SI LES CANCERS professionnels touchent vraisemblablement de 6 000 à 8 000 personnes chaque année, seulement 700 d'entre eux ont fait l'objet d'une déclaration en 1999. Pourtant, les professionnels s'accordent pour dire qu'il y a eu « beaucoup de progrès ces derniers temps ». En réalité, comme le rappelle Hélène Imbernon (Institut de veille sanitaire), « les cancers d'origine professionnelle sont mal connus des praticiens, sous-estimés ». Le nombre de cas réels est bien supérieur à celui enregistré par les organismes chargés de la réparation, comme le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Les médecins n'ont - en l'absence de critères radiologiques, cliniques ou histologiques spécifiques - que peu d'éléments pour déterminer l'origine de la pathologie, et, de plus, peu d'entre eux sont conscients de l'intérêt que représente l'établissement d'une déclaration.
Des outils pour les médecins.
La notion qui est au cœur de la déclaration est l'imputabilité : elle définit dans quelle mesure on peut imputer une maladie à une certaine exposition professionnelle. Mais par quels moyens ? De nombreux outils ont été développés dans les domaines de la médecine du travail (tests sanguins et d'urine), de la réglementation (obligations d'étiquetage, dossiers toxicologiques pour toutes les nouvelles substances), mais aussi de la clinique. La Ligue contre le cancer (voir son site, www.ligue-cancer.asso.fr) publie des brochures d'information sur les différents cancers professionnels, établissant des rapprochements avec les produits auxquels la personne a pu être exposée. « Des questionnaires comportant l'ensemble des situations à risque, agent causal par agent causal » peuvent être demandés à la Ligue, explique le Pr Jean-Claude Pairon. Ils sont d'autant plus utiles que les cancers professionnels ont la particularité de se développer après un long temps de latence, allant jusqu'à 50 ans. Si le mésothéliome est très majoritairement d'origine professionnelle (lié à l'amiante), d'autres cancers doivent être mis en relation avec les conditions de travail : les cancers du nez et des sinus (poussières de bois, dérivés de chromates, travail du cuir, raffinage du nickel), ceux du larynx (brouillards acides contenant notamment de l'acide sulfurique, amiante), certaines hémopathies et, bien sûr, le cancer du poumon, premier cancer professionnel, mais dont l'origine est plus difficile à établir (selon les estimations, de 13 à 29 % des cancers du poumon chez les hommes seraient d'origine professionnelle). En dehors de ces questionnaires, le tableau des maladies professionnelles est une référence, bien qu'il ne soit pas l'unique critère : un cancer peut être reconnu comme ayant une origine professionnelle, même s'il ne figure pas sur ce document.
Des cancers évitables.
« Les cancers professionnels ne sont peut-être pas les plus fréquents mais ce sont des cancers évitables », rappelle le Pr Jacques Robert, président de la Société française du cancer (SFC). Pour cela, mais aussi bien sûr dans l'intérêt du patient et de ses proches, il est nécessaire de les déclarer. « Les cliniciens sont prioritairement focalisés sur la prise en charge thérapeutique et non sur les aspects médico-sociaux », déplore le Pr Pairon. « Beaucoup de praticiens ne sont pas au fait des avantages sociaux » qui en découlent alors que « les patients ont besoin d'un accompagnement dans ce domaine ». La déclaration permet au patient de bénéficier d'une meilleure indemnisation et d'une protection de l'emploi et garantit parfois une rente aux ayants droit en cas de décès. De plus, elle fait économiser des indemnités au régime général (par effet de bascule vers la branche « accidents du travail »), stimule la prévention du fait de l'augmentation du nombre de cas déclarés et permet aux caisses, en cas de « faute inexcusable » de l'employeur, de percevoir une indemnisation. Il ne faut donc pas hésiter à déclarer le cancer, d'autant que la très grande majorité des dossiers de réparation ont à ce jour été acceptés.
* Symposium organisé par la Société française du cancer, avec le concours du Groupement des entreprises dans la lutte contre le cancer (Gefluc).
Comment déclarer
Fournir au patient un certificat médical en deux exemplaires précisant la nature de la maladie en suivant exactement le libellé mentionné dans le tableau des maladies professionnelles et informer le malade du lien possible de son cancer avec son activité professionnelle.
Le patient remplit lui-même un formulaire de déclaration à la Cpam dans un délai de deux ans à partir de l'établissement du certificat, accompagné de toutes pièces utiles (bulletins de salaire, etc.). En l'absence de réponse de la caisse dans les trois mois suivant la déclaration, le caractère professionnel du cancer est automatiquement acquis.
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