Troubles du comportement chez le sujet âgé

Ne banaliser ni l'apathie ni la dépression

Publié le 02/10/2008
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«IL EST TRÈS IMPORTANT d'être attentif à une baisse de motivation chez une personne âgée. L'apathie est le symptôme le plus précoce d'une maladie d'Alzheimer débutante, même avant le stade démentiel. C'est aussi un symptôme précoce de dépression, qui peut d'ailleurs être associé de façon précoce à une maladie d'Alzheimer», insiste le Pr Philippe Robert, psychogériatre au CHU de Nice.

Les troubles du comportement peuvent être les premières manifestations d'un dysfonctionnement cérébral. Il faut savoir à ce sujet que, quand on parle de troubles du comportement dans les démences, on se réfère à la définition internationale en cours. L'International Psychogeriatric Association a en effet proposé la dénomination plus précise de « symptômes psychologiques et comportementaux » (SPCD), qui regroupe les troubles de la perception, du contenu des pensées, de l'humeur ou du comportement. Cette définition permet de rendre compte à la fois de ce qui est de l'ordre de l'observable (agitation, agressivité, comportement moteur aberrant) et de ce qui est de l'ordre de l'émotionnel (anxiété, dépression).

Dans la maladie d'Alzheimer et les syndromes apparentés, les SPCD sont présents à tous les stades de la maladie. «Il est très important de bien repérer l'apathie et la dépression, qui sont les symptômes les plus précoces de démence. Ce sont souvent des symptômes plus bruyants, tels que l'agitation ou l'agressivité, qui inquiètent les familles. Or ces symptômes sont tardifs et ne se manifestent qu'à un stade avéré de la maladie, alors que le diagnostic est déjà posé», explique le Pr Philippe Robert. L'apathie se manifeste par une perte d'initiative, une perte d'intérêt et un émoussement émotionnel. Il semblerait que la perte d'intérêt soit la composante la plus prédictive d'une maladie d'Alzheimer. Des tests neuropsychologiques spécifiques de l'apathie, comme l'inventaire Apathie, ont été évalués dans la prédiction d'une évolution vers la maladie d'Alzheimer.

Les symptômes dépressifs (tristesse, pessimisme, culpabilité, idées de mort) sont aussi des symptômes de démence débutante. Le dépistage de la dépression chez le sujet âgé a ainsi un double objectif : dépister une maladie d'Alzheimer débutante et prévenir le risque suicidaire.

Dépister la dépression.

«La dépression est un diagnostic important chez le sujet âgé pour plusieurs raisons: il faut la traiter, mais aussi vérifier que les symptômes n'annoncent pas une détérioration cognitive. Il faut toujours rechercher des idées suicidaires chez une personne âgée qui présente un état dépressif», rappelle le Pr Philippe Robert.

Dans le cadre du plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008, la Direction générale de la santé (DGS) a d'ailleurs communiqué sur l'importance du dépistage de la dépression chez le sujet âgé.

Alors que les symptômes classiques de la dépression sont l'humeur triste, le pessimisme, la dévalorisation, voire la culpabilité, la dépression du sujet âgé présente certaines particularités cliniques qu'il faut connaître. L'expression de la tristesse est moins forte, l'anxiété et les troubles du caractère sont plus marqués et l'apathie est souvent présente. Dans une dépression masquée, les plaintes somatiques ou les troubles subjectifs de la mémoire peuvent être au premier plan.

En pratique, devant une apathie inhabituelle d'apparition récente, associée à des troubles de la mémoire, il est important d'explorer précisément les performances cognitives. Il est alors recommandé d'orienter vers une consultation mémoire spécialisée pour un bilan approfondi. Devant des symptômes dépressifs, il est important de toujours rechercher les origines possibles (événements de vie, histoire médicale, traitement) et de bien préciser la sémiologie. Comme il est indiqué dans la mallette d'évaluation de la dépression chez le sujet âgé proposée par la DGS, il existe des instruments pour le dépistage. À savoir l'échelle de dépression gériatrique (GDS), qui est l'échelle d'autoévaluation de référence, l'inventaire Apathie et le MMSE, qui permet une évaluation cognitive globale en cas de suspicion de troubles cognitifs.

D'après une interview du Pr Philippe Robert, psychogériatre au CHU de Nice.

> Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8432