leur front yard, sont membres de la National Rifle Association (NRA), antiavortement, souvent racistes (quoique beaucoup moins qu'il y a cinquante ans) et surtout appartiennent à la middle-class ou même à la lower middle-class. Tout ceux-là voteront Bush et ils sont nombreux.
La bataille sera dure
Ce qui est absolument vrai, c'est que M. Bush ne va pas écraser son rival et qu'il n'ira pas distraitement aux élections : bien qu'il le nie, l'Irak a été une erreur politique majeure qu'il n'a pas fini de payer. Il le reconnaît implicitement en se tournant désormais vers le multilatéralisme : il a soutenu l'initiative pour la paix à Genève en des termes qui n'ont pas épargné la politique de Sharon ; il quémande presque humblement des troupes non américaines pour l'Irak ; il lève les droits de douane qu'il avait récemment adoptés pour protéger les aciéries américaines ; il compte infiniment moins sur le belliqueux Rumsfeld et infiniment plus sur le diplomate Colin Powell.
Il sait que la bataille sera dure. Il a cru d'abord que l'Irak serait un triomphe pour lui et que, comme pour son père, son problème viendrait de l'économie. Il a mis le paquet pour relancer la machine américaine, avec un déficit budgétaire qui dépasse les 5 % du PIB. Avec de bons résultats puisque, en moyenne actuelle, la croissance a été de 8,2 % au troisième trimestre. Le danger ne semble plus venir d'une crise économique ou sociale, mais de l'Irak. Si Bush parvient à pacifier le pays dans les six mois qui viennent, ce qui est une tâche immense, il écrasera son adversaire. Sinon, ce qui est plus probable, il risque de perdre ou, tout au moins, d'obtenir un mandat aussi incertain que le premier.
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