Après l’étude COPPS, qui avait souligné les bénéfices de la colchicine en postopératoire (3 jours après la chirurgie) en prévention du syndrome postpéricardiotomie, l’étude COPPS-2 a été menée afin d’évaluer l’effet d’une administration débutée 48 à 72 heures avant le geste chirurgical et poursuivie pendant un mois. Au total, 360 patients ont été inclus dans cet essai multicentrique randomisé pour recevoir soit de la colchicine (posologie de 0,5 mg deux fois par jour, réduite à une fois par jour en cas de poids ‹ 70 kg) soit un placebo.
Le critère principal d’évaluation était la survenue d’un syndrome postpéricardiotomie dans les 3 mois. Sa fréquence a été moindre dans le groupe traité par colchicine (19,4 % versus 29,4 %, p = 0,03) mais aucune différence entre les deux bras thérapeutiques n’a été observée sur l’autre critère principal (fibrillation atriale) et sur la survenue d’épanchements péricardiques ou pleuraux postopératoires.
Les effets indésirables ont été plus fréquents dans le bras colchicine (20 % versus 11,7 %, p = 0,034), essentiellement de type gastro-intestinaux.
POPE-2, étude multicentrique française (10 centres) randomisée versus placebo, avait pour objectif d’évaluer l’effet de la colchicine (14 jours de traitement à une posologie de 1 mg par jour) sur l’évolution des épanchements péricardiques postopératoire persistant à la sortie du service de chirurgie cardiaque. Elle a inclus 197 patients consécutifs avec un épanchement de grade 2 ou plus entre 7 et 30 jours après la chirurgie. Aucune différence n’a été rapportée entre les deux groupes sur le critère principal (réduction du grade moyen de l’épanchement en échographie). Il n’y a pas eu non plus de réduction du nombre de tamponnades ou de drainages péricardiques. Cette étude a par ailleurs confirmé que ces patients porteurs d’un épanchement péricardique modéré à moyen persistant après la sortie du service de chirurgie cardiaque sont à haut risque : 11,5 % de ré-intervention, avec 6,6 % de tamponnade dans les deux semaines et 5 % de drainages dans les 6 mois.
Le commentaire du Dr Philippe Meurin*
Après une chirurgie cardiaque, deux maladies péricardiques très différentes peuvent survenir : un syndrome Postpéricardiotomie (PPS) et un épanchement Péricardique postopératoire (POPE).
Le véritable PPS est une complication exceptionnelle, à l’instar du syndrome de Dressler après infarctus du myocarde, et concerne moins de 1 % des patients. Il s’agit d’une maladie probablement auto-immune, qui de ce fait ne survient jamais la première semaine mais généralement entre la deuxième semaine et la huitième semaine postopératoire. C’est une véritable péricardite qui se caractérise par des douleurs thoraciques de la fièvre et une élévation de la CRP. L’existence d’un épanchement péricardique est inconstante, et il est alors généralement de petite taille.
Le PPS est donc finalement une complication rare, associée à un faible risque de tamponnade et qui répond bien au traitement par colchicine. Il est inutile de tenter de le prévenir : il y aurait trop de patient à traiter pour un bénéfice minime.
Mais il y a un problème de critère diagnostic de ce PPS : dans l’étude COPPS 2 la définition du PPS était floue puisqu’elle incluait l’existence de petits épanchements péricardiques et pleuraux, habituels chez quasiment tous les patients, et asymptomatiques. Sans surprise, la colchicine a réduit le risque de ces PPS. Elle s’est en revanche montrée inefficace en termes de réduction des épanchements péricardiques de taille significative qui, eux, constituent un vrai danger puisqu’ils sont précurseurs des tamponnades. L’intérêt de cette étude COPPS-2 résidait donc surtout dans la tentative de prévention des fibrillations atriales postopératoires, mais les résultats ont été négatifs. Le traitement a par ailleurs été assez mal toléré, essentiellement sur le plan digestif.
L’épanchement péricardique postopératoire persistant après J7 est une complication tout autre. Le patient est asymptomatique (la présence de symptômes : asthénie, dyspnée… signe une tamponnade et impose un drainage) mais à risque élevé de tamponnade. Chez ces patients, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont inefficaces comme l’a montré la première étude POPE, tout comme la colchicine à la lumière de l’essai POPE-2.
En résumé, au regard des résultats de ces deux études, en postopératoire, la colchicine n’a aucune place en prévention d’une maladie péricardique ou d’une fibrillation atriale ; elle est aussi inutile pour traiter les épanchements péricardiques postopératoires. En revanche, elle est très efficace pour traiter les péricardites symptomatiques.
Que faire en pratique chez les patients ayant un épanchement péricardique postopératoire ? Il faut surveiller le patient, ce qui en France est assez facile puisque la majorité des sujets vont dans un centre de réadaptation après chirurgie cardiaque. La réalisation plusieurs fois par semaine d’un contrôle échocardiographique ne prend que quelques minutes et permet de suivre l’évolution de l’épanchement. Dans les formes d’intensité modérée à moyenne, la surveillance peut ensuite être envisagée en ville.
(1) Imazio M et al – COLchicine for Prevention of the Post-pericardiotomy Syndrome and Post-operative Atrial Fibrillation (COPPS-2 trial).
(2) Meurin P et al. Colchicine for post-operative pericardial effusion : The Post-Operative Pericardial Effusion (POPE-2) Study. A multicenter, double-blind, randomized trial.
Hot Line : Cardiovascular disease : novel therapies.
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