BENOIT RAYSKI est mon confrère et de surcroît, nous avons eu l'occasion de travailler ensemble. Comme beaucoup de Français juifs, il croyait que la page de l'antisémitisme était définitivement tournée et je témoigne qu'il était, qu'il est sans doute encore, en faveur d'une paix négociée entre Israël et les Palestiniens.
Il n'est pas le seul dans ce cas, mais il est de ceux que la « judéophobie » a particulièrement indignés. Pour une raison évidente : plus on est intégré, moins on s'attend à être jugé sur ses origines. Du coup, il a voulu aller à la rencontre de ces juifs qu'il ne connaissait pas vraiment, les sépharades, et il raconte leur inquiétude et leur colère.
Non sans humour, il rapporte des anecdotes édifiantes, par exemple, la jeune beurette à qui la prof' dit que la Shoah a fait six millions de morts et qui répond : « Et c'est tout ? » Et il va au fond de quelques incidents : le quasi-lynchage de deux juifs de gauche qui participaient à une manifestation pour la paix, l'affaire du lycée Montaigne où les deux enfants qui ont martyrisé un petit juif ont été réintégrés (c'est la victime qui est partie), ou encore le témoignage accablant d'une enseignante.
Il s'attaque à une idée fausse, mais répandue : ce n'est pas en niant la multiplicité et la gravité des actes antisémites qu'on apaisera cette crise. Il rappelle que, contrairement aux allégations des antisémites, les juifs ne sont pas nécessairement unis et que certains condamnent sans indulgence les positions de leurs coreligionnaires. Mais surtout, il décrit avec un fort ressentiment la blessure que l'antisémitisme, le déni de justice aux victimes, la violence à laquelle les pouvoirs refusent de donner un nom propre, la mise en demeure adressée aux juifs de France pour qu'ils s'expliquent sur la politique d'Israël ont causé à cette « communauté » qui, d'ailleurs, n'en a jamais été une tant elle est diverse, mais qui s'est ressoudée devant le danger.
Benoît Rayski parle de l'exode de quelques-uns vers Israël ou d'autres pays, de la perte de confiance, de la désillusion. Du mal qui a été fait et pour lequel on n'a pas encore trouvé de remède. Quant au titre de son ouvrage, « Jours tranquilles à Créteil », il le tire d'une visite qu'il a faite aux juifs de cette ville, où ils sont vingt-mille, de sorte que personne n'ose y aller pour les provoquer. Par opposition à Arcueil, où le maire communiste poursuit son combat propalestinien au mépris des sensibilités juives de sa ville.
« Jours tranquilles à Créteil » est un témoignage engagé, mais vrai, qui rappelle le travail qu'Elie Chouraqui a fait dans les banlieues.
Le déni est le même : mais non, mais non, tout ne va pas si mal, les juifs sont protégés, leurs agresseurs n'éprouvent pas de haine, ils sont tout justes un peu incultes. On n'est pas loin de demander aux juifs de supporter sans broncher quelques quolibets, quelques coups, quelques insultes (comme « sale juif », qui est si courant) au nom de la paix sociale. Le plus terrible, c'est cette veulerie matoise qui relativise les principes sacrés de la République, bons pour tous les autres, mais pas pour les juifs qui, lorsqu'ils s'en réclament, sont considérés comme des emmerdeurs.
« Jours tranquilles à Créteil », par Benoît Rayski, Ed. Ramsay, 18 euros.
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