Il est 9 heures, le 13 septembre, quand Patrick H., 42 ans, originaire de Denain (59), arrive dans l'entreprise de traitement des déchets de Rambervillers (88). Une opération de maintenance à l'intérieur d'un gros tube d'évacuation est prévue. A la fin de l'intervention, Patrick, de l'extérieur de la gaine, passe ses bras à travers la trappe d'accès pour reprendre son casque dans le conduit. Il est 11 h 30, et l'accident survient ; pour une raison indéterminée, le piston hydraulique qui pousse les déchets dans le conduit avance et sectionne l'avant-bras gauche et le bras droit. Après que l'on eut relevé le piston de plusieurs tonnes, Patrick est dégagé. Le mauvais temps empêchant le décollage de l'hélicoptère sanitaire régional, c'est dans l'ambulance du SAMU qu'il arrive à 13 h 30 à l'hôpital Jeanne-d'Arc. Deux équipes de chirurgiens l'attendent. Leur premier geste consiste à parer une plaie du cuir chevelu. Non pas qu'elle soit grave, mais elle a entraîné une déperdition sanguine importante. Deux microscopes sont installés, et les équipes sont prêtes à intervenir. Il est 15 h 35. Ce temps de préparation, souligne le Pr Gilles Dautel, chef de service, est assez long, mais essentiel.
Des lésions très contaminées
A droite, la section a amputé le segment huméral du membre. Les seules structures épargnées sont les trois troncs nerveux des médians, cubital et radial. Le parage est long, car les lésions sont très contaminées. Le temps suivant consiste à stabiliser le squelette par plaques vissées. Puis l'urgence est de rétablir le flux artériel, en suturant l'artère. Un pontage veineux est réalisé par l'intermédiaire d'un greffon saphène. Puis viennent les temps de réparations veineuse, tendineuse et musculaire. Dans la foulée, indique Gilles Dautel, « nous avons également réparé un deuxième axe artériel huméral, surnuméraire (une particularité anatomique) ». A gauche, les choses étaient plus compliquées : contusions tissulaires importantes, syndrome de crush, aggravées par une fracture complexe de l'extrémité distale du radius. L'équipe a pratiqué une arthrodèse raccourcissante, d'environ 2,5 cm, notamment pour faciliter les temps ultérieurs. L'état d[212]écrasement tissulaire hypothéquait la restauration vasculaire, mais un double pontage veineux avec, là encore, un greffon saphène a permis de restaurer les artères radiales et cubitales. Rapidement après, la circulation veineuse est rétablie. De ce côté, en fait, les seules structures intactes étaient trois tendons fléchisseurs.
Deux équipes de microchirurgiens
« Toute la difficulté d'une telle intervention, indique le Pr Dautel, est de disposer simultanément de deux équipes de microchirurgiens, avec microscope opératoire, pouvant intervenir en même temps. Entré au bloc opératoire à 13 h 30, le blessé n'en n'est sorti qu'à 21 h 30. Durant ce temps, douze personnes ont été mobilisées à son chevet : quatre chirurgiens, deux externes, deux anesthésistes et quatre infirmières, dont une anesthésiste et une instrumentiste. »
La course contre la montre est donc une double course ; il est hors de question de traiter un membre, puis l'autre : tout doit être fait en même temps. La seconde difficulté est liée à l'état d'écrasement tissulaire et à l'état de contamination microbienne importante des lésions. Le moindre germe resté dans la plaie pouvait anéantir le bénéfice de l'intervention. Les suites opératoires ont demandé de maîtriser les conséquences du crush (augmentation des métabolites musculaires et acidose de revascularisation). Après quelques jours de soins intensifs, le blessé a pu commencer sa rééducation.
Après trois semaines de kinésithérapie, Patrick mange seul. Grâce à deux orthèses, et quelques bricolages astucieux, il a acquis une petite autonomie permettant d'allumer son téléviseur ou boire à la paille. Sur le plan fonctionnel, il a récupéré la sensibilité de ses derniers doigts à gauche. L'dème est encore important, qui gêne la mobilisation. A droite, il peut déjà écarter les doigts et bouger son pouce.
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