LE Dr F. VIN (angiologue) a rappelé que la maladie veineuse touche plus de 18 millions de Français, 10 millions d'entre eux présentant des varices. Majoritairement, il s'agit de femmes socialement défavorisées ayant des conditions de vie et de travail pénibles. Si la maladie veineuse débute par des symptômes bénins, elle est sous-entendue par un processus inflammatoire qui la fait évoluer, lentement et à bas bruit, vers des complications dominées par les troubles trophiques et les ulcères. Dans ces conditions, poursuit le Dr F. Vin, un diagnostic précoce et un suivi régulier par le médecin traitant s'impose, ce qui permet une prise en charge active (phlébotropes, contention, sclérothérapie...) adaptée, avec le double objectif d'améliorer la qualité de vie des patients et de prévenir les complications.
Déjà une prise en charge insuffisante.
Encore faut-il pour cela que le public soit informé et consulté. Or une enquête réalisée par Doctissimo révèle un paradoxe inquiétant : pendant trois mois et demi, près de 6 500 internautes ont déclaré souffrir de maladie veineuse, «chiffre record», souligne le Dr Elie Lobel, directeur médical du site santé.
Soixante-treize pour cent de ces personnes considèrent ces troubles comme handicapants, dans leur vie personnelle, mais aussi professionnelles pour 36 % d'entre eux ; 55 % déclarent être gênés dans leur sommeil ; 6 % rapportent des arrêts de travail causés par la pathologie veineuse.
Pourtant, 65 % ne bénéficient d'aucun traitement, un traitement que 43 % ne se sont jamais vu proposer. Enfin, 20 % des répondants pensent que les traitements proposés ne sont pas efficaces.
Le manque d'information et le fatalisme sont donc déjà très répandus : le déremboursement des phlébotropes risque d'aggraver cette situation préoccupante, conclut E. Lobel.
Des médecins inquiets.
Une enquête CSA effectuée auprès d'une centaine de généraliste et d'une vingtaine de phlébologues montre que plus de 9 cliniciens sur 10 estiment qu'un diagnostic et un traitement précoces permettent d'éviter une évolution vers des cas graves. Un suivi médical régulier est justifié pour 80 % des cliniciens : pour éviter le risque de phlébite, pour rechercher des troubles trophiques et des oedèmes, pour contrôler l'extension de la maladie à d'autres territoires veineux. Une mobilisation qui s'explique par le fait que chaque généraliste déclare voir environ 10 cas graves par an (65/an pour les phlébologues).
Fait à noter : les phlébotropes sont jugés utiles par les trois quarts des cliniciens et, logiquement, de deux tiers à trois quarts d'entre eux voient dans leur déremboursement un simple choix économique du gouvernement.
Surtout, 53 % des phlébologues et 79 % des médecins généralistes estiment que ce déremboursement peut favoriser l'augmentation des risques de survenue des complications de la maladie veineuse, en raison d'un suivi médical plus aléatoire et d'une automédication plus ou moins avisée (le rôle du conseil pharmaceutique sera déterminant à ce niveau).
Ce n'est pas le contre-exemple italien (voir encadré) qui devrait calmer leur inquiétude.
(1) Conférence de presse organisée par le Groupe Servier.
Le contre-exemple italien
Le 1er janvier 1994, l'Italie déremboursait les phlébotropes, ce qui a eu de nombreuses conséquences comme le montre une étude réalisée en Lombardie comparant les coûts de prise en charge entre 1991 et 1999. Certes, reconnaît le Pr C. Allegra (Rome), le nombre de consultations pour maladie veineuse a diminué de moitié chez les médecins généralistes ; fait notable, la consommation de phlébotropes n'a baissé que de 20 % après leur déremboursement. Au total, le déremboursement a permis une économie directe de 54,4 millions d'euros.
Mais, entre 1991 et 1999, le nombre de patients traités à l'hôpital pour ulcères ou varices est passé de 19 000 à 26 000, soit une augmentation globale des dépenses de 23,6 millions d'euros. La baisse des diagnostics de maladie veineuse chronique en médecine générale laisse supposer que ce mouvement se poursuivra, avec encore plus de diagnostics tardifs au stade des complications coûteuses.
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